Si la présence française en Alberta remonte au début du XVIIIe, soit avant la Conquête de la Nouvelle-France, la Société historique francophone de l’Alberta, elle, est toute jeune. Née en 2012, elle s’est donnée comme mission de contribuer de manière exemplaire à l’identification, à la sauvegarde, à la mise en valeur et à la diffusion du patrimoine historique de la francophonie albertaine. Notre priorité est d’assurer l’accès et la diffusion par les moyens numériques.
Connecter l’histoire aux citoyens et le citoyen à son histoire
Sur le plan théorique, notre mission est cohérente avec l’idée que l’on se fait d’une société historique, mais notre enjeu principal, lui, se situe sur un plan pragmatique. Comment connecter l’histoire aux citoyens et le citoyen à son histoire? Et que faire lorsque l’histoire locale n’est pas nécessairement « son » histoire? Par exemple, lors d’une rencontre sur l’inclusion dans notre communauté, un participant a lancé la question suivante au groupe : combien de temps est-ce que ça prend pour que je sois « de la place »? Dans une province où seulement 25 % de la population francophone est née ici, cette question s’avère d’une grande pertinence.
La jeunesse relative de notre organisme nous place dans une situation très excitante : des possibilités infinies et une feuille blanche. Et, la multitude de plateformes permettent de diversifier les moyens de diffusion au-delà des monographies imprimées et d’atteindre des publics plus larges et hétérogènes, autres que les spécialistes.
En anglais, le mot podcast est un mélange de « personal-audio-broadcast », ou de « iPod et broadcast ». En français, la baladodiffusion met l'accent sur la mobilité du médium. Quel que soit le terme utilisé, la balado est conçu pour raconter des histoires à un public plus jeune. De plus, il répond aux goûts d’auditeurs passionnés plus limités en nombre, mais enclins à former une communauté. Pour un diffuseur francophone en Alberta, le balado nous semblait être une plateforme apte à livrer notre contenu.
La Société a rassemblé une équipe chevronnée : Ronald Tremblay, ancien réalisateur à Radio-Canada, Josée Thibeault, écrivaine et metteuse en scène, Dominique Roy, sonorisateur, Isaël Huard, compositeur et moi-même en tant que producteur et historien. Nous avons mordu rapidement dans la notion de raconter « la place » aux gens qui n’étaient pas « de la place » (quoiqu’on s’est rendu compte peu après qu’on peut habiter un lieu pendant toute sa vie sans le connaître). Le choix du titre de notre production est alors devenu une évidence : La place.
Le lieu physique est le point de départ
Mais revenons à la question première : comment connecte-t-on à l’histoire? Notre hypothèse était que, peu importe notre origine, le lieu physique est le point de départ. On a donc décidé de bâtir la série autour de lieux et de quartiers de notre ville, Edmonton. Deuxième hypothèse, les vecteurs d’appartenance à un quartier sont des repères culturels, c’est-à-dire l’histoire, les arts, l’architecture, la nourriture qui s’y retrouvent. Au lieu d'une présentation objectivante de faits stériles parce que trop abstraits, nous nous sommes fiés à ce que nous sommes et nous avons utilisé la conversation semi-spontanée et informelle afin de fournir une compréhension plus convaincante et plus profonde du contexte d'un quartier.
Aussi, nous avons voulu que La place ne soit pas une histoire francophone des lieux sous examen, mais plutôt l’histoire du lieu en question. Ce fut un choix difficile, surtout pour une société historique francophone. Mais la région d'Edmonton était à majorité francophone jusqu'à la fin du XIXe siècle. Bon nombre des missions, paroisses, écoles, hôpitaux, commerces, banques, hôtels, cabinets d'avocats, hôpitaux, universités et orphelinats de la région du Grand Edmonton ont été fondés par des Canadiens français, des Métis français et des Français. Donc, par la force des choses, les francophones ont eu une influence « fondatrice » dans toute la ville, et on était confiants qu’on allait surprendre bien des gens avec cette robuste présence francophone sans en faire l’objet primaire de la série.
La région d'Edmonton était à majorité francophone jusqu'à la fin du XIXe siècle. Bon nombre des missions, paroisses, écoles, hôpitaux, commerces, banques, hôtels, cabinets d'avocats, hôpitaux, universités et orphelinats de la région du Grand Edmonton ont été fondés par des Canadiens français, des Métis français et des Français. Donc, par la force des choses, les francophones ont eu une influence « fondatrice » dans toute la ville.
Trouver l'histoire dans les endroits inusités
Deux constats prédominent notre expérience quant à la recherche historique. D’abord, il va sans dire que les journaux communautaires du 20e siècle sont des sources extrêmement riches, de généreux témoins documentaires. Les pages de ces journaux ne contiennent pas seulement les « grandes » nouvelles du jour, mais aussi les « petites » nouvelles intimes racontant les naissances, les mariages, les visites, les rencontres ainsi que la vie des échanges sous forme d’annonces en tout genre. Aussi, en appliquant un angle francophone à ce qui existe sur la place publique, on découvre que l’histoire francophone d’Edmonton se cache dans les endroits les plus inusités. On la retrouve sur les plaques historiques, les pamphlets de randonnées pédestres, les noms de maisons comme ceux des institutions. Dans le cas de la recherche francophone, ce qui manque n’est pas toujours les données, c’est le traitement et la diffusion de récits historiques populaires et accessibles.
Les résultats préliminaires sont prometteurs. Nous avons en moyenne 120 écoutes complètes par épisode depuis septembre, avec un nombre total de plus de 1 400 au moment où j'écris cet article. Notre site d'accompagnement www.laplacepodcast.ca s’est avéré une bonne ressource pour les personnes qui veulent voir certains des documents source et des informations supplémentaires sur le contenu des épisodes.
Les balados sont un moyen exceptionnel de diffuser les histoires orales. Il s'agit d'une porte d'entrée pour stimuler l'intérêt et la curiosité pour l'information sur les communautés locales. Les commentaires anecdotiques que nous avons reçus me portent à croire que nous sommes en train de transformer les perceptions de notre environnement urbain. Les deux choses les plus communes que les gens disent sont : « Je n'avais aucune idée » et « Je vois le quartier différemment maintenant ».
Le virage numérique de la Société historique est bien entamé et le succès de La place témoigne qu’un tel médium pour la mobilisation des connaissances peut devenir un fort vecteur d’appartenance au patrimoine franco-albertain.
Le virage numérique de la Société historique est bien entamé et le succès de La place témoigne qu’un tel médium pour la mobilisation des connaissances peut devenir un fort vecteur d’appartenance au patrimoine franco-albertain.
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- Denis PerreauxAdministrateur·trice/Cadre – AutreSociété historique francophone de l'Alberta
Denis Perreaux est directeur général de la Société historique francophone de l'Alberta à Edmonton. Ce poste est le cumul de ses études supérieures sur l'histoire de la francophonie des Prairies et de sa carrière en développement communautaire francophone en Alberta. La Société historique se donne pour mission de contribuer de manière exemplaire à l’identification, à la sauvegarde, à la mise en valeur et à la diffusion du patrimoine historique de la francophonie albertaine.
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