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Nicolas Kenny, Université Simon Fraser, Aude-Claire Fourot, Université Simon Fraser, Jérémie Cornut, Université Simon Fraser, Rémi Léger, Université Simon Fraser

Quelles ressources pédagogiques proposer à des étudiant-e-s inscrit-e-s dans un programme multidisciplinaire en affaires publiques et internationales lorsque l’enseignement se déroule dans un contexte où le français est très largement minoritaire? Telle est la question que nous nous posons depuis de nombreuses années à titre de professeur-e-s au sein d’un cursus unique au Canada, géré par le Bureau des affaires francophones et francophiles de l’Université Simon Fraser (SFU) à Vancouver. 

sdfafLe monde et l’enseignement francophone minoritaire

Les manuels de langue française, bien qu’ayant chacun leurs forces, sont souvent mal adaptés aux réalités de nos étudiant-e-s de la Colombie-Britannique. Pour pallier ce manque, nous avons décidé de produire un outil dont l’objectif est de présenter de manière actualisée et accessible les principaux enjeux de la science politique canadienne et certains thèmes centraux de l’histoire du pays, tout en répondant aux défis propres à l’enseignement francophone minoritaire. Né des particularités de notre quotidien professionnel, nous espérons que ce manuel trouvera écho auprès d’étudiant-e-s et de leurs enseignant-e-s d’un océan à l’autre.

C’est à la suite d’une mobilisation communautaire visant à étendre l’enseignement francophone en Colombie-Britannique au-delà du niveau secondaire que le French Cohort Program (FCP) en affaires publiques et internationales est créé en 2004, proposant un parcours bilingue au sein d’une université anglophone. Au menu : des cours de science politique, de langue et littérature française, et d’histoire, principalement dispensés en français, ainsi qu’un échange avec une université francophone en Europe ou au Québec (Paris, Strasbourg, Tours et Montréal, parmi d’autres). Quinze ans plus tard, le programme reçoit près d’une trentaine d’inscriptions par année. 

Alors que le FCP atteignait une certaine maturité, la question des choix de manuels se posait avec d’autant plus d’acuité.  Au Canada, les ouvrages à caractère pédagogique en français visent souvent un public spécifiquement québécois. Dès lors, ils se concentrent sur des enjeux propres à cette province et sont rédigés pour correspondre au niveau d’un lectorat possédant, par le biais du cégep, une année de scolarisation supplémentaire par rapport aux étudiant-e-s des autres provinces. Les ouvrages souffrent aussi parfois d’une certaine désuétude. Par exemple, l’édition la plus récente d’un manuel d’histoire canadienne contemporaine toujours largement utilisé a près de vingt ans (2000), alors que des manuels plus récents en anglais, ou en français, mais portant uniquement sur le Québec, abondent sur le marché.  

Un manuel pour notre temps

Préparé au moment où le Canada soulignait le 150e anniversaire de la Confédération, Le Canada dans le monde : acteurs, idées, gouvernance s’inscrit dans une volonté récente de revoir notre façon de penser l’évolution du pays en interrogeant les manières dont la société civile et les institutions politiques construisent, perpétuent, et parfois contestent des rapports de forces politiques asymétriques et fondés sur l’exclusion.  Ainsi, nous abordons les thèmes centraux de toute étude de la politique et de l’histoire canadienne – tels les idéologies, la constitution, les nationalismes ou encore les relations internationales – en tenant compte d’enjeux et d’approches plus contemporaines dont les savoirs Autochtones, le genre, les politiques d’aménagement de la diversité ethnoculturelle, les instruments d’action publique, les mouvements sociaux ou encore les flux transnationaux. Un chapitre sur l’émergence du Canada dans le monde, par exemple, recoupe questions classiques et approches contemporaines en analysant l’évolution des relations internationales par le prisme du colonialisme de peuplement à travers lequel le pays s’est construit au plan interne en dépossédant les premiers habitants. La citoyenneté canadienne, montre un autre chapitre, a certes toujours été conçue en fonction de l’héritage britannique au pays, mais le développement des connaissances impose aujourd’hui d’en analyser son évolution en fonction autant de flux migratoire que de dynamiques genrées.    

Alors que le FCP atteignait une certaine maturité, la question des choix de manuels se posait avec d’autant plus d’acuité.  Au Canada, les ouvrages à caractère pédagogique en français visent souvent un public spécifiquement québécois.  Dès lors, ils se concentrent sur des enjeux propres à cette province et sont rédigés pour correspondre au niveau d’un lectorat possédant, par le biais du cégep, une année de scolarisation de plus que les étudiant(e)s des autres provinces.

Les auteur-e-s et les lecteur-trice-s

Pour brosser ce tableau, nous avons fait appel à l’expertise d’une trentaine de spécialistes d’horizons divers, dont plusieurs sont considérés comme de « jeunes » chercheur-e-s et dont près de la moitié sont des femmes. La plupart donnent des cours de science politique et d’histoire en français dans des institutions hors Québec, et de ce fait connaissent bien les défis linguistiques et pédagogiques de l’enseignement universitaire en milieu francophone minoritaire. Dans un contexte où une proportion élevée des étudiant-e-s ont le français comme langue additionnelle, nous avons demandé aux auteur-e-s d’adopter un style concis et accessible. Nous avons d’ailleurs fait appels à des étudiantes du FCP pour recueillir leurs impressions et leurs suggestions quant à la lisibilité des textes.  

Les chapitres suivent une grille de lecture constante, abordant les enjeux étudiés dans le cadre des principales problématiques théoriques, les articulant aux principaux repères historiques et insistant sur leur pertinence pour comprendre le Canada d’aujourd’hui. Sont également proposées à la fin de chaque chapitre des définitions et des dates clés, des questions qui permettent d’alimenter les périodes de discussions dans les cours, ainsi qu’une bibliographie où les étudiant-e-s pourront puiser dans le cadre de leurs travaux de recherche. 

Les cinq parties

Le manuel est divisé en cinq parties qui couvrent l’essentiel des matières enseignées dans les deux premières années d’un baccalauréat en science politique. La première partie étudie les institutions et les acteurs politiques au cœur du régime parlementaire canadien : la Confédération, le fédéralisme, le système électoral, les partis politiques, et les mouvements sociaux. Les chapitres de la deuxième partie s’interrogent collectivement sur la manière dont les dynamiques identitaires liées à la citoyenneté, à l’autochtonité, au genre, à la langue et à la diversité culturelle façonnent la société canadienne, forgent les relations de pouvoir qui la gouvernent, et encadrent les actions autant dans la société civile que dans les corridors de l’État. Dans la troisième partie, nous nous intéressons aux idées politiques, notamment au déploiement des idéologies politiques en contexte canadien, en abordant plus particulièrement les variantes canadiennes du libéralisme, du conservatisme, de la social-démocratie et des débats sur les nations et les nationalismes. Suit une partie sur l’action publique dont l’objectif est d’analyser les politiques publiques comme un produit des interactions entre les autorités publiques (gouvernements, parlements, fonction publique) et les acteurs privés (entreprises, groupes d’intérêt, organismes de la société civile, citoyens), tout en reconnaissant précisément la perméabilité de ces frontières. Enfin, la dernière partie se penche sur les relations internationales, avec des chapitres couvrant leur histoire, situant le Canada dans la hiérarchie de la puissance internationale, précisant son rôle auprès des organisations multilatérales, analysant les flux transnationaux matériels et immatériels qui le traversent, et examinant ses relations incontournables avec les États-Unis.  

Ce manuel n’est donc pas conçu pour un usage unique dans un seul cours. Il se veut un ouvrage de référence pouvant être utile dans une multitude de contextes universitaires et professionnels. Les différentes parties ont été conçues pour alimenter la gamme de cours d’introduction par lesquels les étudiant-e-s se familiarisent avec les fondements de la science politique, des relations internationales, de la pensée politique, de l’action publique et de l’histoire canadienne. À SFU, les étudiant-e-s se le procureront dès leur entrée dans le FCP.  Ils s’en serviront principalement lors des deux premières années, mais certains chapitres seront réservés pour des cours plus avancés, portant notamment sur l’immigration, la gouvernance et la politique étrangère du Canada. 

En conclusion

Nous espérons que l’utilisation de ce manuel ne s’arrêtera pas aux frontières de la Colombie-Britannique. Son objectif d’accompagner les nouvelles générations d’étudiant-e-s dans leur cheminement universitaire en favorisant leur compréhension du Canada par une large diversité de points de vue sera réellement accompli lorsqu’il se retrouvera dans les salles de classes d’universités francophones et de programmes offerts en français au sein d’universités anglophones à travers le pays.  

Son objectif d’accompagner les nouvelles générations d’étudiant-e-s dans leur cheminement universitaire en favorisant leur compréhension du Canada par une large diversité de points de vue sera réellement accompli lorsqu’il se retrouvera dans les salles de classes d’universités francophones et de programmes offerts en français au sein d’universités anglophones à travers le pays.  

Poursuivez votre lecture en consultant les autres articles du dossier.


  • Nicolas Kenny
    Professeur·e d’université
    Université Simon Fraser

    Nicolas Kenny est professeur agrégé au Département d’histoire de l’Université Simon Fraser, où il enseigne l’histoire canadienne et québécoise dans des programmes d’études offerts en anglais et en français. Ses recherches portent sur l’histoire urbaine et culturelle, en particulier de Montréal et de Bruxelles dans une dynamique transnationale et comparative. Il s’intéresse également à l’histoire de l’éducation en français en Colombie-Britannique. 

  • Aude-Claire Fourot
    Professeur·e d’université
    Université Simon Fraser

    Aude-Claire Fourot est professeure agrégée au Département de science politique de l’Université Simon Fraser. Ses recherches portent sur la diversité ethnique, linguistique et religieuse au Canada et en Europe, en particulier à travers l’étude des instruments d’action publique et de ses mécanismes à l’échelle locale. En 2019-2020, elle sera résidente au Collegium de Lyon pour travailler sur la réinstallation des réfugiés et la gouvernance locale. 

  • Jérémie Cornut
    Professeur·e d’université
    Université Simon Fraser

    Jérémie Cornut est professeur adjoint au Département de science politique de l’Université Simon Fraser. Il enseigne en français et en anglais la diplomatie, la politique étrangère du Canada et la théorie des relations internationales. Il est directeur de recherche au Centre interuniversitaire de recherche sur les relations internationales du Canada et du Québec (CIRRICQ). Son projet de recherche actuel porte sur les pratiques diplomatiques numériques.

  • Rémi Léger
    Professeur·e d’université
    Université Simon Fraser

    Rémi Léger est professeur agrégé de science politique à l’Université Simon Fraser et directeur de la revue Francophonies d’Amérique. Il s’intéresse à la pensée politique canadienne, aux rapports entre langue et politique, et est notamment spécialiste des minorités francophones à l’extérieur du Québec et des politiques linguistiques canadiennes. 

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