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Amélie Morin, Université Laval

Je me rappelle la première fois où j’ai entendu le bourdonnement caractéristique d’un bourdon qui s’approchait de moi dans la cour de mon école primaire. Je m’amusais avec mes amies sous le grand arbre qui nous servait de maison imaginaire. C’était la première fois que je faisais réellement attention à ces petites créatures. Depuis, j’ai appris à les connaitre plus intimement, mais ce vrombissement qui marque leur présence me fait encore tourner la tête à tout coup!

Aujourd’hui, certaines espèces de bourdons risquent de s’éteindre. À travers le monde, il existe plus de 250 espèces de cet insecte pollinisateur. Le Québec héberge une vingtaine de ces espèces, dont 5 sont en péril. On accorde beaucoup d’intérêt à d’autres espèces menacées d’extinction, comme le caribou forestier ou encore le panda géant, mais en comparaison, les bourdons ont reçu bien peu d’attention…

Mes travaux de recherche visent à comprendre comment nous pouvons mieux protéger et restaurer les populations de bourdons en danger. L’objectif est de développer des stratégies de conservation efficaces pour contrer les défis auxquels sont confrontés les bourdons et ainsi prévenir leur extinction. Ces insectes jouent un rôle crucial pour notre sécurité alimentaire, la santé des écosystèmes et le maintien de la biodiversité.

Comprendre l’importance des bourdons

Les bourdons sont des pollinisateurs importants pour nous, au Québec. Ils vivent à différents endroits : les prairies, les jardins, les milieux humides, les paysages agricoles et les habitats urbains. Et le fait qu’ils soient petits et discrets ne les rend pas moins importants! Ces pollinisateurs sont essentiels à la vie sur Terre telle qu’on la connait. Ils permettent la reproduction de 80 % de toutes les plantes, ces dernières transformant l’énergie du soleil en nourriture pour tous les animaux, dont l’humain.

bandes fleuries
Les bourdons aiment butiner dans les bandes fleuries en bordure des champs agricoles, ici composées de mélilot et de trèfle / Crédit photo : Amélie Morin

Les bourdons possèdent des capacités très impressionnantes, comme d’être actifs à des températures très basses, autour de 0 °C. Ils sont très résistants au froid grâce à leurs poils isolants, leur grande taille (pouvant atteindre la grosseur d’une pièce de deux dollars) et leur métabolisme endotherme, permettant de produire leur propre chaleur corporelle. Ces caractéristiques sont avantageuses pour la pollinisation de cultures qui fleurissent au printemps, comme les pommiers.

Une autre habileté des bourdons est la pollinisation vibratile : ils font vibrer les anthères des fleurs, soit l’organe contenant le pollen, grâce au battement de leurs ailes, ce qui permet d’éjecter le pollen plus efficacement. De nombreuses plantes cultivées au Québec, comme la tomate, le poivron et le bleuet tirent d’importants bénéfices de ce type de pollinisation, permettant d’augmenter le poids des fruits.

La protection des bourdons dans les milieux agricoles est ainsi cruciale. En effet, ce sont les milieux où ils apportent les bénéfices les plus importants pour l’humain, étant indispensables à notre sécurité alimentaire, tout en y subissant les menaces les plus importantes.

Faire fleurir les populations

De nombreuses causes peuvent expliquer leur déclin, incluant la perte de leur habitat, la diminution des ressources florales, les changements climatiques, l’exposition aux pesticides, la présence d’agents pathogènes comme des parasites et des virus, l’intensification des pratiques agricoles et la compétition avec les pollinisateurs commerciaux, comme les abeilles à miel. Comment faire, alors, pour favoriser leur survie?

Dans le cadre de mon projet de recherche, nous avons souhaité examiner cette question en disposant des bandes fleuries aux côtés des champs agricoles. L’objectif? Identifier les caractéristiques que doivent posséder les bandes pour favoriser la conservation des bourdons du Québec. Pour ce faire, nous avons travaillé en collaboration avec 20 producteurs·trices agricoles de la Montérégie, qui ont réalisé ces aménagements fleuris.

filet et fiole
À gauche : Filet entomologique pour attraper les bourdons - À droite : Bourdon capturé dans une fiole / Crédit photos : Amélie Morin

Afin d’observer ce qui se passe chez ces insectes, nous avons réalisé des suivis non létaux dans les bandes fleuries. Cette méthode ne tue pas les insectes, ce qui est crucial lorsque l’on souhaite préserver les espèces étudiées. Chaque individu est donc relâché après son identification sans subir d’effet néfaste et il peut retourner à son butinage.

Ainsi, pendant plus de 370 heures, mes collègues et moi avons parcouru les bandes fleuries en quête du bourdonnement caractéristique de ces pollinisateurs. Des filets entomologiques nous ont permis d’attraper les bourdons afin de les transférer dans de petites fioles. La suite est étonnante : les fioles étaient déposées dans des glacières. Cette étape permet de ralentir le métabolisme des bourdons et de pouvoir les manipuler plus aisément. Quelques minutes plus tard, il était possible de sortir les bourdons de leur fiole et d’identifier précisément l’espèce capturée!

Au total, plus de 3600 bourdons ont été photographiés et relâchés, mettant en lumière la présence de 2 espèces en péril sur les fermes québécoises. Tout d’abord, nous avons pu identifier le bourdon terricole. Ce joli bourdon est identifiable par ses deux segments jaunes entourés de noir de chaque côté et sa couleur mielleuse. Ensuite, la seconde espèce en péril identifiée est le bourdon ardent. Ce charmant bourdon peut être reconnu par sa coloration plus pâle.

2 bourdons
Deux espèces en péril repérées dans les champs québécois : le bourdon terricole (à gauche), et le bourdon ardent (à droite) / Crédit photos : Amélie Morin

Jusqu’à présent, les premiers résultats de notre étude suggèrent que les bandes fleuries mises en place en périphérie des cultures sont efficaces. Elles permettraient d’augmenter le nombre de bourdons en péril dans ces aménagements. Ces bourdons ont également montré des préférences pour le trèfle et le mélilot semés dans les bandes fleuries, mais également pour les fleurs indigènes présentes naturellement sur les fermes, comme la verge d’or du Canada et la verveine hastée. Cela démontre l’importance de conserver les fleurs présentes naturellement dans les fossés agricoles, les bandes riveraines et le long des chemins de ferme.

Prendre les bourdons sous son aile

Et maintenant, que peut-on faire concrètement pour favoriser la survie des bourdons? De mon côté, je compte m’intéresser au contenu nutritionnel des plantes pour la suite de mes recherches. Un peu comme les tableaux nutritionnels que l’on retrouve sur nos aliments, les plantes ne contiennent pas toutes les mêmes éléments nutritifs et n’ont pas la même valeur pour soutenir la santé des bourdons. Certaines se comparent à de la malbouffe tandis que d’autres sont plutôt comme une salade de fruits. Il est possible d’analyser en détail le contenu en protéines, lipides ou vitamines du pollen. L’objectif est de déterminer les besoins nutritionnels des bourdons, et d’évaluer dans quelles mesures ils souffrent de carences, en particulier pour les espèces en péril. Cela nous permettra de faire des recommandations sur les plantes à favoriser dans les aménagements paysagers. Un peu comme le guide alimentaire canadien… mais pour les bourdons!

Si vous n’avez qu’une chose à retenir de votre lecture, c’est que les bourdons sont des insectes fascinants et uniques, et qu’afin d’enrayer leur déclin, il est possible d’agir. Si vous souhaitez vous aussi entendre le bourdonnement caractéristique du bourdon dans votre jardin pour de nombreuses années encore, je vous suggère de planter des fleurs indigènes et de rester loin des pesticides. Et la prochaine fois qu’un bourdon vous tourne autour pendant l’heure du lunch, souvenez-vous que sans eux, votre sandwich aux tomates ne serait sans doute pas aussi bon!


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La 31e édition du Concours de vulgarisation de la recherche de l'Acfas est rendue possible grâce à la participation financière du gouvernement du Québec.


  • Amélie Morin
    Université Laval

    Amélie Morin est diplômée du baccalauréat en sciences biologiques et écologiques de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Elle a ensuite poursuivi ses études à la maîtrise en biologie végétale de l’Université Laval. Son projet portait sur l’utilisation de bandes fleuries en milieu agricole pour la conservation des populations de bourdons. Actuellement, elle effectue un passage accéléré au doctorat à l’Université Laval sous la direction de Valérie Fournier et de Mathilde Tissier. Son projet portera sur l’optimisation des mélanges fleuris pour les bourdons dans le but d’améliorer leur état de santé et leur nutrition. En parallèle de ses études, elle s’implique bénévolement comme représentante étudiante dans des organismes de biodiversité et d’entomologie. Son engagement a été récompensé par des bourses d’implication et d’excellence, ce qui renforce sa détermination à contribuer à la conservation de nos pollinisateurs indigènes. 

    La proposition d'Amélie Morin a été retenue comme coup de pouce / coup de cœur de la 31e édition du concours de vulgarisation de la recherche de l’Acfas.

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