645 - Les 20 ans de l'Étude longitudinale du développement des enfants du Québec : de la naissance à la connaissance

En guise d'introduction au colloque, cette communication présentera d'abord brièvement les grandes lignes de cette étude longitudinale unique au Québec. Par la suite, plusieurs faits saillants viendront témoigner de la richesse de cette étude multithématique et de sa capacité à éclairer certaines questions de recherches portant notamment sur le contexte dans lequel les enfants ont grandi et les effets sur leur développement, la multiplicité des facteurs pouvant intervenir à différentes étapes de la vie et influencer leur développement ainsi que les facteurs protecteurs pouvant mieux les protéger de l'adversité. 

Nous ferons une présentation des résultats les plus saillants, notamment sur la santé, obtenus à l'aide des données fournies par les familles de l'ÉLDEQ au cours des 20 dernières années, en faisant ressortir les forces et les faiblesses de l'étude. Nous mettrons en lumières les retombées scientifiques et sociales de ces résultats. Enfin, nous discuterons des suites anticipées de l'ÉLDEQ étant donnée la richesse des informations collectées.



En 1998 naissaient 72 000 petits Québécois. L'ÉLDEQ nous a permis de documenter différents aspects de leur alimentation et d'en suivre l'évolution au fil des ans, en lien avec leur poids corporel. Nous avons d'abord documenté l'alimentation du nourrisson, incluant la durée de l'allaitement et l'âge d'introduction des aliments complémentaires. Au fil des années préscolaires, nous avons recueilli des informations sur la fréquence de consommation de certains types d'aliments et sur divers comportements alimentaires. Juste avant l'entrée à l'école (vers l'âge de 4 ans), nous avons réalisé la première étude de nutrition auprès d'un échantillon représentatif d'enfants d'âge préscolaire au Canada en documentant, en parallèle, le poids et la taille des enfants à plusieurs âges depuis la naissance. Ceci nous a permis d'identifier divers facteurs alimentaires, comportementaux et contextuels associés avec le surplus de poids des enfants à différents âges, tels que la consommation élevée d'énergie ou de produits céréaliers, l'insécurité alimentaire, le fait de ne pas déjeuner le matin, de manger trop ou trop vite ou de manger devant la télévision. Nos travaux indiquent que certains groupes d'enfants sont soumis à plusieurs facteurs de risque et ce, dès leur plus jeune âge. Ces constats soulignent l'importance de mettre en place des mesures visant la saine alimentation et le maintien d'un poids-santé dès la petite enfance.



À travers le monde, d'autres études longitudinales sur le développement ont, comme l'ÉLDEQ, suivi des enfants et leur famille dès la naissance. Ces similarités permettent d'utiliser l'ÉLDEQ aux côtés d'autres études, offrant ainsi des occasions d'examiner comment le développement des enfants du Québec se compare à ceux d'enfants grandissant ailleurs. La présente étude propose un exemple intégrant des résultats obtenus à partir de l'ÉLDEQ et de l'étude américaine NICHD Study of Early Child Care and Youth Development (NICHD SECCYD), sur le thème de la mobilité scolaire en lien avec l'ajustement social. Les résultats montrent que dans les deux échantillons, les enfants qui changent d'école en cours de scolarisation au primaire sont susceptibles d'éprouver des difficultés sur le plan de l'ajustement social (isolement social ou affiliation à des pairs agressifs) lorsqu'ils intègrent une nouvelle école. Cependant, ces difficultés s'observent seulement lorsque la mobilité est vécue dans un contexte de transition familiale, par exemple à la suite d'une séparation des parents. De plus, les aspects spécifiques de l'ajustement social significativement associés aux transitions scolaires ne sont pas les mêmes dans les deux échantillons. Ces résultats suggèrent que le rôle de la mobilité scolaire dans les trajectoires de vie dépend du contexte plus large dans lequel elle s'inscrit. 

Dans une étude précédente, nous avons trouvé que la mémoire de travail des enfants d'âge préscolaire prédit la préparation scolaire à la maternelle. Dans cette étude, nous évaluons si la mémoire de travail contribue également au risque à long terme de quitter les études avant la fin du secondaire. Nous utilisons les données de l'ÉLDEQ recueillies auprès de 1824 enfants pour examiner si la mémoire de travail à 29 et 41 mois est associée au risque de décrochage à 13 ans. La mémoire de travail a été mesurée à l'aide du test d'imitation de placement d'objets. Le risque de décrochage représente un indice dérivé du rendement scolaire, du redoublement et de l'engagement scolaire. La régression logistique a été utilisée pour prédire la probabilité d'être dans un groupe à risque élevé ou à partir des scores de mémoire de travail à l'âge préscolaire. En contrôlant pour le QI verbal et non-verbal, le statut socioéconomique et le sexe, une augmentation d'un point sur le test de mémoire a prédit une réduction de 26 % dans la probabilité de se trouver dans le groupe à risque élevé. Ces résultats justifient l'importance des interventions précoces. Des études subséquentes avec l'ÉLDEQ pourront confirmer si la mémoire de travail prédit l'abandon des études.



Au Québec, on observe une hausse de la participation de jeunes étudiants de 15-19 ans sur le marché du travail. En 2013, l'IRSST s'est joint à titre de partenaire à l'ÉLDEQ dans le but d'intégrer une série de questions sur l'emploi, la santé et la sécurité au travail. Une proportion élevée des jeunes (41 %) visés par l'ÉLDEQ ont travaillé durant l'année scolaire. Bien que la principale raison évoquée pour occuper un emploi soit la possibilité d'accroître son autonomie financière, d'autres raisons en lien avec le développement social du jeune sont évoquées. Déjà à 15 ans, des profils d'emplois différenciés selon le genre s'observent, les filles étant plus nombreuses en proportion à effectuer uniquement des petits travaux tandis que les garçons travaillent plus souvent pour un employeur ou pour l'entreprise familiale. L'entrée dans le marché du travail « formel » semble accroître le nombre d'heures travaillées par semaine et plus de la moitié des jeunes effectuent une partie de ces heures avant ou après des jours de classe. Enfin, la proportion des jeunes qui se blessent ou ont failli se blesser est plus élevée chez ceux qui travaillent pour un employeur ou l'entreprise familiale.

Grâce aux données de l'ÉLDEQ, l'Institut de la statistique du Québec a publié en 2004 un portrait de la réalité des bébés nés en 1997 et 1998 au Québec (Neill, G. et coll., 2004). Douze collectes de données plus tard, l'ÉLDEQ nous a renseignés sur la réalité de ces nourrissons lorsqu'ils étaient âgés d'environ 15 ans. Un tour d'horizon de différentes situations vécues par ces jeunes et de certaines de leurs habitudes de vie sera mis en lien avec ce qu'ils vivaient à la naissance afin de dresser un portrait du développement des différentes sphères de leur vie alors qu'ils approchent de l'âge adulte.



Depuis 20 ans, l'ÉLDEQ bénéficie d'un rayonnement considérable en même temps qu'elle alimente certains programmes et politiques publiques dédiés aux jeunes et à leur famille. Les nombreuses retombées de l'ÉLDEQ soulignent à la fois la qualité et la pertinence de l'étude. Un portrait des sphères de rayonnements et des exemples de retombées concrètes seront présentés.