Bien que non expressément visée par la loi, l’intimidation peut constituer une forme de
harcèlement psychologique lorsqu’elle répond à la définition de la Loi sur les normes du travail
(LNT). La LNT prévoit un recours pour la victime qui réussit à démontrer qu’elle a subi un tel
comportement. Ce recours ne vise que l’employeur, puisque c’est à lui qu’incombe l’obligation de
prévenir et de faire cesser le harcèlement au travail au sens de la LNT. Toutefois, même lorsqu’une
situation de harcèlement psychologique est constatée, la plainte déposée sera rejetée si l’employeur
démontre qu’il a pris les moyens raisonnables pour le prévenir et le faire cesser.
De nombreuses études démontrent que le harcèlement psychologique demeure toujours
présent au travail, et le législateur québécois a apporté plusieurs modifications aux lois du travail dans
les dernières années pour contrer ce fléau. Depuis 2024, l’employeur doit notamment adopter et
rendre disponible aux personnes qui travaillent une politique de prévention du harcèlement dont le
contenu minimal est établi par la loi, et il devra, à partir de l’automne 2025, intégrer cette politique à
son programme de prévention exigé par la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). Dans ce
programme, l’employeur devra également identifier et prendre en charge les risques psychosociaux
pouvant affecter la santé psychologique des travailleuses et des travailleurs.
La réalité est telle que le fonctionnement de l’institution universitaire et ses valeurs de
collégialité, d’autonomie et de liberté académique s’opposent fondamentalement à l’esprit du rapport
de subordination implicite au droit de direction conféré aux employeurs par le droit québécois. Cette
incompatibilité va au cœur de la dynamique de la relation d’emploi entre les professeur.e.s
universitaires et les universités pouvant, par le fait même, complexifier l’application des dispositions
prévues par le législateur en matière de droit du travail, et plus spécifiquement en matière de
harcèlement.
La littérature est d’ailleurs abondante à l’effet que le milieu universitaire présente un terreau
fertile aux comportements irrespectueux ou abusifs ainsi qu’aux manifestations d’incivilité et
1d’intimidation qui entraînent un climat de travail néfaste. En effet, l’université constitue un milieu de
travail très particulier pour les membres du corps professoral, notamment en raison de la grande
autonomie dont ils jouissent, qui découle de leurs fonctions diverses et de leurs charges de travail
atypiques. Les rôles y sont trop souvent mal définis (ou mal compris), les critères d’évaluation de la
performance menant à la permanence et aux promotions relèvent en partie de l’appréciation des
collègues (couramment subjective), et la compétitivité peut devenir malsaine, encouragée par la
valorisation du travail acharné et la rareté des fonds de recherche.
Mais quels sont les recours pour les professeur.e.s victimes de harcèlement au travail, alors
qu’il devient difficile d’identifier l’employeur dans un tel contexte? À qui incombent ces obligations
légales de prévention : au directeur de programmes ou de département, au doyen, aux ressources
humaines, au recteur? Alors que les risques psychosociaux devront être consignés dans les
programmes de prévention au sens de la LSST, ce qui inclut le harcèlement psychologique et la charge
de travail, est-ce que l’évaluation par les pairs sera identifiée comme un tel risque?
Lors de cette présentation, nous exposerons le cadre législatif québécois et les obligations qui
incombent aux employeurs en matière de prévention du harcèlement psychologique au travail. Par la
suite, nous examinerons les procédures et mécanismes actuellement mis en place dans des universités
québécoises pour prévenir et contrer le harcèlement psychologique entre collègues professeur.e.s, et
identifierons certaines questions soulevées par cet enjeu délicat et peu discuté.