545 - Incidents critiques à l'école

Le quatrième et dernier stage représente une source de stress importante pour les stagiaires au baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire qui doivent démontrer beaucoup d’autonomie et assumer près de l'ensemble des tâches liées à la profession enseignante (Almerico, 2018; Eksi et Yakisik, 2016; Mansfield et al., 2016). Il serait donc nécessaire de bien les préparer aux situations professionnelles qu'elles devront affronter, qui représentent autant une source de plaisir, qu'une source potentielle de tension et de souffrance (Araújo -Oliveira et al., 2022; Ngui et Lay, 2020). La mobilisation de stratégies de régulation des émotions agréables et désagréables pourrait favoriser leur bien-être psychologique (De Grandpré et Messier, 2020; Goyette et Martineau, 2018). Ces stratégies permettent d’ailleurs d’affronter diverses situations vécues en stage, comme celles liées à la gestion de la classe, puis de développer un sens du métier (Dumercy, 2016; Goyette, 2016). Un portrait d'expériences et de stratégies de régulation des émotions à partir de vingt et un incidents critiques rédigés par six stagiaires finissantes sera donc présenté. Ces incidents critiques s’inscrivent dans plusieurs des compétences professionnelles enseignantes prescrites par le ministère de l'Éducation (2020). Une synthèse, ainsi que des exemples d'incidents critiques permettront de mettre l'accent sur les compétences professionnelles les plus abordées.

L’animation de discussions littéraires en classe génère des tensions situées au croisement de la didactique et de la gestion de classe. Elles concernent notamment la gestion de la parole, la posture d’autorité et l’accompagnement des interprétations des élèves (Altet, 2012; Bucheton & Soulé, 2009; Ria, 2020). Cette communication propose d’examiner comment des incidents critiques, rencontrés dans l’enseignement à partir de la littérature jeunesse, façonnent la construction des gestes professionnels et soutiennent le développement d’une enseignante novice. L’analyse de récits de pratique permet d’accéder aux perceptions subjectives liées aux tensions vécues et aux stratégies mises en place. En examinant les émotions ressenties face aux incidents critiques et leur impact sur les décisions pédagogiques et la gestion de l’autorité (Audrin, 2020; Chang, 2009), nous identifions les leviers favorisant l’appropriation des gestes professionnels. En interrogeant le rôle des incidents critiques comme vecteurs d’apprentissage, cette réflexion s’inscrit dans une perspective méthodologique, visant à mieux comprendre comment la pratique réflexive contribue au développement des gestes professionnels et au renforcement de la posture d’autorité enseignante dans l’enseignement à partir de la lecture littéraire. 

Le désordre scolaire relève du tabou dans la mesure où il peut discréditer le sentiment de compétence de l’enseignant et, par le fait même, un traitement silencieux au prix de la préservation d’une image positive de soi s’opère. Bien que d’innombrables possibilités d’ajustements soient chargées, les tensions qui s’y actualisent demeurent invisibles et indicibles. Comment avoir scientifiquement accès à ces tensions alors qu’accepter de parler de difficultés, même à mi-voix ou de façon privée, va à contre-courant dans notre culture de l’excellence et de l’efficacité qui fait l’éloge du héros du jour sans faille et sans peur; alors qu’une association de soi à l’erreur et au doute peut engendre un glissement vers une loi du silence qui protège qui s’y réfugie? En 2021, une réflexion méthodologique m’a menée vers l’exploration des incidents critiques dans une posture autoethnographique. En positionnant ma subjectivité au centre de ma recherche, j’ai d’abord appréhendé ma culture professionnelle comme un initié complet pour ensuite mettre l’accent sur les similitudes et sur les distinctions coconstruites entre les autres et soi-même. Du coté scientifique, l’avantage d’exposer sa subjectivité au cœur des incidents critiques est, à ma connaissance, peu abordée et soulève des questionnements sur la fiabilité mémorielle, sur l’altérité de l’écriture et sur l’introspection afin de révéler certains ancrages de la culture professionnelle au sein d’une école.

À la suite d’une recherche analysant les incidents critiques au sein d’une école secondaire du Québec, je constate que l’apport formateur de ce processus est indéniable. Pourtant, pendant le processus, l’anticipation du partager de mes écrits m’a angoissée. Je tenais à témoigner de mes récits avec authenticité, mais du coup, cette authenticité m’exposait et devenait une menace à ma représentation de moi-même. Vers la fin de ma collecte de données, cette pression liée à l’exposition de soi a été contrebalancée par la valorisation dont me témoignaient mes collègues alors qu’ils reconnaissaient leurs expériences dans mes récits. Cette reconnaissance a été pour moi source d’émancipation. Toutefois, la lourdeur émotive qui m’a habitée tout au long du processus est cohérente avec les raisons pour lesquelles les tensions sous-jacentes aux incidents critiques peuvent demeurer un tabou dans ma profession et difficile d’accès d’un point de vue scientifique. Afin d’appuyer les enseignants dans la gestion du désordre scolaire, il faut considérer que la transformation de soi nécessite une médiation entre le rapport à soi et le rapport aux autres. Afin de renoncer au silence face aux tabous, s’exposer à soi-même, à l’aide d’outils objectivant la réflexion professionnelle au sein de la méthode des incidents critiques, pourrait être une solution favorisant l’émancipation professionnelle. 

L’inclusion des enseignants francophones formés à l’étranger (EFFÉ) en milieux scolaires par les directions d’école et les collègues constitue un enjeu majeur pour le maintien d’une éducation en français de qualité au Canada (Duchesne, TcheumtchouA Nzali et Gagnon, 2022; Villella, 2024; Gagnon, Tcheumchoua Nzali, 2002a). Ces enseignants doivent non seulement s’adapter aux réalités pédagogiques locales, mais aussi surmonter des défis liés à leur reconnaissance professionnelle, à l’acceptation institutionnelle et aux attentes culturelles (Gagnon, Duschene et Tcheumchoua Nzali, 2002b). Cette communication présente les résultats préliminaires d’une étude qualitative portant sur les facteurs qui facilitent ou limitent l’inclusion en milieux scolaires des EFFÉ. Nous nous appuyons sur des entrevues semi-dirigées menées en 2024 auprès de neuf EFFÉ qui enseignent dans des écoles québécoises et ontariennes, pour analyser les incidents critiquent qui influencent leur inclusion en milieux scolaires. Nos résultats préliminaires révèlent que, malgré leur bagage professionnel, ces enseignants font face à des résistances institutionnelles et culturelles qui freinent leur inclusion en milieux scolaires. Cette étude propose des pistes d’intervention préliminaires pour les directions d’écoles et les collègues des enseignants formés à l’étranger pour mieux inclure ces enseignants et favoriser leur rétention au sein du système éducatif.

Dans un contexte éducatif où les enjeux sociopolitiques sont de plus en plus présents, cette proposition de communication s’intéresse aux définitions des «enjeux controversés» dans l’enseignement de l’histoire, en particulier dans les contextes scolaires où des questions sensibles et affectives sont abordées. S’appuyant sur une revue des écrits de divers didacticien·ne·s des sciences humaines et sociales, cette recherche explore les enjeux sociopolitiques ouverts, complexes et structurés, qui suscitent incertitude et désaccord, non seulement dans l’espace public, mais aussi en salle de classe. Parmi ces enjeux, certains sont perçus comme sensibles en raison de leur lien avec des évènements douloureux du passé, des oppressions nationales ou des inégalités sociales. Dans ce cadre, la question centrale est de savoir comment aborder ces enjeux en classe d’histoire tout en développant l’autonomie intellectuelle des élèves, leur pensée critique, et en favorisant un débat tolérant.La recherche met l’accent sur l’importance de la problématisation des questions historiques et l’élaboration de stratégies d’investigation pertinentes.L’étude s’intéresse également à la manière dont ces pratiques peuvent favoriser une approche plus nuancée et moins affective de ces enjeux complexes.Les résultats suggèrent que l’enseignement de l’histoire, en tant que pratique, peut offrir des outils permettant de naviguer ces questions tout en cultivant une réflexion critique et une ouverture au dialogue.