431 - Quelle acceptabilité sociale pour les projets miniers de la transition énergétique ?

Depuis quelques années, les projets miniers visant l’extraction de minéraux critiques et stratégiques (MCS) se multiplient. Ces projets sont souvent justifiés par un argument peu mobilisé dans la promotion d’autres projets miniers, celui de l’utilité de ces minéraux pour la collectivité. L’accent est mis sur l’usage prévu de ces minéraux : ils seront utilisés dans les technologies « vertes » nécessaires à la transition vers une société bas carbone. Comment la notion d’utilité est-elle mobilisée dans la littérature académique? Quels éléments constituent sa définition et dans quelle mesure peuvent-ils s’appliquer au contexte des projets d’extraction de MCS?

Cette communication vise à éclairer ces questions en présentant les résultats d’une revue de littérature menée autour de la notion d’utilité sociale. Sur base de l’analyse d’un corpus de 124 textes, il ressort que le terme « utilité sociale » est principalement utilisé dans la discipline de l’économie sociale et solidaire. À partir de cette revue de littérature, l’application de la notion d’utilité sociale aux projets miniers semble délicate. En effet, plusieurs éléments constitutifs de cette notion ne s’appliquent pas d’emblée aux projets miniers de la transition. Dans un contexte de remise en cause de la trajectoire de la transition énergétique, nous suggérons que la notion d’utilité est controversée.

Nemaska Lithium, avec son projet intégré de la mine à l'usine, entend exploiter le spodumène de lithium à sa mine Whabouchi située dans le Nord-du-Québec et transformer le minerai concentré en hydroxyde de lithium dans son usine à Bécancour qui est en cours de construction. Par ce projet, l’entreprise participe concrètement aux efforts de transition énergétique du Québec et vise à faciliter l'accès à l'énergie verte.

En ce sens, Nemaska Lithium est pleinement engagée à faire en sorte que ses activités se déploient de manière responsable à la fois sur le plan environnemental que social. La présentation vise à faire connaître les différentes initiatives novatrices de l'entreprise à cet égard, notamment la mise sur pied de comités de concertation avec les acteurs cris et des projets recherches avec des universités francophones du Québec visant notamment le partage de connaissances avec les Premières Nations. Du côté de l’usine de production d’hydroxyde de lithium à Bécancour, la présentation vise à faire connaître la démarche d'évaluation environnementale et sociale que Nemaska Lithium a réalisée sur une base volontaire avec les acteurs du milieu, incluant la Nation W8banaki, de même que sa démarche d'insertion sociale visant à favoriser une intégration harmonieuse de son usine dans son milieu.

Dans cette communication, nous nous intéresserons aux cadrages mobilisés dans l’espace public par les promoteurs de deux projets de valorisation de MCS ainsi qu’au principal opposant à chacun des projets. Les projets étudiés sont ciblés par le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques. Il s’agit du projet La Loutre de Lomiko Métals et du projet de mine Matawinie de Nouveau Monde Graphite. Notre analyse comparée des deux cas (Yin, 2014) permet de faire ressortir les thèmes mobilisés par les acteurs impliqués, la façon dont ces différents cadrages sont mis en relations les uns aux autres, la manière dont la notion d’acceptabilité sociale est mise de l’avant dans ces contextes ainsi que la façon dont les cadrages évoluent à travers le temps. Notre analyse permet ainsi d’observer comment les acteurs impliqués attirent l’attention, notamment médiatique, sur certains éléments et enjeux, afin de construire l’acceptabilité ou l’inacceptabilité sociale des projets. Nos résultats font ressortir la mobilisation de cadrages entourant la transition énergétique, les impacts sur l’environnement ainsi que l’incompatibilité du territoire à l’exploitation minière. Notre analyse nous amène par la suite à réfléchir aux effets potentiels de ces cadrages sur l’acceptabilité sociale des projets.

Cette communication présente les résultats d’un sondage mené en 2023 auprès de 1418 individus provenant de cinq régions du Québec impliquées dans le développement ou l’exploitation de six projets miniers MCS. L’objectif de ce sondage était d’évaluer le degré de favorabilité de ces répondants face à un projet dans leur région en fonction de différents éléments dont l’utilité socviale et environnementale de ces projets.  

Nos résultats suggèrent que chaque projet possède sa propre dynamique : nous n’avons pas obtenu de constats applicables à l’ensemble des projets que nous avons étudiés au Québec. De plus, alors que nous pensions que le cadrage d’un projet serait un des aspects les plus déterminants sur le degré de favorabilité, l’influence de ce cadrage est parfois nulle, parfois importante. Enfin, dans certains cas, la connaissance préalable du projet s'est avérée être le facteur plus déterminant en ce qui a trait au degré de favorabilité par rapport au projet, et ce, de façon positive ou négative.

Soutenues par le discours du gouvernement provincial dans le développement de la filière batterie, les entreprises minières œuvrant dans les projets de minéraux critiques et stratégiques mettent de l’avant l’utilité de leurs projets pour contribuer à la transition énergétique. Comment cet argument est-il perçu par les communautés proches des projets? L’usage du minerai influence-t-il la perception et l’acceptabilité sociale de ces projets? Au-delà de l’utilité pour la transition énergétique, quels éléments permettraient aux projets d’être (plus) acceptables au Québec? Cette communication vise à éclairer ces questions à partir d’une trentaine d’entrevues semi-dirigées réalisées auprès de membres de communautés situées proches de deux projets de mines de graphite au Québec. Sur base d’une analyse de contenu de ces entrevues, il ressort que l’utilité sociale ou environnementale de ces projets de graphite est loin de faire l’unanimité auprès des membres des communautés locales. En l’absence d’une vision partagée de la trajectoire de la transition écologique, l’argument d’utilité de ces projets tend parfois même à durcir l’opposition à ces projets jugés contraire à la nécessaire protection de l’environnement. Dans un contexte de crise écologique globale, l’analyse suggère que l’argument de l’utilité de ces projets miniers est fragile et s’essouffle notamment lorsqu’il est confronté à la réalité des usages du territoire.

Dans le cadre de sa stratégie de décarbonation de l’économie, la France souhaite exploiter du lithium sur son sol. Deux gisements ont été identifiés : Tréguennec, dans le Finistère, et Beauvoir, dans l’Allier. Dans les deux cas, de vives oppositions locales se sont levées dès l’annonce des projets, en 2022. Cette communication s’inscrit dans une étude basée sur un corpus d’entretiens avec des représentants des différentes catégories d’opposants, sur les textes produits par ces acteurs (réseaux sociaux, interventions publiques et tracts) ainsi que sur le suivi du débat public de la CNDP amorcé le 11 mars. Elle sera l’occasion de décrire et d’analyser les contre-discours produits dans le cadre de cette activité minière émergeante, leurs processus d’élaboration et, à travers eux, les représentations sociales de cette exploitation encore inédite en France, et les conditions de son acceptabilité.