Mon parcours scientifique débute en 2019, alors que j’étais auxiliaire de recherche pendant mon baccalauréat en sciences infirmières à l’Université McGill. Depuis, il s’est enrichi exponentiellement avec mon entrée au doctorat en médecine expérimentale à la même université. Une personne en particulier y est pour beaucoup…
Automne 2022
En octobre 2022, un peu plus d’un an après le début de mes travaux de thèse, j’ai pris conscience de la valeur de la science, de sa fragilité, mais aussi de sa résilience grâce à une rencontre marquante avec une journaliste d’exception : Maria Ressa.
J’ai eu le grand privilège d’assister à sa Conférence Beatty1 à l’Université McGill, peu de temps après sa réception du prix Nobel de la paix en octobre 2021. Puis, j’ai acquis son dernier livre, Résistez aux dictateurs1, dès sa parution, peu après cette conférence. Ce dernier m’a permis de bien comprendre toute l’importance de la science pour nos sociétés et l’incontestable besoin de la préserver comme force de progrès durable.
Inspirée par cette conférence et cette lecture, je dirais aujourd’hui que la science est d’abord la méthode la plus précise que nous ayons pour nous approcher au plus près de la vérité des choses.
Une journaliste engagée
Philippine d’origine, Maria Ressa est surtout connue pour son engagement inébranlable envers le journalisme d’investigation, la recherche de la vérité et la lutte contre la désinformation, notamment sur les réseaux sociaux, et ce au péril de sa vie. À l’époque de sa conférence Beatty, elle faisait face à plusieurs chefs d’accusation sous l’ancien président philippin, Rodrigo Duterte, alors qu’elle critiquait ouvertement ses méthodes de lutte contre le trafic de drogue. Ces accusations pouvaient mener à une sentence de prison à vie, mais heureusement, elle a été totalement acquittée en septembre 2023.
Dès le début de la conférence, son discours m’a capté. Elle a mis l’accent sur la nature « fluide » de la science, soit sa capacité à se remettre en question et à revisiter ses conclusions selon les données les plus à jour. Sa constante évolution est son carburant. Elle a bien démontré aussi que si la recherche de vérité cesse, si on arrête de se poser des questions, la cohésion sociale est mise en danger.
Il y a donc un effort collectif à maintenir pour bien financer la recherche et le partage des connaissances. Sans cet effort, une grande porte vers la désinformation peut s’ouvrir.
Des faits et des études
À cet effet, les propos de la journaliste m’ont aussi enseigné le point d’inflexion d’une remise en question. En effet, l’excès de scepticisme, le questionnement non fondé ou le doute du 2 + 2 = 4, risquent de faire régresser la société. Pour que la science soit porteuse, il faut tenir pour acquis les faits solidement prouvés par de multiples études rigoureuses, et si celles-ci sont remises en question, ce doit être à partir d'une démonstration à la hauteur.
Cette anecdote cité par Maria Ressa l’illustre bien. En 1854, le médecin londonien John Snow, aussi fondateur du domaine de la santé publique, prouva hors de tout doute que toutes les personnes atteintes de choléra buvaient la même eau potable. Il a réussi à convaincre les autorités municipales de remplacer la manivelle de la pompe à eau de la rue Broad Street. L’épidémie de choléra s’est vite tarie.
Aujourd’hui, plusieurs groupes remettent en question la nécessité et le bénéfice d’interventions en santé publique. Et malheureusement, il est désormais très aisé de partager de fausses informations. Selon Maria Ressa, la science doit être source de lumière dans un monde souvent plongé dans la pénombre de cette désinformation.
Je retiens aussi d'elle cette idée que la science est une somme de connaissances qui nous donne l’heure la plus juste.
Tenir bon
Le mantra de Maria Ressa, « hold the line », signifie qu’il ne faut jamais baisser la garde contre ceux et celles qui cherchent à affaiblir l’approche scientifique et la valeur des connaissances validées collectivement, sans raison. Ses propos me font désormais percevoir la science comme un pilier fondamental de notre civilisation mondiale.
Enfin, j’oserais dire que les réflexions de Maria Ressa ont déjà fait de moi une meilleure scientifique. Sa voix puissante en faveur de la vérité et de la préservation de la méthode scientifique est des plus inspirantes.
Enfin, j’oserais dire que les réflexions de Maria Ressa ont déjà fait de moi une meilleure scientifique. Sa voix puissante en faveur de la vérité et de la préservation de la méthode scientifique est des plus inspirantes.
Références
- Jansen SC. Maria Ressa, How to Stand Up to a Dictator: The Fight for Our Future. vol 17. 2023. 2023. [traduction]
- 1[NDLR et traduction] Créée en 1952, la Conférence Beatty (Beatty Lecture) est une des séries de conférences parmi les plus anciennes au Canada. Ces conférences visent à favoriser l’échange d’idées en invitant des penseurs de tous pays à donner « une conférence publique sur un sujet de leur choix et passer une ou deux journées à interagir avec les professeurs et les étudiants de McGill. La conférence a lieu à l’automne, sur le campus du centre-ville de l’Université. »
- Émilie Bortolussi-Courval
Université McGill
Émilie Bortolussi-Courval est infirmière clinicienne et doctorante en médecine expérimentale à l’Université McGill. Elle étudie la déprescription chez les patients à risque de surmédication. Ses intérêts de recherche sont la pharmacoépidémiologie, la déprescription, l’intégration de logiciels de soutien à la décision clinique en milieux de soins, la réforme de gestion de données médicales en soins de santé.
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