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Jean Bernatchez, UQÀR, Alexandre Klein, Université d'Ottawa

Le professeur Jean Bernatchez, politologue et professeur-chercheur à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR), interroge Alexandre Klein, philosophe, historien des sciences et professeur auxiliaire à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa, sur l'importance et la portée des réseaux déployés tout au long de la carrière universitaire.

En lien avec le réseautage, quels conseils le professeur que vous êtes devenu donnerait-il à l’étudiant que vous étiez au début de votre parcours aux cycles supérieurs?

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Gravure ancienne d'un médecin de la Renaissance | Par Giuseppe Maria Mitelli, circa 1700. | Source: Wikimedia Commons

Le réseautage est essentiel à la vie académique, non simplement pour le réseau qu’il crée et les opportunités d’emploi ou de projets sur lesquels il peut donc déboucher, mais aussi et surtout pour donner corps, sens et cœur au travail scientifique. 

L’échange avec les collègues de sa discipline (et d’autres!) est en effet au cœur à la vie scientifique et intellectuelle qu’il renouvelle et rend vivante. Il permet également de bien comprendre les enjeux spécifiques à la vie académique et à sa propre discipline, de visualiser les relations entre les différents groupes, d’identifier les différentes « chapelles » théoriques, mais aussi celles et ceux qui les représentent. Cela permet de se situer intellectuellement et humainement au sein de cette dynamique et donc de faire/trouver sa place dans le microcosme particulier qu’est une discipline scientifique. Connaître les personnes qui font vivre votre champ disciplinaire et vous faire connaître d’elles est un atout de choix pour votre avenir tant professionnel que scientifique, à l’instar de la compréhension du fonctionnement scientifique, humain et institutionnel de sa discipline. 

De plus, le réseautage est essentiel parce qu’il donne sens et humanité à la recherche scientifique, d’une part parce qu’il permet de vivre des bons moments entre collègues, entre ami.es parfois aussi, et d’autre part parce qu’il est source de soutien et d’entraide dans un monde académique de plus en plus concurrentiel et difficile. Or, c’est ça qui fait la richesse et le plaisir de la recherche. C’est de rigoler autour d’une bière après un colloque, de préparer des projets fous sur un coin de table pendant un lunch improvisé ou de refaire le monde (académique), un soir d’été, dans une ville lointaine, à la sortie d’un congrès. Mais aussi de se soutenir, de s’entraider, de s’épauler, de se référer et de partager ses opportunités poursuivre dans un monde académique de plus en plus dur, en particulier pour les jeunes chercheur-euse-s. Il faut donc oublier le mythe du savant solitaire, résolvant les équations du monde seul devant son tableau noir. Être un-e chercheur-euse, faire de la science, c’est appartenir à une communauté tissée serrée, à laquelle nous souhaitons contribuer parce que nous pensons avoir quelque chose à y apporter (et qu’elle pourra nous apporter quelque chose en retour). Or, cela ne peut se faire que dans les relations et les interdépendances d’un réseau vivant. Autant donc s’y investir, s’y engager et s’y faire sa place dès que possible. 

Il faut donc oublier le mythe du savant solitaire, résolvant les équations du monde seul devant son tableau noir. Être un-e chercheur-euse, faire de la science, c’est appartenir à une communauté tissée serrée, à laquelle nous souhaitons contribuer parce que nous pensons avoir quelque chose à y apporter (et qu’elle pourra nous apporter quelque chose en retour)

Vous êtes responsable du réseau Historien-nes de la santé. Comment celui-ci s’est-il déployé?

Le réseau de recherche Historien-nes de la santé a été créé en mai 2012, à la suite d'un colloque organisé au congrès de l’Acfas autour de l’actualité de la recherche en histoire de la santé dans le monde francophone. Nous avions alors constaté que les chercheur-euse-s de ce domaine, pourtant en plein essor, étaient éparpillés au sein de pays, d’universités, de départements et même de disciplines différentes, sans véritable connexion entre elleux. Nous avons donc décidé de créer une liste de diffusion pour relier ces personnes, pour leur permettre de s’informer des parutions, des appels à communications, de leurs projets, etc. ; bref pour leur permettre de faire du lien et ainsi de renforcer ce champ de recherche interdisciplinaire en expansion. Nous avons complété cet outil de réseautage avec un blogue donnant à voir l’actualité et le dynamisme de la recherche en histoire francophone (mais pas seulement) de la santé. Rapidement, le projet a pris de l’ampleur. En quelques mois, plus de 200 membres étaient déjà inscrits à notre liste de diffusion et le blogue publiait quotidiennement deux annonces.

Nous avions alors constaté que les chercheur-euse-s [du domaine de l'histoire de la santé dans le monde francophone], pourtant en plein essor, étaient éparpillés au sein de pays, d’universités, de départements et même de disciplines différentes, sans véritable connexion entre elleux. Nous avons donc décidé de créer une liste de diffusion pour relier ces personnes [...] pour leur permettre de faire du lien et ainsi de renforcer ce champ de recherche interdisciplinaire en expansion.

Pour donner corps, au-delà de ces outils virtuels, au réseau ainsi formé, nous avons alors décidé d’organiser des rencontres régulières IRL (in real life). En 2014, nous avons donc réunis des chercheur-euse-s de la francophonie à Montréal, toujours au sein du congrès de l’Acfas, pour une journée d’étude thématique qui a permis de nouer des relations de travail autant que des amitiés et a débouché sur la publication l’année suivante d’un ouvrage paru aux Presses de l’Université Laval. En 2016, nous remettions le couvert, toujours à l’Acfas. En 2019 enfin, nous étions en mesure d’organiser deux journées complètes de colloques dont une partie des communications paraitra au cours de l’automne, sous notre direction, dans le cadre d’un numéro spécial de la revue Histoire sociale/Social History, consacré aux malades et à leurs proches. Entretemps, la création d’une page Facebook et d’un compte Instagram pour le réseau a permis de démultiplier le lectorat de son blogue.

Aujourd’hui, entre 500 et 2000 personnes visitent quotidiennement notre blogue sur lequel nous avons publié, depuis mai 2012, plus de 6500 articles. Nous organisons également régulièrement des conférences grand public, seul ou en partenariat avec d’autres réseaux ou centres de recherche. Enfin, depuis le mois de septembre, et dans le cadre de notre dixième année d’existence, nous animons un cycle de conférences visant faire découvrir les chercheur-euse-s qui font aujourd’hui l’histoire de la santé, qui en renouvellent les approches et rafraichissent les regards et en développent les perspectives.       

Quelle est la place des réseaux sociaux au sein des communautés de chercheur-euse-s?

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Les réseaux sociaux sont souvent décriés comme des espaces de diffusion de fausses nouvelles (Facebook), d’égocentrisme vaniteux (Instagram) ou de discours haine et de cyberharcèlement (Twitter). Pourtant, ils peuvent aussi être des outils de réseautage de choix pour les chercheur-euse-s et les scientifiques. Je prendrais pour exemple Twitter, qui est le réseau sur lequel je suis le plus actif (@kleinalexandre), et au sein duquel j’ai pu, au cours des années, à la fois publiciser ma recherche, développer une véritable communauté d’intérêts, découvrir des champs et des directions de recherche inédites et développer des relations d’entraide et d’amitiés précieuses. Twitter est en effet de plus en plus utilisé par les chercheur-euse comme un média social personnel, mais aussi, comme c’est surtout mon cas, professionnel. Il est possible d’y annoncer ses publications ou ses « victoires » académiques (bourses, postes, opportunités diverses), mais aussi d’y faire part de ses projets en cours, de ses doutes, de ses questionnements, voire de ses inquiétudes. Les hashtags permettent en outre de créer des communautés, de réseauter et de voir ce qui se passe dans des domaines de recherche (je suis surtout pour ma part #histmed pour l’histoire de la médecine, #histpsych pour l’histoire des disciplines psy et #histnursing que j’ai créé pour rassembler les historien-nes du nursing). La création d’enfilades (threads) permet également, au-delà de la simple annonce de publication, de donner à voir, avec plus de détails, des recherches en cours ou abouties, ou de suivre des colloques en cours (live-tweet). Des événements de recherche se déroulent même désormais exclusivement sur Twitter, à l’image du colloque Pandemic Methodologies (@PMTC2021) qui s’est tenu en juin dernier. Enfin, la communauté grandissante de chercheur-euse-s présente sur ce réseau social permet de nouer des relations d’entraide solide, de faire des rencontres autrement impossibles dans les réseaux classiques de la recherche (colloques ou sociétés savantes) et donc de développer des collaborations originales et des projets parfois inédits. Pour toutes ces raisons, les médias sociaux, et Twitter en particulier, sont donc des outils à ne pas négliger pour les chercheur-euse-s en devenir ou confirmés.     

Twitter est en effet de plus en plus utilisé par les chercheur-euse-s comme un média social personnel, mais aussi, comme c’est surtout mon cas, professionnel. Il est possible d’y annoncer ses publications ou ses « victoires » académiques (bourses, postes, opportunités diverses), mais aussi d’y faire part de ses projets en cours, de ses doutes, de ses questionnements, voire de ses inquiétudes.


  • Jean Bernatchez
    UQÀR
  • Alexandre Klein
    Université d'Ottawa

    Alexandre Klein est philosophe et historien des sciences, spécialisé dans les questions de santé à l’époque contemporaine. Il est actuellement professeur auxiliaire à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa et coordonnateur de son Unité de recherche sur l’histoire du nursing. Également membre associé au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie, il est le fondateur et le coordonnateur du réseau de recherche Historien.nes de la santé.  

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