Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.

L'ÉVÉNEMENT

Les savoirs de recherche sont imaginés, produits, puis diffusés. Une communication scientifique s’opère toujours dans un premier cercle. C’est la conversation entre pairs. Et il y a toutes les autres formes de communications, avec une grande diversité de publics. C'est de celles-là dont il était question au colloque 32. 

Comme l’écrivait Affaires universitaires en mai dernier, « […] ces communications hors laboratoire étaient au cœur du colloque 32 [du 91e Congrès de l’Acfas] – l’un des 224 colloques du plus grand congrès scientifique annuel multidisciplinaire de la francophonie – , dont le titre résumait bien le programme : Comment les établissements d’enseignement supérieur valorisent-ils l’engagement des chercheur·euses en communication scientifique? »

Ce colloque organisé par l’Acfas était sous la coresponsabilité de Jean-Pierre Perreault, président sortant de l’Association et vice-recteur à la recherche et aux études supérieures à l’Université de Sherbrooke. Pour l’Acfas, c’était l’occasion de jouer un rôle fédérateur et mobilisateur autour de cet enjeu de « dialogue » au cœur de sa mission depuis 100 ans. 

« Plus que jamais on doit participer à la discussion sciences-société et expliquer aux divers publics les résultats de la recherche et les impacts pour la société. Celle-ci peut ainsi devenir notre partenaire dans l’entreprise de la recherche. Mobiliser les savoirs est une réelle opportunité pour les établissements d’enseignement supérieur! », Jean-Pierre Perreault

Partageant les visées de l’Acfas, Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec, et Sylvain Périgny, sous-ministre adjoint aux affaires universitaires, recherche et transformation numérique au ministère de l'Enseignement supérieur, ont ouvert la journée en faisant part de leur soutien et des initiatives menées par leurs institutions en matière de communication scientifique. Puis, en conférence d'ouverture, Jean-Éric Ghia, vice-président de l’Acfas Manitoba et professeur à l'Université du Manitoba, a amorcé la conversation par des réflexions autour des enjeux de littératie et des conditions de réalisation d'une bonne vulgarisation.

La rencontre visait à réunir les représentant·es de la gouvernance d’établissements d’enseignement supérieur du Québec et d’établissements canadiens francophones hors Québec. Des membres de vices-rectorats et de directions de douze universités étaient sur place le 16 mai dernier, à l’Université d’Ottawa, pour participer activement aux discussions. S’y sont jointes en ligne deux personnes venues offrir une perspective de l’expérience universitaire française et de la coopération franco-québécoise.

L’idée était que ces personnes occupant des postes décisionnels mettent en commun leurs pratiques de valorisation de l’engagement des chercheur·euses parce que, justement, leur rôle est stratégique, essentiel et mobilisateur sur ce plan. Toutes ont présenté en quelques minutes des exemples de comment se concrétise la valorisation de la communication scientifique « élargie » au sein de leurs établissements. Réparties en différentes sessions, ces présentations étaient suivies par des discussions avec les participant·es du colloque. 

À la fin de la journée, il est ressorti de ces échanges un portrait qui, s’il demeure impressionniste, n’en permet pas moins de dégager des lignes de force. Les voici, « illustrées » d’extraits – aménagés pour la forme écrite – afin d’en suggérer le ton, les intentions, les motivations.

Sont intervenus lors du colloque « à titre de », et dans cet ordre :
  • Jean-Pierre Perreault, vice-recteur à la recherche et aux études supérieures, Université de Sherbrooke
    Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec
    Sylvain Périgny, sous-ministre adjoint aux affaires universitaires, recherche et transformation numérique, ministère de l'Enseignement supérieur
    Jean-Eric Ghia, vice-président de l’Acfas Manitoba et professeur à l'École de médecine, Université du Manitoba
    Christian Agbobli, vice-recteur à la recherche, à la création et à la diffusion, Université du Québec à Montréal
    Dominique Bérubé, vice-rectrice à la recherche et aux études supérieures, Université Concordia
    Martine Lagacé, vice-rectrice associée, promotion et développement de la recherche, Université d’Ottawa
    Céline Poncelin De Raucourt, vice-présidente à l'enseignement et à la recherche, Université du Québec
    David Alis, coprésident français, Conseil franco-québécois de coopération universitaire
    Christine Beaudoin, professeure adjointe et sociologue, Université de l'Ontario français
    Virginie Dupont, membre du conseil d'administration de France Universités
    Kerry Hull, vice-principale associée à la recherche, Université Bishop’s 
    Mohamed Bouazara, vice-recteur à la recherche, à la création et à l'innovation, Université du Québec à Chicoutimi 
    Eugénie Brouillet, vice-rectrice à la recherche, à la création et à l'innovation, Université Laval
    Isabelle Delisle, directrice scientifique par intérim, Institut national de la recherche scientifique
    Adel El Zaïm, vice-recteur à la recherche, à la création, aux partenariats et à l'international, Université du Québec en Outaouais
    Ghyslain Gagnon, doyen de la recherche, École de technologie supérieure
    Isabelle Lacroix, vice-doyenne de la Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sherbrooke
    Slim Khalbous, recteur, Agence universitaire de la Francophonie
 
De quelle « communication scientifique » parle-t-on?

Comme les personnes invitées n’avaient pas reçu préalablement de définition stricte de la « communication scientifique » (si tant est qu’il en existe une!), plusieurs pratiques se sont détachées des présentations : vulgarisation de la recherche, mobilisation, transfert, engagement, dialogue science-société… 

  • « Depuis ce matin, on parle de communication scientifique, mais on voit que le concept s'approfondit de plus en plus. On n'est pas seulement dans la vulgarisation, on est dans l'engagement des chercheurs, dans le dialogue science-société. »
  • « La communication scientifique, c'est protéiforme. Donc, pour accompagner les chercheurs, il faut avoir des ressources très différentes en fonction des publics, des sciences, des langues, etc. On ne peut pas faire ça seul. » 
  • « Parler de dialogue, c’est parler de communication. C'est s'interroger sur la valorisation de l'engagement, d'une part, au sein de notre établissement, mais aussi sur la façon de rendre accessible le savoir universitaire, d’autre part. »
  • « De notre côté, on valorise d'emblée la recherche-action, la recherche participative, la recherche-intervention. Aussi, tous nos programmes sont vraiment transdisciplinaires. »

Cette communication se situe dans un temps, dans un lieu. Dans des établissements qui ont chacun leur histoire, leur culture, leur assise sociogéographique. Les besoins et les pratiques s’adaptent « en fonction des modalités d'évaluation, des attentes et de la volonté des universités ». Mais, au-delà des variations, ce qui est parfois appelé « service à la communauté » se retrouve partout. 

  • « Nos chercheurs doivent transférer des connaissances, des technologies, de l'innovation sociale. Notre cadre de gouvernance est vraiment orienté vers le dialogue science-société, et ce, à toutes les étapes de la recherche et de l'innovation. » 
  • Une université située près d’un parlement mentionne que de « ne pas faire de communication scientifique auprès des décideurs politiques, ce serait comme éviter de goûter aux fruits accessibles qui sont là dans notre cour ».
  • « Notre établissement a été créé dans une culture de collaboration et de coproduction, avec ce dialogue science-société au cœur de sa fondation. »
  • « Les enjeux de justice sociale qui sont soulevés quand on parle d'accès aux soins de santé pour les populations francophones minoritaires rendent la vulgarisation scientifique encore plus importante, parce que ça nous prend des chercheurs qui sont capables de communiquer leur science. »
  • « On a la mission nationale de répondre aux besoins de la société québécoise. Besoin d'éducation, de développement des territoires et de développement scientifique du Québec. » 
Qui communique à qui?

Si tous et toutes s’entendent sur le rôle central de la valorisation de la communication scientifique « hors labo », il y aussi unanimité pour que ce ne soit pas là un « exercice obligé ». De toute manière, rares sont les chercheur·euses qui ne communiquent qu’entre eux, car une grande diversité de publics et d’acteurs sociaux sont intéressés par les savoirs produits par la recherche. Et faire de la recherche publique au sein des établissements supérieurs, qu’il s’agisse des universités ou des cégeps, c’est de toute façon une manière d’être engagépour/avec la société dont font partie les chercheur·euses.

  • « J'ai beaucoup de difficulté à entrevoir que ces formations pourraient être obligatoires. Elles doivent être accessibles dans tous les programmes. »
  • « Je réalise que, comme dans plusieurs de nos universités bien sûr, nos professeurs, nos chercheurs sont très engagés au sein de comités gouvernementaux, municipaux, commerciaux. Et aussi, dans le secteur privé. »
  • « Avoir des expertises internes pour former des gens. Pour ceux et celles qui le souhaitent. » 
  • « Beaucoup de voix participent à la communication scientifique. On a parlé de journalistes, on a parlé des gens du milieu de l'éducation aussi. Et il y a bien sûr la relève. »
  • « On ne communique pas seulement avec le grand public, comme vous le savez, ou seulement avec les entrepreneurs. Il y a aussi les décideurs et bien d’autres. » 
  • « Un scientifique peut être intéressé par la méthodologie, un politicien par le résultat. »
Pourquoi ce type de communication scientifique?

 « Tous sont d'accord avec l’idée que les savoirs scientifiques doivent se rendre auprès de la société civile », et qu’il ne faut pas « opposer les pratiques de vulgarisation aux pratiques de recherche ». Voilà des propos qui résument bien l’un des consensus de la journée. On insiste beaucoup au fil des échanges sur l’importance de valoriser toutes les pratiques de communication scientifique, mais aussi de faire ressortir comme piste « d’excellence » ce qui tient à la mobilisation de connaissances : des pratiques communicationnelles qui s’inscrivent dans une démarche de dialogue avec les citoyen·nes, voire de coconstruction des savoirs, et non de communication unidirectionnelle qui ne viserait qu’à convaincre l’auditoire.

  • « On ne comprend pas assez l'importance de la communication scientifique. On l'a vu avec la crise de la Covid-19. Il faut qu’on ait des scientifiques qui parlent de manière simple, pour aider à la prise de décision. »
  • « Et je vais juste terminer en disant que, oui, la communication scientifique, c'est extraordinaire. Oui, on a un devoir de communiquer notre savoir. » 
  • Si on s’entend sur le fait que les différents acteurs sociaux, individuels et institutionnels, bénéficient du dialogue, les chercheur·euses eux-mêmes en voient leurs travaux et leurs parcours enrichis. 
  • Les personnes ingénieures qui ont acquis des compétences en communication scientifique au premier cycle auront plus aisément de l'avancement de carrière. Ici, ce ne sont pas les compétences techniques, mais bien les compétences de communication qui joueront. Dans leur futur travail, ils et elles vont parler majoritairement avec des personnes qui ne sont pas des spécialistes. »
  • « Les gens qui le font me disent que ça nourrit leur recherche. »
  • « Il y a toujours un apport dans sa propre pratique si on le fait bien. […] si tu enlèves dix articles, mais que tu as trois nouvelles pistes de recherche que tu ne t'attendais pas à avoir… »
  • « Pour qu'ils passent à l’action, il faut que les professeurs en voient la pertinence, qu’ils perçoivent que la communication scientifique est un enjeu prioritaire de la direction, qu'ils se sentent compétents pour le faire, puis surtout qu’ils choisissent de prendre le temps d'en faire. »

« Si on s’entend sur le fait que les différents acteurs sociaux, individuels et institutionnels, bénéficient du dialogue, les chercheur·euses eux-mêmes en voient leurs travaux et leurs parcours enrichis. »

LES PRATIQUES DE VALORISATION

Les relations avec les médias

Les relations avec les organisations qui pratiquent la « médiation » des savoirs scientifiques vers des publics larges et diversifiés ont été abondamment abordées.  Soigner et développer ces relations est un défi jugé à la fois sensible et incontournable. C’est un équilibre délicat à maintenir entre risques et opportunités.

  • « Il y a un risque lié à la communication scientifique quand elle est mal faite. C'est pour ça que ça prend des experts autour de nous. Combien de fois a-t-on entendu les plaintes de chercheurs qui se sont lancés dans des entrevues médiatiques sans préparation adéquate : Ce n'est pas ça que j'ai dit, j'ai passé 4 minutes avec un journaliste, et ce n'est pas le message que je voulais envoyer. Il y a un 10 secondes retenu qui pourrait faire mal. L’entrevue courte doit être particulièrement bien préparée. »
  • Le chercheur peut baliser en amont les paramètres de l’entretien : « Si tu m'amènes sur une piste non prévue dans le pré-entretien, tu brises un contrat. » Et si ce contrat de parole n’est pas respecté : « C'est la dernière fois que je t'accorde une entrevue. »  
  • « Nous avons organisé une formation, et une visite en même temps, entre les professeurs et les journalistes, en particulier de Radio-Canada, avec deux cohortes de 15 profs chacune pour, entre autres, parler de nos réalités communes. »
  • On offre de la formation aux médias, mais ce n’est pas suffisant : « Je pense qu'il y a plus à faire, comme offrir aux chercheurs des relations avec les médias à l’interne. »
  • « Les équipes de relations médias accompagnent les chercheurs. Et en les mettant en relation, on voulait aussi faciliter la vie du service de communication, car c'est difficile pour eux de rapporter un article scientifique qui est de très haut niveau. Comment veux-tu qu'on parle de mathématiques, de sciences quantiques? »
  • L’établissement « donne du temps, des ressources et des connexions pour que les professeurs participent aux chroniques de l'actualité ».
  • « On travaille avec des partenaires, des spécialistes de la communication scientifique, qui, eux, proposent des thèmes pour jumeler les expertises scientifiques et les besoins de l’actualité. Grâce à nos bases de données, à nos relais internes, nous pouvons identifier les chercheurs qui parleront des sujets choisis, accompagnés par des communicateurs scientifiques pour la réalisation d’encarts dans un magazine ou de séries télévisuelles, par exemple. 
  • « Mon souhait est de bientôt d'organiser une formation pour que les chercheurs apprennent à raconter une histoire aux journalistes. »
  • Les établissements prennent aussi les devants pour répondre aux besoins des médias en demeurant au courant de l’actualité. Autour d’une situation critique concernant les feux de forêt, un établissement, par exemple, a « organisé une rencontre pour les médias avec des chercheurs de diverses disciplines. En plus des spécialistes de la forêt, il y avait des spécialistes en santé durable, en problèmes de respiration, en gestion publique des crises, etc. On a aussi transmis des résultats aux différents médias du Québec. »
Les formations

La formation est un incontournable, car la bonne communication s’apprend et se raffine par la pratique. Il y a « des risques associés à une communication mal faite ». Il faut des ressources, du temps et de l’argent (vu comme un investissement à court et long terme, et non comme une simple dépense).  Et si les formations en vulgarisation scientifique étaient perçues comme améliorant aussi les communications savantes?

  • « Ça prend autant de temps pour préparer une présentation vulgarisée que pour préparer une communication technique. » 
  • « Il y a la difficulté de la communication dans les zones grises… quand ce n’est pas blanc ni noir, que c'est gris. On l’a bien vu pendant la Covid. C'est vrai que c'est compliqué. »
  • « Faire face à l’incertitude : un défi de communication pour les disciplines proches du 1 plus 1 égale 2! Pour un sociologue, la gestion de l'incertitude, ça fait partie inhérente de sa discipline. » 
Les formations pensées pour la relève
  • « Il faut que ce soit des professionnels qui enseignent aux étudiants, pas le voisin. »
  • Il y a l’école d’été de quelques jours, courte, mais intense. Elle a l’avantage, par sa dimension émotive, par cette rencontre des corps, de donner une impulsion, le goût de s’y mettre ou de s’y remettre, elle marque aussi les mémoires…
  • Former la relève bien sûr, ce qui ne sera sans doute pas sans effets sur les chercheurs plus avancés… Former à la communication orale, écrite, par affiche, auprès de divers publics. « Cela leur fait prendre conscience qu’ils peuvent faire autre chose qu’enseigner, cela ouvre des horizons sur le comment ils peuvent transformer la société, ce qui est généralement une motivation quand tu fais un doctorat… Cela leur donne plus ou moins d'outils. »
  • La participation des bibliothèques n’est pas sans effet, certaines s’impliquent depuis des années. Les bibliothécaires connaissent la matière de la recherche. 
  • Il y a des cours offerts en ligne par l’établissement « pouvant être suivis par l'étudiant à n'importe quel moment. Quand il a besoin de faire un exercice de communication scientifique, il est accompagné. » 
  • Des cours, mais aussi des programmes de journalisme, des formations spécialisées telles que des certificats en mobilisation des connaissances. Ou encore, ce microprogramme de deuxième cycle centré sur l'utilisation des connaissances. « Ce programme a eu pas mal d'impact chez nous. La plupart de nos étudiants prennent au moins un cours dans ce programme. C'est bon pour eux, mais aussi pour leurs professeurs, qui n'ont peut-être pas l'instinct de suivre eux-mêmes cette formation. »
  • Des formations offertes dès le baccalauréat? « Au premier cycle, on pourrait amener les étudiants à s’interroger sur l'importance et les dangers de la communication dans un esprit éthique. » 
  • Il existe des formations où l’on accompagne pendant plusieurs mois une cohorte pour « vraiment développer un ensemble de compétences de communication, et éventuellement pour communiquer avec la société. Cela transforme complètement ces chercheurs. Cela change la vision de ce qu'ils veulent faire. » 
Des formations sur mesure
  • Une formation pour une faculté de médecine, formation « qui est d'ailleurs très courue et qui a été suivie par les chercheurs eux-mêmes pour développer la relève en communication scientifique en matière de médecine, le tout appuyé par l'administration centrale ».
  • Une formation aux réseaux sociaux… un incontournable désormais tant les risques et les opportunités peuvent prendre de grandes proportions. « On a besoin de scientifiques capables de communiquer, avec des outils techniques : d’un geste ultrarapide, vous sortez votre téléphone, vous mettez en route TikTok, Instagram, et vous trouvez du contenu scientifique, ou de fausses nouvelles, c'est très important d'avoir une présence des scientifiques sur ces réseaux sociaux… Cela dit, les scientifiques ne veulent pas forcément se joindre aux réseaux… » 
  • Une formation selon les acteurs avec lesquels on veut développer une relation : communautés, entrepreneurs, décideurs. « On les forme à la mobilisation. On les forme aussi à l'entrepreneuriat. Donc, on est vraiment dans cette dynamique d'échanges en continu avec nos partenaires. C'est une forme de communication. La communication, ce n'est pas juste avec le grand public, c'est aussi avec les entrepreneurs. »
Le soutien institutionnel ou la valorisation d’une culture de partage 

Entrelacées avec des pratiques concrètes de valorisation, on a entendu tout au long de la journée diverses expressions du soutien institutionnel, garant d’une culture scientifique au sein même de l’établissement. Ne pas imposer, mais inciter tout le monde à contribuer à l’échelle de l’établissement. 

  • « La première chose, c'est le soutien des chercheurs. Les chercheurs, c'est les étudiants, les postdocs, toutes les personnes qui œuvrent dans le domaine de la recherche. »
  • « En termes de soutien aux chercheurs, la première chose que j'ai faite il y a trois ou quatre ans, c'est de demander au service des communications de dédier une personne de leur équipe à la recherche. Ce petit geste nous a beaucoup aidés, on a augmenté significativement la participation de nos chercheurs. »
  • Parler de communication scientifique, « c'est outiller les chercheurs, les entourer d'experts en communication, de graphistes, avant de les lancer, par exemple, dans les grandes entreprises médias. La communication, c'est un métier en soi. Bien communiquer, c'est un art. Il faut mettre des ressources pour ça dans les universités. »
  • « Une action pour moi très importante, c'est l'appui à la Direction des communications de l'université en favorisant la collaboration des chercheurs, pour aller au-delà d’une première perception et des chiffres, pour ajouter du scientifique dans la communication. »
  • « On a implanté un centre universitaire pour développer les compétences transversales. »
La valorisation de la collaboration au sein de l’établissement

Un établissement d’enseignement supérieur est composé d’une multitude de sous-organisations : départements, laboratoires, chaires de recherche, etc. Il y a tout un travail de cohésion interne qui doit s’opérer pour optimiser les forces en présence. 

  • « Il faut donner des ressources aux centres et instituts de recherche, qui sont vraiment des vecteurs d'excellence de la communication scientifique. » 
  • « Un labo possède une expertise en entrepreneuriat scientifique, un autre, c’est dans le conseil scientifique. » 
  • « Nous avons aussi un collège des chaires de recherche sur le monde francophone, mais on se doit de l'outiller davantage pour s'assurer qu'il parle autant de préservation du patrimoine culturel que de santé pour les populations francophones minoritaires, et que ça puisse être bien, bien communiqué au public. » 
  • « Depuis deux ans, on essaie de regrouper l'ensemble des services de communications, services de collectivité, services entourant la recherche, etc., et de les inciter à augmenter l'impact de la recherche en favorisant sa visibilité, en s’engageant avec la communauté. »
  • « L'assemblée professorale de chacun des [grands] centres de recherche s'engage dans un processus de dialogue avec les acteurs, avec leur milieu preneur, en fait, via une instance consultative qui s'appelle un comité de liaison. D'un point de vue institutionnel aussi, on a une commission scientifique qui joue un peu ce rôle, mais d'un point de vue plus stratégique, plus global. »
  • « Notre recherche se fait beaucoup en partenariat, et donc, tous nos services aux professeurs, à la communauté étudiante sont orientés aussi pour répondre à ce dialogue qui s'effectue aux diverses étapes de la recherche. »
Les services et les lieux pour dialoguer avec les communautés

On parle ici des observatoires développés avec les milieux de pratique ou des lieux dédiés au dialogue, ponctuellement ou non, sur le campus ou sur le terrain de la société civile. On pourrait aussi parler de « services à la communauté », une mission partagée par tous les établissements, avec l’enseignement et la recherche. 

  • Un observatoire virtuel où « on met des praticiens, on met des chercheurs, on met la société civile et on fait ce dialogue-là et on crée ensemble les outils de transmission et de mobilisation des connaissances ».
  • « Une recherche avec les communautés autochtones, chez elles ou chez nous. Il peut s’agir de mobilisation des connaissances, de transfert technologique. Il y a en fait plusieurs modes pour augmenter l'impact de ces travaux. On a une réception par les communautés extrêmement positive. »
  • « Un centre culturel scientifique permanent qui permet de faire dialoguer les citoyens et les chercheurs autour d'enjeux sociaux, sous différents formats. Un centre pour répondre à ce dialogue entre société et université. Pas uniquement pour les chercheurs de notre établissement, mais aussi pour les chercheurs de l'ensemble de la communauté universitaire. » 
  • « Et il y a des discussions pour ouvrir un laboratoire vivant, une autre approche où le dialogue science-société est vraiment central. »
  • « On a un local au sein de l’université qui permet aux chercheurs d'être en contact régulier avec la communauté. Pensons à tous nos chercheurs, professeurs-chercheurs, qui ont été invités à présenter leurs travaux à une communauté [spécifique]. L’objectif de cet espace, c'est de faire se rencontrer les besoins sociaux et les investissements publics. On parle aussi de mobilisation et de concertation entre la société civile et les chercheurs. Cet espace est offert à la communauté, aux partenaires. »
  • « On a un espace qui donne sur la rue, un espace de conférences, de laboratoires vivants. Tu ouvres la porte du garage et c’est le trottoir où les gens passent. Des gens entrent, écoutent deux ou trois conférences, repartent. Une expérience qui est évidemment très populaire chez les chercheurs. »
  • « On veut créer un carrefour citoyen pour aider la communauté de recherche à mettre en place des initiatives de partage avec les citoyens. »
  • « On aura un kiosque éphémère qui circulera dans différents lieux publics dans la ville et dans la région, pour échanger avec les passants et répondre à leurs questions. »
Le plan stratégique, la convention collective et l’évaluation

Il existe des approches pour formaliser la valorisation en inscrivant officiellement la valeur qu’on accorde – sans que la pratique soit obligatoire – aux pratiques de communication. 

  • « Oui, la communication scientifique, mais en même temps, ça prend des ressources autour. Ça doit être inscrit dans les plans stratégiques de recherche pour que ce soit pris au sérieux. Ça doit devenir un indicateur, sinon les ressources ne suivront pas. »
  • « C’est dans l'enjeu 2 de la planification, celui sur le positionnement et le rayonnement de la recherche de l'université au niveau national et international. » 
  • « On a placé la question au cœur du plan dans un chantier dédié à la recherche. On a mis en place une équipe constituée de professeurs, d'étudiants, de gens de différents horizons, des gens qui vont faire des appels à propositions et recevoir des suggestions de projets. L'idée, c'est de construire au fur et à mesure, plutôt que d'avoir précisé dès le départ quelles actions mettre en place. Ce chantier, c'est un engagement très fort d'un établissement envers le dialogue, envers cette nécessité de croiser les expertises et les savoirs. » 
  • « C'est maintenant écrit dans notre convention collective : les comités d'évaluation doivent considérer les activités de vulgarisation des connaissances et les activités au sein des communautés. Ce n'est pas obligatoire, mais c'est valorisé et reconnu. Des critères d'évaluation s’aligneront avec ce changement. Le défi culturel, c'est vraiment de convaincre quelques-uns de nos professeurs qui soit tiennent aux indicateurs quantitatifs, soit craignent une dévalorisation de la recherche qui est évaluée par les pairs. »
  • « Dans l’évaluation, le mot valeur est inclus. » 
  • « On est en train d’établir des critères d'évaluation et de promotion pour la permanence, ce qui permettra d'avoir une compréhension élargie des activités scientifiques. Comment rendre compte d’une communication tels les balados, par exemple? Si quelqu'un publie moins d’articles scientifiques­ parce qu’il intervient beaucoup dans la communauté, cela pourrait tout autant mener à la permanence. »
  • « On est en train d'établir notre plan de promotion avec une vision élargie. Les gens qui font de la communication scientifique, ou qui s’engagent envers les acteurs sociaux, ce sera pris en compte. Si quelqu'un fréquente les symposiums de praticiens, cela pourrait être compensé par le fait qu’il y aurait moins d’articles révisés par les pairs. Il s’agit de trouver l'équilibre. » 
Les concours : entre formation et mise en valeur des pratiques de vulgarisation 

À l’Acfas, nous observons que les concours sont désormais très présents dans le réseau de l’enseignement supérieur. Nous sommes toujours curieux de voir ce qui émerge puisque nous en avons développés quelques-uns au fil des ans : Concours de vulgarisation de la recherche depuis 1993, La preuve par l’image depuis 2010, Ma thèse en 180 secondes depuis 2012 et Génies en affaires depuis 2018. Ainsi, même s’ils n’ont été mentionnés qu’une seule fois, nous y voyons par cette quasi-absence un signe que ces concours font désormais partie du décor.

  • On a parlé d’un concours de vulgarisation, avec offre de formation, ouvert à tous les cycles. « Les profs se retrouvent dans les jurys, des journalistes d’expérience viennent collaborer et ouvrent des pistes de diffusion. Certains participants se retrouveront sur une courte liste, par exemple, et pourront remplir des mandats auprès du service des communications pendant l'année. L’un des effets a été de favoriser les échanges entre les facultés autour de la communication scientifique, et cela a changé la stratégie du service de la recherche. Je tenais à cette interdisciplinarité, c'est là que vont se passer les grandes découvertes. »
Des productions audiovisuelles aux 5 à 7

Les productions audios et vidéos ont maintenant le vent dans les voiles partout, y compris dans les universités. Les événements se multiplient : une journée de la recherche, des 5 à 7 avec le journal de l’université, des conférences midi au cœur de l’établissement, etc. 

  • « Pour développer la série de capsules, on a demandé aux jeunes d’une l'école primaire de poser des questions. Qu'y a-t-il après l'univers? Comment poussent les cheveux? Comment la tristesse et la colère peuvent-elles entrer dans notre cœur? Et de là, des professeurs, des étudiants aux études supérieures ont répondu. Un grand succès! »
  •  « Cinq chercheurs, cinq minutes chacun pour présenter leurs activités. On invite toute la communauté, et le groupe qui participe le plus, étonnamment, ce sont les personnes de l’administration, des ressources humaines. Cela les intéresse de savoir ce que leur université fait en recherche, dans quels domaines. » 
  • « On pensait faire trois jours d’activités, on a fait une semaine : un concours de communication en 180 secondes, des affiches scientifiques, de la formation pour synthétiser un article et en faire un exposé, et autres. La doyenne de la recherche a joué un rôle important, ainsi que les bibliothécaires. »
Les publications

Comme les concours, les publications ont été peu mentionnées, mais il y aurait là une enquête à mener pour en dévoiler les diverses variations et les possibles voies de valorisation.

  • « On a un bulletin de la recherche qui est envoyé aux partenaires communautaires, aux partenaires du Carrefour, et partagé sur les médias sociaux. On a fait aussi du financement pour développer des groupes de recherche, puisqu'on est une nouvelle université. »
  • Pour nos quatre revues scientifiques, qui fonctionnent bien, à peu près une trentaine d'articles par année, on a toujours un problème de relève. On a décidé de donner un dégrèvement par revue. Et ça a été aussi un succès, parce que depuis ce temps-là, on fait même des concours pour sélectionner les responsables des publications. Il y a donc là une opportunité de communication scientifique qui peut s’élargir hors du cercle des pairs. »
Le conseil scientifique

Le conseil scientifique est organisé à l’échelle de l’université et des gouvernements. Voici un exemple de la création d’un conseil scientifique qui incite les chercheurs d’une université à s’engager auprès de leur ville.

  • « Dans la mouvance des conseils scientifiques, la Ville nous a contactés et on a réalisé qu'on a au moins une quinzaine de professeurs qui travaillaient déjà avec la Ville. Donc, on a dit : qu'est-ce qu'on peut faire de plus? On a créé un conseil scientifique formé de cinq professeurs qui se sont engagés à conseiller la Ville sur différents sujets, pour aller chercher l'expérience dont la Ville a besoin là où elle se trouve. En plus des cinq professeurs, il y a le doyen de la recherche qui joue un rôle, et quelqu'un de la direction scientifique de la municipalité. Leur rôle, c'est de conseiller les élus et les administrateurs de l'université, et la Ville offre un montant pour ça. »

EN CONCLUSION

Invitée à présenter un mot de synthèse, Isabelle Lacroix, professeure à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, a d’abord souligné que l’idée du dialogue était omniprésente tout au long de cette journée. « Évidemment, si on se préoccupe de relations entre sciences et société, cela passe par une forme de dialogue, à l’écrit ou à l'oral, en personne ou dans les médias, et en imaginant bien d’autres formes. » Cependant, elle n’a pas manqué de souligner que ce dialogue peut être parfois difficile, voire très difficile, en se reportant à l’ouvrage de deux collègues de son université, David Morin et Marie-Ève Carignan, coauteurs de Mon frère est complotiste. Le grand conseil de cet ouvrage? Surtout, surtout, ne pas briser le fil du dialogue. 

Et pour que tout dialogue ait une portée et de la profondeur, elle a aussi relevé cette perle parmi tous les échanges :  mettre de la science dans la communication et mettre du sens dans cette science. « Je pense qu'à la base, c'est ça. C'est ce qui guide les chercheurs, c'est ce qui guide clairement nos étudiants, je ne sais pas pour les vôtres, mais moi, ceux que je rencontre individuellement, ils en parlent énormément. Et c'est ce qui, je pense, guide aussi nos établissements. » 

Mettre de la science dans la communication et mettre du sens dans cette science.

Laissons enfin le dernier mot à Slim Khalbous, recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie, invité à prononcer le mot de clôture. Il revient sur le cœur de cette rencontre, soit l’inspiration et l’enrichissement mutuel. « La section Enjeux de la recherche du congrès est réservée aux colloques où il n’y a pas une obligation de présenter des résultats, mais plutôt une invitation à traiter de questions qui traversent le milieu de la recherche. Je pense qu'on a soulevé ici une question passionnante et vraiment très engageante. C'est à cela que peut aussi servir le congrès de l’Acfas, faire dialoguer un groupe d’administrateur·trices de la recherche, pour s'éclairer les uns les autres, et potentiellement aller plus loin. »

C'est à cela que peut aussi servir le congrès de l’Acfas, faire dialoguer un groupe d’administrateur·trices de la recherche, pour s'éclairer les uns les autres, et potentiellement aller plus loin.


  • Johanne Lebel
    Acfas

    Johanne Lebel est au service de l'Acfas depuis 2003. Elle est rédactrice en chef du Magazine de l'Acfas et responsable des publications, dont la collection des Cahiers scientifiques. Elle a aussi la responsabilité du Forum international Sciences Société, des Prix Acfas et du concours La preuve par l'image. Avant d'exercer ce métier de « communication des connaissances » à l'association, elle le pratiquait dans le champ muséal. Elle y a réalisé des expositions d’histoire, d’art et de science. D’esprit transdisciplinaire, elle est curieuse de tous les savoirs, et elle s’intéresse tout particulièrement aux approches "systèmes", telle la théorie de la complexité, la théorie des réseaux et la théorie des systèmes dynamiques non linéaires.

Vous aimez cet article?

Soutenez l’importance de la recherche en devenant membre de l’Acfas.

Devenir membre Logo de l'Acfas stylisé

Commentaires