Photographe d’expérience, Alain Lefort revisite son parcours – tout en le poursuivant – dans le cadre de son mémoire de maîtrise en arts visuels et médiatiques : Sublimer le territoire : la représentation photographique du paysage entre construction et expérience. De l’idée à l’exposition, en passant par la prise de photo et la manipulation en laboratoire, il effectue une sorte de voyage allant de l’intérieur vers l’extérieur. Cette linéarité se perçoit à distance du projet, mais si on zoome vers les micromoments que constitue cette recherche, on observerait plutôt, comme dans toute recherche, des boucles de rétroaction continuelles entre la réflexion (vie intérieure) et la réalisation (vie extérieure). Dans ces allers-retours, s'inscrit sa « pratique réflexive du photographique en regard des réalités et des phénomènes observés ».
Sublimer le territoire : la représentation photographique du paysage entre construction et expérience
Alain Lefort
Mon mémoire1 accompagne l’exposition Résonance des silences, qui comprend un ensemble d’images photographiques et vidéographiques produites à partir de plusieurs lieux du territoire québécois, au long du fleuve St-Laurent et au Nunavik.
Tout le projet est fondé sur l’expérience et la problématisation de la relation entre l’espace indéfini du paysage et la surface de l’image, depuis la prise de vue jusqu’à sa transformation en postproduction.
Le thème ou les états de l’eau sont le motif par lequel cette relation est expérimentée, tant en vidéo qu’en photographie. Le mémoire débute en cherchant d’abord à comprendre l’imaginaire cartographique et fabulé du territoire, à partir de récits de voyages, de déplacements personnels et familiaux, d’observations sur sa toponymie et surtout, par une pratique réflexive du photographique en regard des réalités et des phénomènes observés. Ensuite, à partir de quelques œuvres antérieures, nous voyons que la documentation d’une réalité observable et la construction d’une image fictionnelle peuvent être imbriquées. Les images sont pensées à la fois comme des traces-documents et des inventions-fictions devant des phénomènes en évolution.
Le corpus de Résonance des silences est regroupé en deux parties : images du fleuve et images du Nord. Les images sont des moments de paysage; les fragments d’espace prélevés sont d’abord pensés dans leur temporalité, comme des présences différées (par le média photo ou vidéo) depuis l’espace nordique ou fluvial, jusqu’à l’atelier où les « captures » sont ensuite manipulées numériquement.
Ces couches temporelles nous ont amené à repenser la notion de « geste photographique ». Beaucoup plus que le seul déclenchement de l’obturateur, ce geste est défini par l’entièreté des étapes d’un projet. Depuis l’amorce d’une intention d’investir un lieu jusqu’à la matérialisation de l’image, ce geste est une conscience en action.
La notion de construction photographique est finalement abordée en faisant un retour sur le changement de paradigme lié au passage entre les procédés analogiques et numériques. Depuis quelques années, dans l’imaginaire collectif, la photographie est conçue comme la fabrication d’une nouvelle réalité qui n’a pas à être conforme à une réalité existant avant la prise de vue. Notre conception du paysage est autant bouleversée par l’évolution de notre rapport à l’image que par une prise de conscience de la destruction de notre environnement. Photographier le paysage implique dorénavant une compréhension des expériences qui précèdent le simple cadrage et qui nous conduisent bien au-delà de ce moment. Que le paysage soit vécu ou sublimé, de près ou de loin. Avec ou sans images.
Les images sont des moments de paysage; les fragments d’espace prélevés sont d’abord pensés dans leur temporalité, comme des présences différées (par le média photo ou vidéo) depuis l’espace nordique ou fluvial, jusqu’à l’atelier où les « captures » sont ensuite manipulées numériquement.
Alain Lefort vit et travaille à Montréal. Il est diplômé d’une majeure en photographie de l’Université Concordia (1995), et en juin 2021, il déposera son mémoire de maîtrise en arts visuels et médiatiques, réalisé sous la direction d'Alain Paiement, professeur à l'UQAM. L’artiste diffuse son travail depuis le début des années 1990. Prenant pour sujets des éléments de la nature et du territoire, sa démarche aborde le médium photographique en confrontant parfois les limites du réel et de l’abstrait. Alain Lefort compte à son actif plus d’une cinquantaine d’expositions tant individuelles que collectives au Québec comme à l’étranger (Albanie, Etats-Unis, Portugal…). Ses œuvres ont notamment été acquises par le Cirque du Soleil, le Musée national des beaux-arts du Québec.
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