La mélanine protège contre les coups d’Hélios en réduisant la quantité de rayons UV pénétrant dans la peau. Elle absorbe aussi les composés toxiques ou cancérigènes produits par les rayons UV.
Sans poils
Le poil caractérise le mammifère. Cette condition de poilu le garde au chaud et le protège de l’agression des rayons UV. Au cours du temps, certains ont cependant perdu leur fourrure. Hippopotames, baleines et morses se sont ainsi mieux adaptés à la vie aquatique. Chez l’humain, cette mise à nu s’est produite il y a environ un million d’années. Les individus ayant moins de poils étaient avantagés par un meilleur contrôle de la température de leur corps et de leur cerveau. Une peau nue offre, en effet, une grande surface pour évacuer la chaleur sous le soleil africain, lieu d’origine de nos ancêtres (figure 1).
Mais sous leur fourrure, plusieurs mammifères et tous les primates ont la peau blanche. Sans poil, nous sommes donc très vulnérables aux rayons UV. Heureusement, une mutation dans le gène MC1R a pris la relève. Cette mutation produit un pigment foncé protecteur, la mélanine. Ainsi sous le soleil africain, nous étions tous nus et noirs!
Protégés par la mélanine
Pour de multiples raisons, une peau foncée est bien adaptée à l’ensoleillement intense (figure 2). La mélanine protège contre les coups d’Hélios en réduisant la quantité de rayons UV pénétrant dans la peau. Elle absorbe aussi les composés toxiques ou cancérigènes produits par les rayons UV. Ce faisant, elle protège du cancer de la peau. De plus, elle diminue la photodégradation (par les rayons UV) de substances nutritives qui circulent dans notre sang et qui finissent donc par passer dans les vaisseaux sanguins de la peau. Ces substances incluent les flavines, les caroténoïdes, le tocophérol et de l’acide folique; toutes nécessaires au bon développement du système nerveux et à une bonne fertilité.
Coévoluer avec l’astre solaire
Nous avons donc coévolué étroitement avec le Soleil. De ce fait, la migration des hominidés que nous sommes, vers les contrées nordiques, n’allait pas se faire sans quelque souffrance.
Une peau foncée dans un environnement peu ensoleillé protège toujours contre les coups de soleil, le cancer de la peau, et la photodégradation de substances essentielles, mais pour la vitamine D…
En effet, la production de cette vitamine indispensable nécessite que des rayons UV activent des molécules de 7-désydrocholestérol de façon à ce que celles-ci se transforment en vitamine D. Dans un environnement peu ensoleillé, étant donné que le 7-désydrocholestérol se retrouve principalement dans les couches les plus profondes de l’épiderme, une peau foncée ne permet pas d’en produire suffisamment. Ce manque empêche la bonne minéralisation des os et entraîne le rachitisme chez les enfants et l’ostéomalacie chez les adultes. Les os deviennent mous et se déforment sous le poids du corps. Le pelvis rétrécit, l’accouchement devient difficile. Et c’est plus souvent que la mère et l’enfant ne survivent pas à l’accouchement.
Désavantagés par la mélanine
Une pression sélective s’exerce alors. Par chance, rien d’autre, les individus ayant des mutations diminuant la quantité (ou le type) de mélanine produite par leur peau « sèment » plus de descendants. On observe cette adaptation au moins à deux reprises, une fois chez les ancêtres des Européens et une fois du côté asiatique. Mais, illustrant bien la souplesse de notre ADN, ces mutations se sont produites dans des gènes différents. Pour les Européens, une mutation dans le gène SLC24A5 a probablement eu une influence majeure sur la couleur de la peau. Chez les Asiatiques, des mutations dans les gènes DCT et MC1R (encore lui!) sont probablement impliquées. Cependant, elles ont eu exactement le même effet bénéfique : permettre la production d’une quantité de vitamine D nécessaire au métabolisme du calcium dans l’organisme sous les faibles rayons UV du Nord. De plus, cette faible intensité des rayons fait qu’une peau pâle n’est pas désavantagée pour ce qui est des coups de soleil, du cancer de la peau ou de la photodégradation. C’est ainsi que la couleur de notre peau s’est adaptée à l’ensoleillement de notre environnement.
Suites évolutives
Ainsi, les Caucasiens doivent utiliser de la crème solaire lors de leurs voyages dans le Sud et les Africains et les Haïtiens souffrent de manque de vitamine D dans les pays nordiques. Ceci suggère aussi qu’il serait peut-être sage d’écouter mère Nature et ne pas trop fréquenter les salons de bronzage lorsque notre bagage génétique n’est pas compatible! Il est aussi intéressant de noter que des études récentes ont démontré que certaines mutations, dont une située dans le gène HERC2, influencent la couleur de la peau, des cheveux et des yeux. Comme quoi notre génétique est complexe, toujours intéressante, jamais achevée!
Autres articles de cette série Parce qu'on évolue
- Bienfaits du sexe, méfaits du cousinage
- Les baleines, ces vaches qui ont pris la mer
- Notre corps « patenté »
- Domestiquer, c’est sélectionner
- Mutations... on n'a encore rien vu!
- Nos yeux « broche à foin »
- Notre corps « patenté »
- Évoluer en compagnie des bêtes et des plantes
- FOXP2, le gène du langage
- Le diabète : une adaptation qui a mal tourné?
- Poux ou virus : la datation par les gènes
- Haplotypes ou comment on reconnaît nos mutations utiles
- Vivre sans le gène de la vitamine C
- À l'heure de l'horloge moléculaire
- Vous êtes génétiquement unique
- Les mutants « buveurs » de lait
- Évolution en beauté
- Nu au soleil
- Guy Drouin
Université d'Ottawa
Guy Drouin est professeur titulaire à l’Université d’Ottawa depuis 1990. Il détient un doctorat en génétique de l’Université de Cambridge, et il a poursuivi ses études postdoctorales à l’Université Harvard. Ses recherches portent sur l’évolution des gènes et des génomes. Il enseigne la génétique, l’évolution moléculaire et la génétique évolutive des humains. Il s’intéresse aussi à l’enseignement des sciences en milieu minoritaire.
Note de la rédaction : Les textes publiés et les opinions exprimées dans Découvrir n'engagent que les auteurs, et ne représentent pas nécessairement les positions de l’Acfas.
Vous aimez cet article?
Soutenez l’importance de la recherche en devenant membre de l’Acfas.
Devenir membreCommentaires
Articles suggérés
-
Sondage - La responsabilité sociale de la communauté de la recherche : la perception des chercheuses et des chercheurs -
La professionnalisation des artistes : la pensée gestionnaire confrontée à la pratique des arts -
Biofertilisants et biostimulants microbiens : pour la santé des sols et des cultures
Infolettre