Depuis la publication du rapport Brundtland en 1987, le discours autour du développement durable a connu une diffusion et une influence sans précédent grâce à sa grande plasticité conceptuelle. Dès 1995, des chercheurs recensaient déjà plus de 70 définitions concurrentes de la notion (Kirby et al., 1995), tout à la fois paradigme et concept multidimensionnel, cadre de référence consensuel et… slogan à la mode (Schojan et al., 2023).
Le développement durable constitue donc à son degré zéro un discours puissant. De 2003 à 2023 le nombre d’articles scientifiques qui incluent le mot-clé « sustainable development » a connu une augmentation cumulative de 1300% (Scopus, 2024). De la même manière, le nombre d’entreprises de l’indice S&P 500 ayant publié un rapport de développement durable approchait le 100% en 2022 (GA Institue, 2022), une augmentation de 25% en 10 ans. Il n’est donc pas imprudent de dire que le discours sur le développement durable a marqué les esprits dans les sphères politico-institutionnelle, scientifique et économique. A-t-il cependant sensiblement modifié les pratiques?
À ce sujet, le Global Sustainable Development Report 2023 publié par l’ONU est sans appel : le monde est sur la mauvaise voie (off track), avec des progrès notables dans seulement 2 des 17 Objectifs de développement durable (ODD) et, pis encore, une détérioration de la trajectoire pour la grande majorité d’entre eux. Pourquoi cet échec du développement durable? Les raisons sont multiples et documentées, mais force est de constater que l’analyse critique des pratiques des acteurs organisationnels a jusqu’ici largement fait défaut (Bansal et Song, 2017).
L’une des avenues de recherche prometteuses émane de l’appel lancé par l’ONU en faveur Principes pour l’éducation à la gestion responsable (PRME). Les Principes… incorporent un appel à intensifier la recherche afin de mieux comprendre « le rôle, la dynamique et l’impact des entreprises dans la création de valeur sociale, économique et environnementale durable ». L’intérêt majeur de ce champ de recherche en émergence réside dans le déplacement du point focal de l’analyse : déplacement de la sphère du discours vers la sphère des pratiques organisationnelles concrètes, de la justification (« pourquoi? ») à l’action (« comment? »), bref le passage de la parole aux actes.
Ce colloque vise à capitaliser sur les nouvelles avenues de recherche ouvertes par cette approche avec l’objectif d’offrir des perspectives de recherche croisées sur les pratiques de gestion responsable. En ce sens, le colloque s’inscrit en réponse à l’appel à l’action et à la mobilisation des sciences de la gestion pour répondre aux grands défis de société (grand challenges) lancé par le comité éditorial Academy of Management Journal (George et al., 2016).
Remerciements
Les coresponsables remercient les membres du comité scientifique et du comité organisateur, notamment Andrée-Anne Guesthier, Josbert Gahunzire, Étienne Fouquet, Raoul Gebert et Hermann Tegninko, pour leur collaboration précieuse. Le Centre Lemaire en gestion responsable remercie l'Université de Sherbrooke et l'École de gestion pour leur soutien financier.