Le paradoxe de la critique africaine consiste à considérer l’écrivain comme un « témoin » et de refuser de reconnaître son individualité constitutive de ce statut. Cette négation semble en partie s’expliquer par la nomination dont la pratique en Afrique montre l’ignorance du « nom propre ». Ce qui y tient lieu d’équivalent réfère souvent à un « je » autre que le porteur. Cela est problématique, car dans le témoignage la fiabilité repose sur l’« identité biographique […] désignée par le pronom « je » (Dulong, 1998 ). S’inscrivant dans une recherche doctorale en cours, l’article vise à la connaissance de l’éthos testimonial en contexte oral. Quels sont les paramètres d’efficacité du témoignage dans les cultures où le témoin porte un nom qui n’est pas « assez sien »? Le considérant plus comme un dispositif de transmission que comme critère identitaire, nous proposerons que, chez les témoins africains, la biographie fonctionne sur une logique inverse, car il sert moins de facteur d’objectivation que d'un moyen d’autoévaluation. Autrement, le « je » du témoin ne sert pas de preuve, mais d’épreuve pour évaluer la conformité de son vécu et le degré d’assomption de l’injonction nominale formulée par son groupe, le « je » collectif sur la foi duquel il atteste. L’étude s’inscrit dans la perspective anthropologique et littéraire et s’appuie sur Il nous faut de nouveaux noms de N. Bulawayo, et Prisonnier de Tombalbaye de A. Bangui, pour montrer la dimension mémorielle et cathartique du nom propre.
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