La rédaction d’un mémoire ou d’une thèse est un travail essentiellement solitaire et de longue haleine. Les menus détails sont légion, et ce travail intellectuel exige un niveau de concentration élevé pour permettre le tri du foisonnement d’idées, l’organisation des concepts selon un plan et l’établissement d’une hiérarchie pour faciliter la lecture du manuscrit. Ceci est vrai pour TOUS les étudiants en rédaction, mais un effort supplémentaire est exigé pour les étudiants présentant un TDAH. Voici donc quelques stratégies pour qui un peu plus d’auto-encadrement serait bénéfique, TDAH ou pas…
Créer son propre modèle d’encadrement
Par définition, il est plus ardu aux étudiants présentant un TDAH de rester attentif sur une tâche à long terme, plus difficile de prioriser, d’organiser le flot de pensées et d’enchainer un grand nombre de concepts sans s’éparpiller. Comme le cadre est plus souple aux études supérieures en comparaison du premier cycle, if faut revoir et adapter certaines stratégies privilégiées par ces étudiants comme le travail en équipe ou la production de dernière minute qui se fait avec une montée d’adrénaline. Leur plus grand défi concerne donc l’auto-encadrement et la capacité de mettre en place des stratégies favorisant l’effort soutenu durant la période d’écriture.
Lorsque l’on vit avec un TDAH, il arrive souvent que le parcours scolaire soit atypique. La variation de la motivation, la difficulté de poursuivre un but à long terme et la procrastination peuvent générer des périodes « creuses » et parfois allonger le cursus. Aux études supérieures, cet allongement peut entraîner des coûts tant financiers (non-accès aux bourses, prêts qui s’accumulent), que relationnels (essoufflement du soutien social, délais dans d’autres projets personnels comme l’achat d’une maison ou une grossesse). Ces délais peuvent apporter des tensions dans la famille, du découragement et ultimement l’abandon du projet d’écriture. Pour relever ces défis, l’étudiant peut créer « son » modèle d’encadrement. Comme les conséquences et les manifestations du TDAH varient d’une personne à l’autre, même si des similitudes peuvent être observées, l’étudiant doit trouver ce qui correspond à son style de fonctionnement, son besoin perçu d’encadrement, et aux manifestations de « son » TDAH.
1re stratégie : Des rencontres structurées
Les stratégies à privilégier sont de la même nature que pour les autres étudiants. Par contre, elles doivent être plus « encadrantes » et être réactivées plus souvent. Cette approche permet de favoriser la constance et la progression du projet. Ces stratégies consistent notamment à solliciter des rencontres fixes et structurées avec le directeur de mémoire ou de thèse ou avec d’autres membres du comité de mémoire\thèse, et ce, que la rédaction ait avancé ou non. Il est aussi possible de solliciter un autre professeur plus ou moins familier avec le sujet, mais avec qui on peut échanger pour stimuler la réflexion. En outre, se doter d’un réseau de personnes en rédaction dans son département, sa faculté, son université ou de différents horizons ou intérêts peut favoriser le maintien de la motivation.
2e stratégie : Ne pas laisser le temps nous organiser…
Comme chez tous les étudiants en rédaction, l’organisation du temps est primordiale. Comme la routine est difficile à maintenir chez les étudiants présentant un TDAH, des stratégies proactives sont essentielles. Construire un plan d’écriture, le garder visible (par exemple, avec le volet de navigation du logiciel de rédaction), avoir des objectifs à très court terme (pour ma période de rédaction de 2h ou ma journée), à court terme (ma semaine), à long terme (prochaine session) et à très long terme (fin du mémoire ou de la thèse). Il est important de demeurer flexible et revoir ses objectifs régulièrement.
3e stratégie : Les cartes conceptuelles
Les étudiants avec un TDAH ont souvent une facilité à s’exprimer verbalement, mais éprouvent de la difficulté à traduire cette pensée à l’écrit. Un outil très utile pour passer de la pensée à l’écrit et pour créer les liens entre les concepts est la carte conceptuelle1, aussi appelée carte mentale ou réseau de concept. Cet outil consiste à schématiser les idées en inscrivant des mots clés, en identifiant les liens qui les unissent au moyen de flèches et en précisant la nature de ces liens à l’aide de verbes. Cette stratégie permet aussi de clarifier la hiérarchie des concepts en fonction des objectifs de la recherche. Cette carte peut être réalisée « papier crayon » où à l’aide de logiciels. Ces cartes conceptuelles peuvent également être utilisées pour verbaliser ses réflexions lors des échanges avec le directeur ou lors de présentation orale. Encore une fois, cet outil peut être utile à tous les étudiants, mais constitue une stratégie compensatoire qui cible spécifiquement les défis rencontrés par les étudiants vivant avec un TDAH.
4e stratégie : Les « bouées de secours »
Finalement, pour favoriser et maintenir la motivation, l’inspiration, la créativité et l’enthousiasme, l’étudiant peut établir ses bouées de secours pour les périodes creuses. Par exemple, se créer une liste de solutions (qu’on garde visible) dans des situations probables :
Qu’est-ce que je fais si je n’ai pas écrit aujourd’hui? Exemples de solutions :
a. J’entretiens un discours intérieur non culpabilisant;
b. Je retourne à mon plan ou à ma carte conceptuelle;
c. Au besoin, je décortique une petite section, et j’établis des sous-objectifs plus petits et plus tangibles.
Qu’est-ce que je fais si je n’ai pas écrit cette semaine? Exemples de solutions :
a. J’identifie les causes et je fais un effort pour trier les causes réelles (blocage, confusion, démotivation) des causes fabriquées (je n’avais pas de plage horaire assez longue pour me plonger, j’attends le retour des commentaires de mon directeur)
b. Je cherche une source d’encadrement (discuter avec quelqu’un de mon réseau, mon directeur ou membre de comité).
Prendre soin de sa « tête »
En tout temps, il est important d’entretenir un discours intérieur non culpabilisant et de prendre du temps pour soi, que ce soit au moyen du sport, de passe-temps ou de toute autre activité qui permet de "décrocher" et de se ressourcer. En somme, le défi pour tous les étudiants en rédaction, incluant ceux avec un TDAH, est de connaître son besoin d’encadrement et de déployer ses stratégies pour créer un cadre et un environnement motivant et souple durant la période d’écriture.
En tout temps, il est important d’entretenir un discours intérieur non culpabilisant et de prendre du temps pour soi, que ce soit au moyen du sport, de passe-temps ou de toute autre activité qui permet de "décrocher" et de se ressourcer.
- 1Note de Geneviève Belleville, corédactrice invitée : Wikipédia présente une liste de cartes conceptuelles gratuites et/ou à code ouvert : https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_concept-_and_mind-mapping_software
- France LandryProfesseur·e d’universitéUniversité du Québec à Montréal
France Landry, PhD, PsyD. est psychologue aux services à la vie étudiante et professeure associée au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal dans le groupe de recherche sur l’intégration et l’apprentissage des étudiants en situation de handicap. Comme psychologue, elle se spécialise dans les stratégies d’études et d’adaptation et accompagne des étudiants en difficulté qui sont soit au premier cycle soit aux cycles supérieurs. Son champ de recherche comme professeure associée porte sur le trouble du déficit de l’attention chez les adultes et l’intégration des étudiants en situation de handicap.
Remerciements : Merci à Marie-Pier Arsenault-Babin, enseignante en psychologie au Cégep de la Gaspésie et des Iles et à Coralie Mercerat, étudiante au doctorat en psychologie pour leurs commentaires sur le texte.
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