Le résultat, LA thèse, est bien peu comparé à ce que l’on avait en tête. Mais l’important, c’est le processus, pas le résultat. Et ce processus fait grandir. Beaucoup.
Quelles étaient vos attentes avant ou au début du doctorat?
Alors que l’appel du marché du travail est puissant, séduisant, sécurisant, pourquoi débuter, voire poursuivre des études doctorales à temps plein? Et surtout, pourquoi traverser ces années tumultueuses et terminer cet épuisant, mais oh combien satisfaisant, parcours? À chacun sa réponse, et la mienne est plutôt banale : parce que j’adore la recherche. Cette liberté de penser, cette liberté d’explorer.
Un diplôme de pharmacienne en poche, j’ai choisi de poursuivre vers la recherche appliquée en gestion des services de santé, parce que la façon dont les choses se passaient autour de moi me choquait. J’ai eu envie d’investiguer le pourquoi et surtout, le comment cela pourrait être autrement. Je n’ai pas été déçue. Pendant le doc., les apprentissages théoriques sont multiples, enrichis par des cours, des séminaires, des échanges, des voyages. Le cerveau ne s’arrête jamais. Les rencontres font grandir, les lectures font murir, les temps morts et les heures creuses font réfléchir. La solitude est parfois lourde, mais apprendre à la surmonter permet de développer une persévérance et une rigueur essentielle au travail du chercheur. Le résultat, LA thèse, est bien peu comparé à ce que l’on avait en tête. Mais l’important, c’est le processus, pas le résultat. Et ce processus fait grandir. Beaucoup.
Quels constats faites-vous aujourd’hui?
Je me suis trompée la première fois. J’avais commencé un doctorat en recherche fondamentale, que j’ai abandonné après plus d’un an. Mon erreur avait été de me laisser entraîner vers un chemin qui n’était pas le mien. J’ai ensuite bien pris le temps : plus de 6 mois à flotter, pour choisir un domaine qui m’interpelle, vraiment, à rencontrer directeurs potentiels et certains de leurs étudiants. L’énergie requise pour traverser le doc. est immense, et le futur tellement incertain, il faut au moins que ce soit agréable! Des égos de directeur qui écrasent, une compétition essoufflante, des contraintes de travail éreintantes : non merci. Il faut définir les balises de ce qui nous paraît acceptable, créer les conditions gagnantes.
Des égos de directeur qui écrasent, une compétition essoufflante, des contraintes de travail éreintantes : non merci. Il faut définir les balises de ce qui nous paraît acceptable, créer les conditions gagnantes.
Quels conseils donneriez-vous à des étudiants qui envisagent un doctorat ou qui débutent?
J’ai eu la voie facile, avec un financement continu et un support constant. Mais malgré tout, il faut un plan B, et un plan C. La carrière académique telle que l’ont vécue nos professeurs sera accessible à bien peu d’entre nous, jeunes chercheurs. Nos trajectoires seront diversifiées, divergentes. Il faut être prêt à avoir des activités multiples, et pas seulement académiques. J’ai toujours travaillé en plus de mes heures de recherche, comme pharmacienne, consultante, enseignante. J’ai dit oui à (presque) toutes les opportunités, même les plus déstabilisantes. Découvrir de nouveaux champs permet d’enrichir la compréhension de notre domaine spécifique, tout en élargissant notre réseau. Parce que oui, il faut publier. Oui, il faut obtenir du financement. Oui, il faut récolter des données, analyser, synthétiser. Mais on ne peut y arriver seul. Il faut surtout être bien entouré. Et si c’est vrai pour un étudiant au doc., c’est encore plus vrai ensuite.Comprendre les dynamiques, saisir les opportunités, les mentors auront été mon atout le plus précieux pour trouver ma place.
La route est sinueuse, et je ne vois pas encore vers où elle mène. Je n’ai pas encore évité le chômage, je suis assise sur un siège éjectable. Mais en attendant, le paysage est magnifique, la banquette est confortable, et les autres passagers sont agréables. Alors, pourquoi arrêter maintenant?
- Aude Motulsky
Université McGill
Aude Motulsky est chercheuse et pharmacienne, spécialisée dans l’évaluation des outils électroniques pour la gestion des médicaments, tels que la prescription électronique et le bilan comparatif informatisé. Elle possède un doctorat en santé publique (gestion des services de santé) de l’Université de Montréal, et elle est présentement stagiaire postdoctorale au Groupe de recherche en informatique de la santé à l’Université McGill.
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