Depuis quelques décennies, on assiste à une transformation rapide de l’institution de la famille, propulsée par différents changements sociaux et normatifs qui traversent notre société et qui ont une incidence sur notre manière d’appréhender les statuts parentaux et l’intervention auprès des familles. « Faire famille » se conjugue désormais au pluriel. Les familles situées à la marge des normes familiales (familles séparées, recomposées, homoparentales, transparentales, pluriparentales et transnationales, notamment) peinent à faire reconnaitre leurs droits et à obtenir des services qui répondent adéquatement à leurs besoins.
Malgré les modifications législatives récentes, le droit civil reste attaché à une conception de la filiation qui perpétue un schéma familial biparental traditionnel. Les familles formées de trois parents ou plus demeurent toujours un impensé du droit québécois, et ce, malgré la reconnaissance de la pluriparenté ailleurs au Canada. Certaines figures parentales – les beaux-parents, par exemple – sont aussi exclues de la filiation et restent en marge de la parentalité. Ces familles font l’expérience d’une ambiguïté sociale et juridique; elles existent, élèvent des enfants et contribuent à la vie en société, mais la reconnaissance légale de leur structure familiale leur échappe.
Comme en témoignent les débats entourant la réforme du droit de la famille au Québec ou la loi relative à la bioéthique en France, le défi actuel consiste à construire un cadre juridique suffisamment souple pour permettre de prendre en considération les différentes réalités familiales contemporaines, tout en priorisant le « meilleur intérêt » des enfants, une notion elle-même en mouvance. Or, on déplore le manque de données empiriques qui pourraient faciliter le débat social et éclairer les décideurs et décideuses sur les pratiques prometteuses et les avenues législatives à considérer pour favoriser le vivre-ensemble et le bien-être des familles.
L’incertitude et la précarité vécues au quotidien par les familles en quête de reconnaissance et d’équité font en sorte qu’elles vivent une vulnérabilité légale et sociale causée par l’absence d’encadrement juridique et donc, de protection. Il est nécessaire de mettre en lumière ces situations qui fragilisent le vécu familial et créent des inégalités, lesquelles sont aggravées par des dénis de reconnaissance structurelle, souvent exacerbés lors de réorganisations familiales qui ponctuent les parcours de vie des parents. Partant du principe que la prise en compte de la diversité familiale dans les pratiques est révélatrice des normes sociales, ce colloque offre ainsi l’occasion de poser un regard interdisciplinaire et intersectoriel sur ce champ de recherche et d’intervention et d’enrichir notre compréhension de phénomènes actuels pour faire émerger des pistes d’action favorisant l’inclusion et le bien-être de toutes les familles.