529 - Enjeux et défis de la santé et sécurité du travail en formation professionnelle

Travailler dans des conditions saines et sécuritaires et être formé.e à la SST sont des droits reconnus. Mais que veut dire former à la SST ? Dans quel but ? Quels sont les défis et besoins des femmes et des hommes concernés ? Et de manière sous-jacente, quelles sont les représentations du travail et de la SST qui cohabitent dans les établissements scolaires et les milieux de pratique ?

L’ergonomie de l’activité a fait bouger les lignes de force de cette dynamique depuis qu’elle s’investit dans le champ de la formation professionnelle. L’un des constats des recherches-interventions dans ce domaine, est que l’analyse de l’activité en contexte d’apprentissage et de travail est une clé de voûte pour soutenir le développement de conditions et de formations capacitantes pour les individus, les collectifs et les organisations. Il faut pour cela connaitre et comprendre, ensemble: le travail réel (comment il est appris, réalisé et régulé, avec qui et quoi, et en fonction de quoi); ses effets sur la SST, les compétences et la production; l’adéquation entre les contenus et les conditions de formation.

Cette communication d’ouverture du colloque, qui m’a été proposée afin de positionner les axes de développement de mes recherches-interventions et de mes enseignements universitaires, permettra de mettre en discussion des enjeux, constats et moyens de progresser dans le développement de la SST en formation professionnelle pour les élèves et pour les enseignant.es.

Le contrat d’apprentissage est une voie de professionnalisation des jeunes que les pouvoirs publics encouragent, mais qui est confronté à un taux élevé de ruptures, qui peut être attribué à des objectifs et des temporalités différents, parfois contradictoires, entre monde de la formation et monde du travail.

Pour les apprentis, ces écarts impliquent des régulations constantes qui peuvent affecter leur santé et leur insertion sociale et professionnelle. Notre hypothèse est que ces difficultés ne sont pas liées à l’existence d’écarts, mais au cloisonnement entre les mondes qui empêche l'expression, le partage et la discussion de ces régulations. Des espaces de débat inter-mondes (EDIM) ont été mis en place au sein de l'école, alimentés par des vidéos d’activité d’apprentis en entreprise. Ces EDIM s’appuient sur le modèle du conflit constructif de Follett, qui vise à dépasser des points de vue a priori incompatibles pour élaborer une nouvelle position intégrative. L'objectif était de décloisonner les mondes en amenant le travail réel au sein de l'école afin qu’il devienne moteur d'apprentissage.

Les résultats montrent que les EDIM favorisent le décloisonnement des mondes. Les enseignants comprennent mieux les difficultés des apprentis et peuvent se saisir des films pour prolonger la formation. Les apprentis découvrent la diversité des situations vécues, partagent leurs difficultés mais aussi les astuces mises en œuvre pour les dépasser, et construisent de nouvelles ressources.

En France, les accidents du travail ne touchent pas de la même manière les milieux sociaux, les générations ou encore le genre des salariés. À ces inégalités s’ajoutent celle du statut. Les apprentis et les stagiaires sont eux même plus exposés. Pour autant, les études sur l’exposition aux risques professionnels dans l’enseignement secondaire professionnel français ne sont pas nombreuses. Le secteur du travail des métaux en Nouvelle-Aquitaine a fait l’objet d’une recherche de doctorat mêlant une méthodologie mixte. Elle vise à questionner la socialisation professionnelle de ces futurs ouvriers. Tous les métiers de ce secteur peuvent être appris dans des lycées professionnels ou encore dans des centres de formation pour apprentis. Bastion masculin, il est constitué à 98 % d’homme. Face aux risques et nuisances générés par l’activité métallurgique, les lycéens et apprentis doivent devenir des ouvriers « prudents ». Pourtant immergés dans un univers « préventif », 96 des 245 apprenants répondants, déclarent avoir eu un accident de travail durant leur formation dont 26 sur 61 répondants ont eu une interruption de travail supérieure à 7 jours. Dans ce contexte, des contraintes économiques au sein des établissements de formation, une exposition plus ou moins forte au milieu professionnel ou encore des discours professoraux noncongruents ont été identifiés comme des freins à la construction des savoirs de prudence.

C’est dans une coopération étroite entre chercheurs et enseignants de la filière vente, qu’a été co-construit un dispositif d’éducation adapté aux élèves et au métier visé, avec pour objectif de sensibiliser les jeunes sur les liens entre travail et santé en mettant l’accent sur la santé. Notre intervention éducative de type émancipatoire et ancrée dans le paradigme de la dialectique sociale, a été mise à l’épreuve de deux hypothèses testées dans le cadre d’un étude longitudinale (1 an) à l’appui d’une comparaison entre le groupe contrôle et le groupe expérimental :

- H1) modifier leurs représentations associées à la santé au travail sur chacune des thématiques du modèle de Leventhal (T1/T4/T5).

- H2) Améliorer leurs connaissances associées à la santé au travail : connaissance des lois et des ressources disponibles. (T1/T4/T5).

Même si nos résultats restent modestes et donc difficilement généralisables, compte tenu de la taille des échantillons et de l’absence de mesure des effets comportementaux face aux risques sur le lieu de travail (accident du travail, absentéisme, …), nous pouvons en tirer des éléments à mettre en discussion pour une nouvelle étude. En effet, cette intervention a eu un impact sur les représentations de la santé au travail, sur la connaissance des acteurs de la prévention et sur les conséquences en termes de santé mentale, tout en contribuant à une projection sur les pratiques et comportements en termes d’action collective.

Le dispositif de formation professionnelle duale, qui occupe une place prépondérante en Suisse, confronte les apprenti-e-s aux contraintes du travail. Les statistiques montrent qu’elles et ils sont davantage exposé-e-s à des risques pour leur santé physique et psychique (OFS, 2020) et connaissent une suraccidentabilité (OFS, 2021). Pourtant, les enjeux de santé et sécurité au travail (SST) des apprenti-e-s demeurent encore peu explorés.

Ainsi, il est pertinent d’interroger leur expérience de SST dans une perspective sociologique, en termes de types d’atteintes, de risques et de contraintes rencontrées (Duc & Lamamra, 2022). Il s’agit aussi de questionner quels sont les moyens à leur disposition et sous quelles conditions elles et ils peuvent devenir acteurs et actrices de leur prévention. Pour y répondre, sept entretiens collectifs semi-structurés menés en Suisse romande avec des apprenti-e-s de différents secteurs (coiffure, vente, peinture, santé, restauration) seront analysés.

L’analyse des entretiens souligne une variété d’atteintes à la santé, liées tant au métier, qu’à la confrontation au travail ou encore au statut apprenti-e. Les résultats relèvent en outre un décalage entre mesures de prévention telles qu’enseignées à l’école et situations rencontrées en entreprise.  La communication s’intéressera aux raisons qui sous-tendent cet écart ainsi qu’aux espaces investis qui permettent aux apprenti-e-s de se réapproprier une certaine marge de manœuvre face à ces contraintes

Pour les enseignant.es superviseur.es de stages en milieu de travail, l’accompagnement des élèves pour décrire et analyser leur expérience de travail - de retour en classe - reste une tâche complexe, encore plus au Parcours de formation axé sur l’emploi où les troubles d’apprentissage et d’adaptation que présentent les élèves impliquent des approches pédagogiques différenciées. La formation à une diversité de ressources pédagogiques pour valoriser le potentiel d’apprentissage des situations de travail et les questions de santé qu’elles soulèvent, constituent un réel enjeu de développement professionnel pour ces acteur.rices. Notre communication vise à rendre compte d’un partenariat à visée pédagogique avec un centre de services scolaires. Nous proposons de revenir sur la façon dont la collaboration s’est incarnée avec une conseillère pédagogique, une enseignante et ses élèves du PFAE, dans le processus de co-conception de capsules vidéo de formation destinées à souligner l’apport de la démarche d’analyse ergonomique de l’activité aux futur.es enseignant.es. Nous développerons les éléments de la réflexion collective qui s’est engagée quant à l’usage plus spécifique de l’autoconfrontation vidéo auprès des élèves, et les effets de transformations des pratiques qui découlent de cet usage, à plusieurs niveaux, celui des pratiques individuelles, collectives et organisationnelles de la supervision des stages face aux enjeux d’apprentissage et de santé au travail.

Présentation du journal interactif du comité Santé, sécurité et bien-être de l’Observatoire de la formation professionnelle du Québec qui vise à soutenir et promouvoir la santé, la sécurité et le bien-être en formation professionnelle par le partage de ressources et d'outils pour l’enseignement des savoirs de prévention.