Informations générales
Événement : 89e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 500 - Éducation
Description :Depuis la seconde moitié du 20e siècle, l’école québécoise a connu d’importants changements institutionnels, curriculaires et pédagogiques. Schématiquement, les années 1960 sont le fait de la démocratisation de l’éducation et, à partir des années 1990, de nouvelles politiques éducatives, liées au New Public Management, se diffusent dans l’ensemble des pays de l’OCDE (Mons, 2006). Nous faisons l’hypothèse qu’elles se sont incorporées dans le système éducatif québécois (Lessard et Carpentier, 2015).
Certes, le ministère de l’Éducation fait de la lutte contre les inégalités une priorité, mais plusieurs de ses discours contiennent des références à l’efficacité et à une nouvelle régulation du système éducatif dont les principaux dispositifs sont la décentralisation, qui favorise la concurrence entre les établissements, leur évaluation et la « gestion axée sur les résultats », qui s’inscrivent dans une culture de la performance et de la responsabilité à laquelle doit adhérer, en principe, l’ensemble des agents scolaires comme les enseignants, les directeurs d’établissement, les professionnels non enseignants (psychologues, conseillers d’orientation, ergothérapeutes, etc.), mais également des techniciens (ex. : les éducateurs spécialisés) et des paratechniciens (ex. : surveillants d’élèves)?
L’objectif principal du colloque consiste à examiner, dans une perspective québécoise aussi bien qu’internationale, la manière dont les agents scolaires composent avec un système éducatif qui exige, tout à la fois, une réduction des inégalités, d’une part, et, d’autre part, l’efficacité de l’enseignement, du fonctionnement des établissements et du système éducatif dans son ensemble. Comment de possibles tensions entre des finalités démocratiques et des finalités « performatives » se traduisent-elles dans le travail concret des agents scolaires et dans la définition de leur identité professionnelle (ou au travail)? Enfin, ces tensions sont-elles, pour eux, source de souffrance?
Remerciements :Chères et chers collègues,
Au nom de Bernard Wentzel et de Simon Viviers, je vous remercie très cordialement d’avoir accepté de participer au colloque que nous avons organisé sur le thème des politiques éducatives et de leurs effets sur le travail des agents scolaires.
Au plaisir de vous rencontrer le mardi 10 mai 2022, à 8h15, pour le mot de bienvenu.
Louis LeVasseur
Date :- Louis Levasseur (Université Laval)
- Bernard Wentzel (Université Laval)
- Simon Viviers (Université Laval)
Programme
Les « nouvelles » politiques d’éducation et leur influence sur le travail des agents scolaires
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Communication orale
Les "nouvelles" politiques éducatives, travail, identités professionnelles et souffrance des agents scolairesLouis Levasseur (Université Laval), Simon Viviers (Université Laval), Bernard Wentzel (Université Laval)
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, l’école québécoise a connu d’importants changements institutionnels, curriculaires et pédagogiques. Schématiquement, les années 1960 sont le fait de la démocratisation de l’éducation, et à partir des années 1990, de nouvelles politiques éducatives, reliées au New Public Management, se diffusent dans l’ensemble des pays de l’OCDE (Mons, 2006), et, nous en faisons l’hypothèse, elles s’incorporent dans le système éducatif québécois (Lessard et Carpentier, 2015). Certes, le ministère de l’Éducation fait de la lutte contre les inégalités une priorité, mais plusieurs de ses discours contiennent des références à l’efficacité, dont une culture de l’évaluation prenant appui, entre autres, sur la « gestion axée sur les résultats ».
Après avoir donné un aperçu de ces nouvelles politiques éducatives axées sur l’efficacité et l’évaluation, nous en verrons les effets sur le travail et les identités des enseignants, sur le travail et les identités des agents scolaires qui soutiennent les élèves ayant des difficultés d’apprentissage ou de comportement, et nous verrons également que ces effets peuvent donner lieu à des analyses axées sur la souffrance des agents scolaires au travail.
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Communication orale
Faire preuve en éducationPierre Doray (Université du Québec à Montréal), Claude Lessard (UdeM - Université de Montréal), Frédéric Saussez (Université de Sherbrooke)
Au cours des dernières années, des chercheurs se sont mobilisés afin de créer un Institut national de l’excellence en éducation (INEE) ayant pour mission d’évaluer les pratiques éducatives à la lumière de données probantes. Ce projet d’évaluation consiste à utiliser des outils scientifiques pour s’assurer que les savoirs, les pratiques et les interventions éducatives et pédagogiques contribuent positivement aux apprentissages. L’évaluation doit reposer sur des données probantes.
Le fait que ce projet de l’INEE se réalise dans une conjoncture où un autre projet d’évaluation gouverne la gestion publique, soit la gestion axée sur les résultats, conduit à un certain nombre de questions : doit-on établir une articulation entre les deux projets d’évaluation ? Les deux projets proposent-ils des réponses compatibles par rapport à l’établissement de la « preuve » en éducation ? L’un et l’autre sont-ils compatibles intellectuellement et/ou institutionnellement ?
Or, le projet de l’INEE a mené à une consultation qui a permis aux acteurs de l’éducation de présenter des mémoires. Nous faisons l’hypothèse que cette consultation donne lieu à de nombreux arguments et prises de position. Notre communication repose donc sur l’analyse de ces mémoires et consiste à dégager différentes catégories d’acteurs qui adhèrent à des conceptions particulières de l'évaluation en éducation.
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Communication orale
Réduction des inégalités ou performance des systèmes éducatifs : Analyse de l’évolution des débats et négociations dans le canton suisse de GenèveBarbara Fouquet-Chauprade (Université de Genève), Sonia Revaz (Université de Genève)
Dans le canton de Genève (Suisse), le débat sur le rôle de l’école dans la lutte contre les inégalités sociales est vif en particulier dans l’enseignement secondaire I (la dernière étape de la scolarité obligatoire. Depuis les années 1960, celui-ci est organisé en filières : les élèves sont séparés en fonction de leurs résultats scolaires lors de la dernière année de l’enseignement primaire. Ce choix, qui repose sur l’idée communément partagée que les élèves apprennent mieux dans des groupes de niveau, ne satisfait pourtant pas l’ensemble de la classe politique et des agents scolaires.
Les divisions sur cette question ont donné lieu à une réforme en 2011 qui a vu un Parlement extrêmement polarisé. Le consensus élaboré reposait sur le principe de filières « non hiérarchiques ». Bien que celui-ci eut apaisé la classe politique, il n’a pas résolu le problème des inégalités à l’école, qu’il a même renforcées. Face à cet échec, une nouvelle réforme du secondaire I est actuellement en cours d’élaboration, ravivant ainsi les débats sur la lutte contre les inégalités.
Cette communication propose de mettre en perspective les débats tenus dans le cadre des deux réformes et d’observer comment ils ont évolué en une décennie. Nous proposons plus particulièrement de questionner la place des agents scolaires (ici, les enseignants et les syndicats) dans ces débats et d’observer les négociations entre la lutte contre les inégalités et l’injonction de performance.
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Communication orale
Quelle place pour les enseignants face aux nouveaux modes de gouvernance de l’école ? Une revue critique de la littérature scientifiqueVincent Dupriez (UCLouvain)
Cette communication s’intéresse à l’autonomie professionnelle des enseignants au sein de systèmes éducatifs de plus en plus caractérisés par de nouveaux modes de gouvernance tels que le recours au marché, à la reddition de comptes et aux données probantes. Plus précisément, à partir d’une revue de la littérature scientifique internationale, nous montrons comment ces nouveaux modes de gouvernance affectent considérablement le groupe professionnel enseignant en produisant un déplacement des bases de la confiance, une division verticale du travail accrue et, au final, une menace envers le jugement professionnel enseignant. A l’instar d’une ‘scoping review’, cette contribution veille principalement à organiser les arguments et à proposer une relation de sens entre l’affaiblissement des « Etats éducateurs » et le développement de nouveaux modes de gouvernance s’appuyant davantage sur des dispositifs techniques - tels que les référentiels, les standards, les indicateurs, les palmarès et les contrats - que sur un projet politique adossé à des finalités.
Tout en actant la diversité des dispositifs et de leurs usages en fonction des systèmes éducatifs, il ressort de cette analyse le constat d’une multiplication des sources et des logiques de sollicitation des enseignants, conduisant à une complexification du champ scolaire. Nous soutenons en tout cas que ces dispositifs ont tendance à restreindre l’autonomie professionnelle des enseignants et à réduire la confiance envers eux.
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Communication orale
Des résultats scolaires aux exigences d’équité et d’excellence: Une analyse historique de l’accroissement de la reddition de compte et de ses instruments en Ontario de 1993-2017Eliane Dulude (Université d’Ottawa)
Les récentes politiques d'équité qui visent à susciter de nombreux changements systémiques pour assurer la réussite éducative de tous les élèves semblent entrer en tension avec la prise en compte des systèmes de reddition de comptes. À titre d’exemple, certaines études ont montré que les acteurs scolaires répondent stratégiquement aux pressions exercées pour augmenter rapidement les résultats (ex. : activités de préparation aux tests). Nous illustrerons la manière dont les politiques ontariennes d’équité ne cherchent pas à réduire les pressions susceptibles d’influencer le climat scolaire ou à remettre en cause les pratiques institutionnalisées comme source d’iniquités, mais semblent plutôt élargir l’objet de reddition de compte et le nombre d’instruments mis à la disposition des acteurs scolaires pour évaluer leurs actions. Nous examinerons l’utilisation des données qui sert d'appui à la responsabilité interne des acteurs scolaires (de nature morale ou professionnelle) et externe (diversification des publics à qui ils doivent rendre des comptes). Nous exposerons certaines tensions que cela peut provoquer chez les acteurs scolaires. D’une part, ils sont toujours tenus d'administrer les tests standardisés et d'en utiliser leurs résultats pour rendre des comptes à l’égard de la réussite scolaire et sont, d’autre part, maintenant imputables d’assurer un climat équitable en éliminant les obstacles systémiques qui ont un impact négatif sur l'apprentissage des élèves.
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Communication orale
Construire une école inclusive : sources de l’action publique et mise en œuvre institutionnelle dans deux contextes nationaux. Les cas de Genève et du QuébecMélanie Savioz (Université de Genève)
L’école inclusive est un enjeu fort pour l’école de demain. Cette nouvelle politique vise non seulement plus d’équité mais aussi plus d’efficacité. Elle soulève donc des interrogations théoriques sur la manière d’envisager l’institution scolaire, ses principes et le rôle des acteurs présents. De ce fait, cette proposition de communication vise à étudier les dynamiques de construction de l’école inclusive dans deux contextes nationaux : Genève (Suisse) et Québec (Canada).
À partir d’un questionnement ancré dans l’analyse de l’action publique sur la place des acteurs qui y participent et de leur conception de l’inclusion, nous articulons deux questions. La première concerne l’émergence du référentiel de l’école inclusive au Québec et à Genève ; la seconde, la façon dont les acteurs s’emparent de ce référentiel, l’articulent à leurs réalités et aux finalités performatives de l’école. Ainsi, en répondant à ces questions, nous montrons les négociations qui ont lieu dans la construction d’un consensus politique.
L’hypothèse de recherche est que ce référentiel se transforme sous le poids des consensus politiques et qu’il diffère alors entre les deux contextes. De plus, on peut supposer l’existence de tensions entre les finalités démocratiques et performatives présentes dans l’école inclusive.La méthodologie, comparative et qualitative, consiste en une analyse documentaire des sources légales et des débats parlementaires sur l’école inclusive dans les deux contextes.