Informations générales
Événement : 89e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 500 - Éducation
Description :Dans la discipline scolaire « français », le récit occupe une position privilégiée en tant qu’objet d’enseignement des compétences langagières tout au long de la scolarité. En ce qui concerne la lecture d’œuvres littéraires, au Québec, les enseignants du primaire, du secondaire et du collégial choisissent massivement des genres narratifs pour développer les capacités langagières, réflexives et créatives des élèves et des étudiants (Dezutter, Babin et Lépine, 2020). En ce qui a trait à l’enseignement et à l’apprentissage de l’écriture, les récits fictionnels, mobilisant l’imaginaire, et les récits sollicitant le vécu s’inscrivent dans des configurations scolaires anciennes (Reuter, 2019), mais qui se transforment au gré des époques et des pédagogies (Bishop, 2004). Plus largement, raconter et se raconter sont au cœur des processus de transmission culturelle à l’école et hors de l’école (Petit, 2014), y compris par le biais de l’oralité. Le statut et le rôle des récits, oraux et écrits, reçus et produits, sont aujourd’hui de plus en plus problématisés au regard de la reconnaissance des valeurs éducatives des cultures minorisées. En tant qu’objet disciplinaire, « le » récit reste prioritairement une catégorie analysée sous l’angle des typologies discursives, des caractéristiques génériques (Daunay et Denizot, 2007) ou narratologiques. De ce fait, les contenus socioculturels, anthropologiques et idéologiques véhiculés par les récits sont plus rarement interrogés en didactique du français. Ils sont encore moins souvent mis en relation avec les significations, singulières et collectives, que leur confèrent les enseignants et les élèves. Ces significations ne s’intègrent plus forcément dans de grands récits (idéologiques, religieux, mythiques) qui contribuaient à instaurer un sens et à instituer les rapports de chacun envers sa communauté. Nos sociétés pluralistes sont traversées de récits multiples et parfois contradictoires. Il est de la responsabilité des chercheurs, des formateurs et des enseignants de considérer de manière critique les récits qu’ils transmettent, ceux qu’ils infléchissent et ceux qu’ils élaborent. Quels rapports, fictionnalisés ou non, à soi-même et aux autres, véhiculent ces récits? Quelles manières d’être, de penser et d’agir rendent-ils possibles? En quoi contribuent-ils à interroger l’identité narrative des sujets, singuliers et collectifs? Pour les didacticiens, les récits peuvent être aussi des instruments méthodologiques permettant d’accéder aux significations que les acteurs élaborent (le récit de vie, l’autobiographie de lecteur) ainsi que des moyens idoines de présenter leurs travaux (Brillant-Rannou et al., 2021). Après la description et l’analyse, l’interprétation des résultats consiste souvent à mettre en intrigue les diverses significations que les chercheur‑se‑s dégagent à partir des nombreuses données recueillies. Les récits opèrent à différents niveaux et moments de l’activité de recherche en didactique du français.
Date :- Marion Sauvaire (Université Laval)
- Ophélie Tremblay (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Kathleen Sénéchal (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Isabelle Gauvin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Stephanie St-Onge (Université Laval)
Programme
Axe 1 – Les récits comme outils méthodologiques
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Communication orale
L’esthétigramme comme trace des récits de lecteurs : méthodologie et finalitésAmélie Lemieux (UdeM - Université de Montréal)
Dans cette communication, je présenterai les assises théoriques et méthodologiques sous-jacentes à l’utilisation de cartographies participatives appelées « esthétigrammes » employées en classe de français au deuxième cycle du secondaire. Cette présentation s’appuiera, entre autres, sur les résultats de l’utilisation de ce dispositif, à l’intention didactique et méthodologique, employé auprès de sujets-lecteurs adolescents amenés à lire une œuvre de la littérature québécoise migrante et à visionner son adaptation filmique. Ces esthétigrammes laissent des traces des récits de lecteurs, lesquels nous partagerons avec les collègues didacticien(ne)s du français. Parmi les retombées scientifiques, nous notons : 1) des façons de répertorier les postures interprétatives des sujets-lecteurs, et 2) une manière d’aborder la notion de récit par les démarches méthodologiques de cartographies participatives.
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Communication orale
Écrire et réviser des récits fictionnels en contexte numérique. Quelles traces de la subjectivité?Eleonora Acerra (UQAT - Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue), Pascal Grégoire (Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue)
Cette communication se propose d’interroger un corpus de récits fictionnels recueilli auprès de 24 élèves de 1re année de secondaire de deux écoles québécoises dans le cadre du projet de recherche « Apprendre à corriger ses textes en contexte numérique » (FRQSC-MEQ, 2021-2024). Interrogés au prisme des travaux sur la lecture littéraire, ces formes d’« écriture de la réception » (Le Goff et Fourtanier, 2017) seront analysées dans le but d’observer comment s’exprime la subjectivité de la lecture et quels « gestes appropriatifs » (Shawky-Milcent, 2020) sont mis en œuvre dans les différentes étapes de construction du texte. Deux objectifs sont notamment poursuivis. Le premier consiste à décrire et analyser, d’une part, l’organisation et la structure des textes produits, d’autre part, le traitement de l’extrait initial et notamment les sélections, les reprises et les variations opérées par les élèves. Le deuxième, valorisant les spécificités numériques du corpus, vise à interroger le processus d’écriture. Recueillis à l’aide de deux logiciels (Panopto et Inputlog) qui enregistrent les actions réalisées à l’écran lors des périodes d’écriture, les récits produits dans le cadre du projet peuvent être étudiés du point de vue de leur genèse (Le Goff, 2008). Dès lors, nous chercherons à déterminer si les choix d’écriture, révision et réécriture des élèves sont une manière d’effacer, occulter ou en encore de mettre en relief certaines manifestations de la subjectivité.
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Communication orale
Lire de la bande dessinée ou lire une bande dessinée : Approches en tension de la « littérature graphique »Camille Schaer (Université de Lausanne)
Parmi la diversité des récits travaillés dans les classes, la bande dessinée occupe une place encore bien limitée (Dezutter, Lépine et Babin 2020) et lorsqu’elle est abordée, on peut se demander si elle l’est comme un récit littéraire (avec des images) ou comme un autre média. N. Rouvière pointe plusieurs obstacles qui entravent l’enseignement du média « pour lui-même », comme « littérature graphique à part entière » (Rouvière 2012 : 19). Or il nous semble que l’expression « littérature graphique » comporte une tension qui tiraille l’objet d’étude entre ces deux perspectives.
La recherche-action que j’ai menée dans quatre classes suisses du degré secondaire a consisté à observer des séquences d’enseignement dédiées à la bande dessinée (construites avec la chercheuse) et à recueillir les témoignages des enseignant·e·s et de leurs élèves. Ces données montrent l’ambivalence évoquée. D’un côté, on vise à étudier la BD en tant que média doté de spécificités propres (analyse d’image, rapport texte-image, etc.). De l’autre, on vise la lecture d’une œuvre graphique en tant que récit, en tant qu’histoire (selon le terme d’une enseignante). Si ces deux approches ne s’excluent pas, ma communication tentera d’examiner les enjeux et les tensions qui les sous-tendent. Dans la mesure où l’enseignement de la BD est intéressant dans une perspective multimodale (Boutin 2012), on se demandera quelles compétences les élèves peuvent acquérir par le biais de cet apprentissage.
Dîner
Axe 2 – Les récits dans les pratiques des enseignants de français : corpus et dispositifs expérimentés
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Communication orale
Les attraits du livre dans les albums narratifs disponibles aux futurs enseignants : une exploration tirée d’une étude de casRachel Deroy-Ringuette (UdeM - Université de Montréal)
Les textes narratifs, nommés aussi les « textes qui racontent », font partie des prescriptions ministérielles pour enseigner la compétence « Lire des texte variés » au primaire (MELS, 2009). Dans le cadre de notre recherche doctorale, nous avons développé une grille d’évaluation des albums basée sur de nombreux critères didactiques, dont les types de textes selon la typologie d’Adam (1992, 2015). Nous avons ainsi évalué un échantillon aléatoire d’albums disponibles à la didacthèque de l’Université de Montréal (n=175). De cette étude de cas, nous avons remarqué qu’environ deux-tiers des albums (n=117) sont de type narratif. Nous souhaitons ici poursuivre l’analyse de ce corpus d’albums narratifs en observant et en croisant d’autres critères évalués : les attraits du livre (Saricks, 2005; 2009). Des six attraits compris dans notre grille, nous en retenons quatre, soit le registre, les personnages, le cadre et le rythme, puisqu’ils sont connexes à certains des éléments de La progression des apprentissages pour le primaire (MELS, 2009). Nous jugeons que cette analyse secondaire des données (Duschesne, 2017) permet de constater plus finement dans quelle mesure les albums disponibles à la didacthèque évaluée répondent aux futurs besoins didactiques des étudiants à la formation initiale, et ce, en accord avec les principes de développement de collection en bibliothéconomie qui concerne l’adéquation de la collection aux besoins de la communauté servie (Johnson, 2014).
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Communication orale
Reconnaitre et valoriser l’héritage culturel des Premiers Peuples par l’usage du récit de vie en classe de français à l’école primairePatricia-Anne Blanchet (UdeS - Université de Sherbrooke), Constance Lavoie (Université de Sherbrooke)
Pratique dialogique couramment utilisée en classe de français, le récit de vie fait partie des genres oraux à dominante narrative à expérimenter dès le premier cycle du primaire (MELS, 2011). Chez les Premiers Peuples, il un joue rôle essentiel pour garder vivantes les traditions (Unesco, 2014). Ainsi, les savoirs, savoir-être et savoir-faire véhiculés par ce mode de transmission intergénérationnelle, relèvent d’un riche héritage culturel (Archibald, 2008). Des recherches-actions menées en milieux scolaires autochtones ont permis de révéler le potentiel pédagogique du récit de vie en se basant sur l’expertise d’enseignantes et d’ainées. Les résultats de ces études ont mené à l’élaboration d’un modèle pédagogique du récit de vie inspiré des traditions autochtones et susceptible de bonifier l’enseignement de la compétence orale au primaire (Lavoie et Blanchet, 2019). La modélisation proposée comporte trois phases se déclinant en stratégies de préparation, de réalisation et d’intégration. Enseigné de façon explicite et structurée, le récit de vie peut contribuer au développement de la littératie, favoriser l’écoute active et stimuler l’échange, tout en provoquant la réflexivité tant personnelle que collective.
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Communication orale
L’écriture de textes identitaires dans une classe du 3e cycle du primaire : développer le gout d’écrire en passant par la connaissance de soi et des autresCéline Renaulaud (Université Laval)
« Raconter constitue probablement le moyen le plus quotidien et le plus universel de mettre en forme son expérience vécue, la rendant par là même intelligible à soi-même et à autrui » (de Ryckel and Delvigne 2010). En effet, les récits de vie sont à la fois des objets de savoirs médiateurs participant à la construction identitaire de leurs auteurs (Ricoeur, 1985) mais aussi des vecteurs de transmission culturelle (Petit, 2014) qui permettent d’élaborer du sens sur les plans individuel et collectif. Partant de l’idée que le récit soutient le développement cognitif et la construction identitaire (Bucheton, 1997), nous avons mené notre recherche doctorale dans une classe de sixième primaire à Québec et avons proposé aux élèves d’écrire des textes fondés sur leur vécu, des textes identitaires, la démarche visant, entre autres, à développer chez eux un rapport à l’écrit positif. L’analyse qualitative des textes produits, et celle des entretiens sur le rapport à l’écrit menés en parallèle, nous a permis de constater que l’écriture de textes identitaires est un outil didactique motivant, les élèves ayant évoqué leur intérêt pour les situations d’écriture proposées, leur plaisir à écrire sur eux, avec authenticité, la prise de conscience de leur capacité à écrire davantage et mieux qu’ils ne le croyaient, mais aussi leur plaisir à découvrir les autres, et la fierté d’être une communauté de scripteurs, les élèves ayant le sentiment d’être passés du statut d’élèves à celui d’auteurs.
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Communication orale
Apports d’une pédagogie de l’écriture créative poétique slam et de l’écriture sur soi dans des contextes variésAmal Boultif (Université d’Ottawa)
Dans cette communication, nous présentons la synthèse de deux projets de recherche que nous avons réalisés autour d’ateliers d’écriture créative inspirés du slam (Boultif, 2017) menés avec des élèves du primaire en Haïti (Port-au-Prince) et avec des élèves du secondaire au Québec (Montréal). Nous commencerons par problématiser autour des écrits sur soi et nous parlerons de leur intérêt pour susciter la motivation et l’engagement des élèves en écriture (Bucheton et coll., 2014). Dans un premier temps, nous présenterons les participants, les dispositifs et les contextes. Dans un second temps, nous nous intéresserons aux textes produits, durant les ateliers d’écriture créative slam et dans lesquels des élèves francophones, d’ici et d’ailleurs, se racontent et décrivent leur quotidien, évoquent leurs aspirations, tout en nous faisant part de nous leur vision du monde (Bautier, 1997).
D’une part, nous présenterons quelques résultats de l’analyse des thématiques, et d’autre part, des résultats en lien avec l’engagement des élèves et avec le développement de leur identité de scripteurs et leur créativité à l’écrit. Nous conclurons par une réflexion qui portera sur l’écriture sur soi comme relai du monde intérieur des sujets scripteurs et comme levier pour aider à l’évolution de l’identité des sujets scripteurs (Barré-De Miniac, 2015).