Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Enjeux de la recherche
Description :La recherche et la formation en éducation inclusive visent à dégager et à mettre en œuvre des pistes pour lutter contre les inégalités sociales et l’exclusion et favoriser une éducation de qualité pour tous (Prud’homme, Duchesne, Bonvin et Vienneau, 2016). Or, il arrive que celles-ci causent plutôt des inégalités en négligeant certaines populations ou au contraire en se concentrant sur d’autres. On peut alors se questionner sur la responsabilité du chercheur-formateur et son impact tant sur la recherche qu’il effectue que sur la formation qu’il donne.
La posture prédominante attendue du chercheur-formateur est qu’il montre son objectivité en tout temps. Or, il faudrait définir ce qu’on entend par objectivité, celle-ci ayant une part de subjectivité (Van der Maren, 1995). À l’opposé, le développement de la recherche critique demande que le chercheur ait un vécu similaire aux populations qu’il étudie, car alors il les comprend (Connor, Ferri et Annamma, 2016). Enfin, certains chercheurs se retrouvent à la croisée des chemins et face à des dilemmes de métier quant à leur posture, qui peut s’appuyer sur un vécu personnel et/ou professionnel.
Dans un cas comme dans l’autre, la posture adoptée par le chercheur transparaîtra à travers ses choix théoriques et méthodologiques de même que dans la formation qu’il donnera. On peut s’interroger sur le fait que ces choix puissent par la suite créer de l’exclusion ou être mal interprétés une fois transférés sur le terrain. On peut par exemple penser à Wolfensberger qui, dans un article en 1983, fait une mise au point et rebaptise et reprécise son concept-phare de normalisation.
Les contributeurs.trices à ce colloque partageront des expériences de recherche-formation et des réflexions abordant l’un ou l’autre de ces enjeux et mettant en lumière l’importance pour les chercheur.e.s-formateur.rice.s de prendre conscience de leurs postures et des rapports de pouvoir que ces dernières contribuent à maintenir ou à transformer.
Date :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- France Beauregard (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Sophie Camard (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Corina Borri-Anadon (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Programme
Posture du chercheur en éducation inclusive : apport de l’expérience personnelle
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Communication orale
Vécu personnel: impact sur mes choix théorique et méthodologiqueFrance Beauregard (UdeS - Université de Sherbrooke)
Lors de ma maîtrise, je fus rapidement confronté aux déclarations de parents d'enfants ayant un vécu similaire au mien avec lesquelles j'étais parfois d'accord et d'autres non. Ils me faisaient part aussi de leurs émotions (inquiétudes, frustrations, etc.) émotions que je vivais également lors de la collecte de données. Cette étape m'a amené à réfléchir au cadre théorique sur lequel je voulais m'appuyer pour ma recherche doctorale qui tiendrait compte de mon intégrité parentale sans pour autant me faire accuser d'impartialité quant à l'interprétation des résultats. J'ai donc pensé à différentes mesures à mettre en place pour m'assurer que les résultats de ma recherche représentaient bien ce que les participants m'avaient dit. Jusqu'à ce que je réalise que mon vécu de parents pouvait alors être facilement oublié alors qu'il est l'essence même de cette recherche et de toutes celles que j'ai effectué par la suite. Cette communication est un partage de mes réflexions sur l'impact de mon vécu personnel en regard de mes choix théoriques et méthodologiques.
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Communication orale
Quelle posture pour le parent-chercheur?Sophie Camard (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Paradoxe : on vous recherche pour votre vécu et votre connaissance expérientielle (dans mon cas parent d’un enfant ayant un TSA), mais on vous demande de le gommer quand vient le moment de formaliser le processus de recherche pour lequel vous pourriez être un participant potentiel. Voire on vous le confisque, comme dans le cas extrême de Chantal Lavigne. Nous élargirons sur le fait qu’heureusement, un certain nombre de paradigmes et d’outils méthodologiques permettent désormais d’assumer plus facilement de telles postures, notamment plus militantes. Et la formation universitaire réserve à ces méthodologies et positionnements une place encore trop marginale. En outre, si l’avénement des disability studies peut s’avérer une chance pour des personnes dans mon cas et faciliter le maintien d’une certaine posture non-« objectivisée », l’inscription dans ce champ est à double-tranchant. D’aucuns, appartenant au champ- notamment sa partie critique- estimeront que n’ayant pas moi-même de diagnostic confirmé précis, je n’y ai pas ma place, et qu’en tant que parent, je maintiens la confiscation de la voix de mon enfant et ceux dans le même cas. D’autres rendront cette posture difficile à tenir et la questionneront en permanence. Quelle place alors pour le parent-chercheur dans le champ de la collaboration école-famille et de la question du handicap? Doit-il se limiter à certains choix en termes ontologiques, épistémologiques et même méthodologiques?
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Communication orale
Être une chercheuse inclusive : réflexion sur les tensions et défis qui y sont associésMarie-Élaine Desmarais (Université de Saint-Boniface)
Cette communication vise essentiellement le partage de deux réflexions d’une chercheuse en début de carrière. La première concerne l’influence d’avoir un petit frère exceptionnel dans ma construction identitaire professionnelle et ma posture actuelle de chercheuse. La seconde s’intéresse aux tensions existantes entre son objet de recherche, la pédagogie universelle et l’inclusion scolaire, et les standards actuels du métier de chercheur auxquels il faut se soumettre pour publier, obtenir de subventions, etc. La présente communication vise d’abord le partage de ces deux réflexions, puis l’échange avec les participants pour mieux comprendre leur vécu respectif. Il est souhaité que cette discussion puisse mener à des pistes de solution pour réduire ces tensions.
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Communication orale
Grand témoin Mme Anik Larose, Directrice générale, Société québécoise de la déficience intellectuelleAnik Larose (Société québécoise de la déficience intellectuelle)
La conférencière représente le pont entre le milieu pratique et la recherche.
Elle réagit aux différentes communications.
Dîner
Posture du chercheur en éducation inclusive : perspectives critiques
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Communication orale
Enjeux propres de la recherche avec des personnes sourdes : entre recherche participative et éducation inclusive, comme méthode de recherche et objet de formationSylvain Letscher (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Plusieurs enjeux ou défis sont liés au type de recherche participative où le chercheur est impliqué dans le milieu de collecte de données, en observation-participation, par exemple. Beaupré, Letscher, Point et Milot (2017) ont soulevé quelques pistes de solution en réponse à des défis méthodologiques de la recherche participative liés à l’inclusion scolaire d’élèves ayant des besoins particuliers : le cadrage de la recherche, l’accessibilité aux élèves, la communication avec les élèves, la disponibilité des participants, le respect du statut de co-chercheurs des participants, le respect de l’éthique, l’incertitude et la continuité. L’analyse proposée lors de cette conférence fait ressortir ces enjeux propres de la recherche avec des personnes sourdes, ou des élèves sourds, à travers la dimension de l’éducation inclusive.
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Communication orale
Réponse à l’intervention : source légitime d’exclusion scolaire des élèves en situation de handicap pédagogique et réductrice des rôles de l’orthopédagogue en contexte d’inclusionNathalie Trépanier (UdeM - Université de Montréal)
Les années 2000 marquent l’arrivée de la réponse à l’intervention (RAI) pour remplacer les évaluations axées sur les déficits ou les difficultés des élèves en situation de handicap pédagogique (SHP). Prenant la forme de programmes qui s’arriment souvent à une offre de services multipaliers, la RAI se conjugue à ladite nécessité que les enseignants fondent leurs actions sur des données de recherches probantes et que leur formation initiale et continue s’orientent en ce sens. Touchant à la fois les interventions sur la langue d’enseignement, les mathématiques et les comportements prosociaux, la RAI en arrive jusqu’à supplanter le programme général de formation et ses finalités, sous prétexte que ses programmes sont développés par des chercheurs.
La posture que nous adoptons nous amène à considérer la RAI comme une légitimation de l’exclusion des élèves en SHP en nous appuyant sur : 1) les rôles de l’orthopédagogue en contexte d’inclusion scolaire qui se distinguent de ceux de l’enseignant titulaire d’une classe dite ordinaire, 2) la prépondérance de l’utilisation des données dites probantes dans l’intervention éducative par opposition notamment à la standardisation des programmes d’intervention axée sur une démarche de résolution de problèmes ou une démarche de recherche qualitative, 3) la réponse aux besoins de l’élève en SHP par l’analyse des SHP qu’ils rencontrent, par opposition à la catégorisation des élèves sur la base d’un diagnostic.
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Communication orale
De la réification des catégories des populations « vulnérables » : des obstacles à l’éducation inclusive?Corina Borri-Anadon (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Souvent définie en contraste avec l’égalité formelle, l’équité constituerait l’une des finalités de l’approche inclusive, centrée spécifiquement sur les élèves « les plus vulnérables » afin de garantir leur droit à l’éducation. Toutefois, plusieurs enjeux relatifs à la mise en œuvre de cette culture d’équité émanent des écrits. D’un côté, elle exigerait de déterminer qui sont ces « élèves vulnérables ». Toutefois, il ne suffit pas de se centrer sur « la caractérisation et le décompte des exclus » (Damon, 2011, p. 20), mais d’appréhender les processus les construisant. Dans ce sens, à partir des différentes vagues constitutives de l’approche inclusive (Ramel & Vienneau, 2016), nous définissons les processus d’exclusion comme résultant de rapports sociaux inégalitaires reposant sur la ségrégation, entravant l’accessibilité physique; sur la reproduction, entravant l’accessibilité pédagogique; et sur la violence symbolique et l’imposition d’identités, entravant la reconnaissance. D’un autre côté, les pratiques d’équité peuvent, malgré leurs meilleures intentions, contribuer à renforcer les processus d’exclusion ou encore à en faire émerger de nouveaux. Puisque l’équité repose sur une certaine catégorisation des publics, une telle visée est susceptible de contribuer à la minorisation de certains groupes d’élèves ou à l’invisibilisation d’autres. Une réflexion concertée, permettant de développer une vision commune de l’équité serait une avenue à privilégier.
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Communication orale
Bricoleuse de sens : former un patchwork social d’images fortes qui sert à conscientiser à l’importance de créer un monde plus justeAngela Aucoin (Université de Moncton)
Depuis plus de 15 ans, par ses actions scientifiques et pédagogiques comme professeure à l’Université de Moncton, Angela AuCoin vise à sensibiliser la communauté éducative à l’importance du respect de la diversité. Provenant d’une communauté francophone minoritaire, dès un jeune âge, elle réalise que le regard de l’Autre peut avoir un effet considérable sur le développement d’une personne. Le rapport à la diversité, surtout lorsqu’il s’arrête sur une image négative de la personne qui diffère de nous, se trouve au cœur de tous ses projets. Comme chercheure, elle utilise divers artefacts pour interpréter l’histoire de chacun de ses participants. Ensuite, elle procède à la création d’un patchwork d’images colorées provoquant souvent une réflexion profonde qui débouche sur un changement d’attitude et de comportement. Se trouvant actuellement dans une époque où les opinions au sujet de la diversité sont de plus en plus polarisées, la chercheure s’appuie plus que jamais sur sa posture épistémologique pour l’aider à mieux comprendre son rôle dans la création d’un monde plus juste. En somme, quel impact peut avoir une bricoleuse de sens sur la recherche et la formation en éducation à l’heure actuelle où la justice semble perdre tout son sens ?