Kozak-Holland (2011) situe la naissance de la gestion de projet à plusieurs milliers d’années, mais ce n’est qu’à partir de la moitié du siècle dernier qu’elle s’est institutionnalisée en pratique professionnelle. Dès son émergence, elle avait besoin de se nourrir de nouvelles connaissances et de nouvelles approches (Morris, 2013). Autrement dit, elle réclamait deux choses: i) la production de connaissances pertinentes, et ii) leur application concrète, notamment la mise au point d’outils et de techniques sophistiqués de gestion tels que PERT et CPM.
Ce n’est que bien plus tard que sera mise en chantier l’entreprise de produire des connaissances rigoureuses sur les projets et leur gestion (Turner et al., 2011). Le nombre de publications reposant sur un devis méthodologique scientifique — LA voie par excellence de la rigueur — explose (Turner, 2010). Dans la foulée de ce rigorisme paraîtront les premiers ouvrages de théories (Turner et al., 2010) et de méthodologies de la recherche (Drouin et al., 2013). Cette fois, la rigueur scientifique prend le pas sur la pertinence pratique en gestion de projet. Néanmoins, si certains mettent l’accent sur l’importance de la pertinence (Hällgren et al., 2012), d’autres militent en faveur de celle-ci en prenant comme prismes conceptuels et analytiques les concepts aristotéliciens de praxis (Lalonde et al., 2010) et de phronesis (Bredillet et al., 2015).
De toute évidence, le balancier est passé historiquement de l’orthodoxie de la pertinence à celle de la rigueur. D’ailleurs, les résultats d’une recension des écrits que nous avons récemment effectuée dans le Project Management Journal et l’International Journal of Project Management rendent bien compte de cette opposition.