Informations générales
Événement : 87e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Comment la pratique des arts outille-t-elle les individus à devenir des citoyens culturels, orientés vers la justice et susceptibles de faire entendre leurs voix, de partager leurs idées dans l’espace public? Les manifestations de la distance croissante entre le citoyen et les institutions publiques garantes de ses droits et soutenues par leur exercice sont nombreuses et constituent pour certains un réel danger. Or, les formes d’expression de la citoyenneté et sa corporéité dans les espaces collectifs comme l’espace public – la sphère à l’intérieur de laquelle s’exercent et s’éprouvent la critique, l’adversité, la communauté, notamment – témoignent du renouvellement de la conception qu’on peut en avoir. En cohérence avec une citoyenneté outillée pour la désaliénation, Poirier (2012) décrit une citoyenneté culturelle comme une évolution du rapport entre l’État et l’art comme mode de « construction identitaire », d’expérience d’altérité, de porte ouverte vers la sphère publique et le politique. La culture y est un vecteur de lien social appelant à « l’appropriation par les individus des moyens de création, production, diffusion et consommation culturelle » (p. 11). Cette appropriation est facilitée par la conception de dispositifs développés par des chercheurs et des créateurs qui œuvrent au sein de différents domaines artistiques dans le cadre d’incursions dans les espaces publics. Certains, sans qu’ils soient des assistants sociaux ni des agents du maintien de l’ordre, agissent comme des agents du désordre, de la lucidité, de l’esprit critique (Vincent, 2018). Ils proposent des dispositifs « pour faire avec » qui font résonner les voix multiples des citoyens afin qu’ils contribuent au grand chantier d’un espace public, suscitant un dialogue démocratique et la coconstruction d’un pouvoir collectif. Ainsi, former à la citoyenneté culturelle constitue une réponse au phénomène croissant de l’aliénation citoyenne, donnant accès à la culture et stimulant l’esprit critique.
Remerciements :Nous remercions l'ACFAS et l'UQO pour leur collaboration. Un salut particulier à tous le chercheurs et créateurs impliqués dans notre colloque car votre travail constitue une richesse pour le développement du savoir, des outils et des dispositifs visant au développement d'un dialogue démocratique et un investissement de l'espace public propice à l'émergence d'une citoyenneté culturelle affirmée.
Date :- Valérie Yobé (UQO - Université du Québec en Outaouais)
- Stéphanie Demers (UQO - Université du Québec en Outaouais)
- Catherine Nadon (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Programme
Bloc I – Citoyenneté culturelle : fondements
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Communication orale
Du paysan éclairé des Lumières au citoyen postmoderne. Vers un modèle esthétique de la culture et de la citoyennetéAlain Kerlan (Université de Lyon)
Le portrait idéal du citoyen paysan que traçait Condorcet le montrait ancré dans des savoirs et des techniques mobilisés dans son métier, allant jusqu’à la lecture philosophique dans le temps du repos. Aujourd’hui, la transformation des savoirs en banques de données a fait éclater l’unité culturelle de la citoyenneté éclairée. Mais il y a plus: c’est désormais le lien entre le modèle rationnel ou rationaliste de la culture et la citoyenneté qui est en question. Cette critique ouvre la voie vers un modèle esthétique de la culture qui met l’art et l’expérience esthétique au cœur du développement démocratique. Cette voie était déjà ouverte avec l’articulation de l’éducation, de la démocratie et de l’esthétique dans l’œuvre de John Dewey.
Le premier temps de cette communication a pour objet de proposer les bases d’un modèle esthétique de la culture, d’analyser les raisons et les nécessités d’un tel modèle, d’en discuter la portée politique. Son second temps, illustratif et réflexif, est consacré à l’analyse d’un dispositif éducatif et culturel dans lequel ce modèle trouve l’une de ses formes concrètes : celui des artistes en résidence. Son analyse permettra de montrer comment y sont en jeu des problématiques majeures pour la démocratie et la citoyenneté: l’expérience esthétique comme vecteur de la formation du sujet; comme espace d’accès à une normativité créatrice; comme exercice d’une créativité nécessaire à la préservation du sens des possibles, indispensable à la démocratie.
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Communication orale
Quel type d’apprenant citoyen dans la Cité ?Stéphanie Demers (UQO - Université du Québec en Outaouais)
La socialisation politique des individus, soit les représentations et rapports qu’ils construisent et les actions qu’ils entreprennent relativement au pouvoir, aux institutions, aux autres, est un processus qui commence dès l’enfance. Dans une perspective de praxis, il est postulé que la participation politique permet à l’individu de réfléchir au politique, de s’y autodéfinir, de choisir ses appartenances sociales et d’apprendre. Or, pour participer au politique, l’apprenant citoyen doit disposer d’agentivité, un pouvoir d’agir défini comme processus d’engagement informé par le passé et l’évaluation pragmatique du présent, mais dirigé vers l’avenir, notamment dans la capacité d’imaginer prospectivement un répertoire de possibilités alternatives (Emibayer & Mische, 1998), dans ce cas-ci, sur le plan politique et citoyen.
Or, les jeunes seraient assujettis à un important dispositif de régulation et de contrôle social, notamment en raison d’une perception chez certains adultes qu’ils représentent une menace pour l’ordre, réduisant ainsi leur agentivité et les possibilités d’apprendre à être citoyen dans la praxis. En général exclus de la participation sociopolitique ou réduits à sa simulation à l’intérieur des murs de l’école, quel type de rapports au politique les jeunes construisent-ils ?
Cette communication vise à qualifier les liens que l’apprenant citoyen peut développer dans ses interactions dans et par la Cité en déployant la typologie de Westheimer et Kahne (2004).
Bloc II – Citoyenneté culturelle au sein de l’école
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Communication orale
Cinéma et citoyenneté culturelle dans l’environnement collégial : Expérimenter les rôles d’apprenant spectateur et d’apprenant citoyenMarianne Gravel (Cégep Garneau), Christian Poirier (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
Quels sont les impacts, à la fois individuels et collectifs, du cinéma sur les individus? Poser un regard sensible sur le réel et «affiner nos perceptions» (Bergala, 2002 : 47), est-ce là des habiletés qui s’apprennent? Comment les jeunes expérimentent-ils, expriment-ils et conçoivent-ils, par le biais du cinéma, la posture d’apprenant spectateur, voire d’apprenant citoyen? Ces questions sont au cœur d’une recherche (Gravel, Poirier et Pelletier, 2018-19) dont nous souhaitons présenter les principales dimensions et quelques résultats. Située au croisement de travaux portant sur la participation et la citoyenneté culturelles (Poirier, 2017) et d’enseignements en cinéma (Gravel, 2018), cette étude porte sur le cinéma québécois au sein de l’environnement éducatif collégial et analyse ses impacts selon des dimensions aussi bien individuelle (identité, développement des connaissances, capacités d’analyse et d’interprétation, sens critique, etc.) que collective (relations intersubjectives, sentiments d’appartenance, etc.), et ce tout en cernant le potentiel pédagogique de l’outil cinématographique. L’analyse repose sur une méthodologie de nature mixte, plus précisément un questionnaire diffusé au sein de l’ensemble de la communauté étudiante d’un cégep de la région de Québec, des groupes de discussion réalisés auprès d’étudiants placés durant une session dans la situation d’un laboratoire de visionnement de type «ciné-club» ainsi que de professeurs de l’institution d’enseignement.
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Communication orale
La prise de parole silencieuseYves Amyot (Centre Turbine)
Le centre Turbine propose des dispositifs où la prise de parole dans l’espace public émerge d’un parcours où le processus de création est prioritaire. Ce parcours s’inspire de pratiques artistiques et se développe avec les caractéristiques et les désirs des participants. L’objectif de départ n’est pas dirigé vers la finalité, c’est-à-dire la prise de parole dans un réel lieu public. On se questionne plutôt sur les différents lieux où l’on retrouve l’espace public dans le processus de création. Est-ce que le public, qui peut-être une ou des personnes et/ou un lieu, sont des points repères et des références dans nos actions individuelles et personnelles dans le processus de création d’une œuvre ? Quel est le rôle du public, dans notre espace intime dans la création artistique et comment influencent-ils nos décisions et nos actions ? Est-ce que le processus de création est constitué de prises de parole dans un espace public virtuel, c’est-à-dire en potentialité? Ces questions m’amèneront à investiguer un deuxième lieu de réflexion, celui de la création qui fait appel à la prise de parole silencieuse ou plutôt d’une prise de parole qui est centrée sur l’écoute. J’aborderai ces questions par le biais des projets réalisés par le centre Turbine. Je terminerai la présentation avec quelques pistes de réflexion sur les effets et les retombées pour les participants, les artistes et l’espace public dans ces postures de création.
Bloc II (suite) – Citoyenneté culturelle au sein de l’école
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Communication orale
L’exploration artistique comme catalyseur d’un processus d’apprentissage inductif en classe d’accueil au primaireStéphanie Demers (Université du Québec en Outaouais), Carole Fleuret (Université d'Ottawa), Geneviève Lessard (Université du Québec en Outaouais), Catherine Nadon (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Cette présentation relate l’usage des arts visuels comme catalyseur d’un processus d’apprentissages inductifs dans le contexte de classes d’accueil du primaire. Ainsi, il est question de présenter les résultats d’une recherche collaborative visant à étudier les méthodes pédagogiques favorisant le sentiment d’intégrité et d’agentivité chez les élèves minorisés. Dans un premier temps, il est proposé de définir quelques activités réalisées. Ces descriptions permettent d’expliciter le rôle qu’ont joué les créations des élèves dans leur processus d’apprentissage. Précisons que ces œuvres visuels sont considérées à la fois comme des objets de création, mais aussi comme des pièces relevant de la documentation pédagogique. Sous ce dernier angle, la description de ces trois activités est l’occasion de présenter les photographies des élèves comme les catalyseurs d’une réflexion pédagogique interdisciplinaire en précisant comment ces images sont réinvesties dans les apprentissages de plusieurs matières. Dans un second temps, nous allons soutenir comment les explorations artistiques offre l’opportunité à ces nouveaux arrivants de capter l’essence de leur nouvelle citée selon une perspective qui leur est propre et de s’enraciner dans leur nouvelle terre d’accueil. En guise de conclusion, nous souhaitons proposer une réflexion sur les limites et les défis que représente la tenue des activités proposées.
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Communication orale
Graphisme citoyen : pratiques artistiques et construction du lien social au sein de l’école primaireCatherine Nadon (Université du Québec en Outaouais), Valérie Yobé (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Cette communication présentera les premiers jalons d’une recherche-action menée au cours d’une résidence d'artiste consacré au design social au primaire qui se tient sporadiquement depuis le mois de janvier 2019. Au cours des interventions, une classe de 5e année du primaire devient le lieu d’élaboration, de mise en pratique et de visibilité d’une certaine pratique du design social. Notre objectif, concevoir et créer des ateliers de création graphique à partir d’une approche collaborative afin de co-construire un lien social à l’école. Celle-ci, lieu de vie concret, est repensée en lien avec l’évolution des formes de vies sociales qui s’y trament et les enjeux encourus, tout en procurant une approche artistique et culturelle originale. Cette expérience immersive et collective a pour objectifs de 1) comprendre la pratique collaborative de design social dans le cadre de l’enseignement- apprentissage des arts visuels au primaire en documentant le processus de création et les dispositifs qui se développent durant cette résidence et leur rôle dans la création d’un lien social : graphistes-élèves-enseignants-communauté; 2) documenter notre participation en résidence à l’enseignement-apprentissage du graphisme citoyen et notre participation avec les enseignants-es; 3) concevoir le processus de la création d’un atelier axé sur le graphisme citoyen destiné aux élèves et aux enseignants-es du primaire en documentant sa conception, son implémentation collaborative et sa réception.
Bloc III – Citoyenneté culturelle au cœur de la cité
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Communication orale
Réinventer l’agoraMalte Martin (Agrafmobile)
Le propre du design c’est d’être un processus de conception contextuelle.
La dimension qu’on pourrait attribuer en plus au terme design social c’est pour moi la question de l’appropriation. Cela doit renforcer le designer dans son dess(e)in, dans son parti. Dans mon approche il s’agit de porter attention particulière à l’implication en amont et une appropriation concrète en aval par les usagers. C’est en cela que réside la singularité du design social.
Dans le cadre de ce colloque, plusieurs projets seront présentés. Le cas du pôle Molière, équipement de services publiques dans une cité de banlieue en reconstruction par un programme d’ANRU, pose la question de l’appropriation. La transdisciplinarité est peut-être une deuxième caractéristique que je trouve souvent dans des projets de design social. Le meilleur moment du design social c’est celui qui augmente la capacité des usagers à agir eux-mêmes. L’expérience du collectif FAITES! dans le cadre du programme «Réinventons nos places» à Paris illustre ce nouveau type de chantiers. Le collectif sur la Place des Fêtes était composé par des designers graphiques, architectes et designers de service. Au lieu de produire chacun « sa propre spécialité » en graphisme urbain, construction de mobiliers ou design de service, le projet commun s’est cristallisé autour de la création et mise en pratique d’un outil d’appropriation pour les acteurs locaux…un design producteur de communs.
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Communication orale
Catalyseurs urbainsSinisha Brdar (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Catalyseur (n.m.) Élément, événement ou personne qui induit, déclenche et accélère un changement.
Les centres d’artistes et les pratiques artistiques en milieu urbain sont de puissants catalyseurs urbains. La présence de l’art et des artistes en ville a des impacts structurants au niveau social, politique, économique et spatial - ils changent la perception des lieux, remettent en question qui fait la ville, remettent en question nos modes d’usage de l’espace et remettent en question la temporalité de la vie urbaine. Ils génèrent de nouvelles collectivités, de nouvelles temporalités, de nouvelles activités, de nouvelles potentialités et de nouvelles urbanités.
Issu d’un travail de recherche sur la notion de catalyseur urbain et d’une analyse approfondie de 100 études de cas, cette communication propose un regard sur les diverses manifestations de la présence de l’art et des artistes en ville comme des catalyseurs urbains sous quatre registres essentiels de l’urbanité : Capacité d’action - Qui? Temporalité - Quand? Programmation - Quoi? Modes opératoires - Comment?
Bloc III (suite) – Citoyenneté culturelle au cœur de la cité
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Communication orale
Des étudiants québécois expérimentent le théâtre de rue au Brésil: une appropriation esthétique de l’espace public dans une autre pays.Cunha Oliveira Ney Wendell (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication porte sur une étude des expériences en théâtre social vécues par des étudiants qui ont participé du stage international au Brésil « Arts vivants afro-brésiliens » en 2017 et 2018 à la ville de Salvador à Bahia. Ce stage a eu l’objectif d’offrir une formation théorique et pratique sur les éléments des arts vivants afro-brésiliens qui sont réutilisés par les étudiants dans leurs créations artistiques et techniques en théâtre au Québec. Pendant trois semaines, les étudiants en jeu de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM ont eu la chance de se familiariser avec les arts visuels, la musique et la danse afro-brésilienne ainsi que les présentations populaires de rue en théâtre social. L’étape plus importante de cette expérience a été la conception, la préparation et la présentation d’un spectacle de théâtre de rue dans les quartiers défavorisés à Salvador. Les étudiants sont incités à apprendre comment créer et mettre en pratique les codes esthétiques et pédagogiques du théâtre social à partir des enjeux culturels d’une communauté. Dans la séquence de cette communication, on partagera d’abord les outils de création en théâtre social suivant le but d’appropriation esthétique de l’espace public avec la présentation dans la rue. Pour conclure, on parlera des aspects du changement du regard des étudiants sur l’expérience de s’approprier de l’espace public afin de vivre leurs formations en tant que citoyens créateurs.
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Communication orale
Dans quelle mesure la production de vidéos numériques sur des problèmes sociaux peut-elle participer au développement de la compétence citoyenne des adolescents?Mathieu Bégin (TÉLUQ - Université du Québec)
La recherche présentée vise à évaluer les compétences médiatiques d’adolescents, dans un contexte de production d’une vidéo sur la cyberintimidation. Les compétences médiatiques évaluées se déclinent en trois grandes catégories : informationnelles, citoyennes et artistiques. Les résultats de la recherche se fondent sur l’analyse thématique des discours de 75 adolescents, récoltés dans le cadre d’activités de scénarisation de vidéos sur la cyberintimidation, dans 14 maisons de jeunes du Québec. Ils montrent que les compétences artistiques initiales des adolescents sont celles qui les motivent à s’engager dans un projet de production vidéo sur un problème social. Nos résultats montrent aussi une limite des compétences informationnelles des adolescents, qui remettent peu en question les discours dominants sur les problèmes sociaux et s’en qui tiennent majoritairement à leurs propres représentations cognitives comme fondements informationnels. Les résultats illustrent également le fait que les adolescents sont motivés par l’idée d’entrer en relation avec un public par l’entremise de leur vidéo, mais qu’ils ne pensent pas cette relation en termes de transformation sociale. En conclusion, nous défendrons l’idée que les futurs efforts d’éducation aux médias devraient impérativement veiller au développement des compétences citoyennes des adolescents, c’est-à-dire assurer qu’ils soient conscients du potentiel de transformation sociale de leur production vidéo lors de leur publication.