L’arrivée d’Uber sur le marché mexicain et québécois a bousculé l’industrie du taxi et semble redessiner les contours du statut d’indépendant. Si Uber se présente comme une société de mise en relation entre conducteurs et passagers, dont les chauffeurs sont partenaires et non-salariés, une série d’éléments invitent à penser que son rôle s’étend au-delà de la simple application. En témoignent notamment les diverses mobilisations individuelles ou collectives déclenchées à son encontre par les chauffeurs à différents endroits du monde (France, États-Unis, Royaume-Uni notamment). En s’appuyant sur l’analyse des contrats de partenariat, de forums de chauffeurs et d’entretiens avec des chauffeurs au Mexique et au Québec, cette proposition vise à mieux comprendre les liens effectifs qui unissent Uber et ses chauffeurs et à saisir les formes de contrôle de l’activité exercées par Uber sur ces derniers.
Au Québec, les chauffeurs sont liés à Uber par un contrat de prestation définissant les obligations de chacune des parties. Alors que l’ensemble des risques inhérents à l’activité sont laissés aux chauffeurs, Uber exerce sur eux un contrôle indirect via la notation en sous-traitant au client l’appréciation du service et d’une certaine manière le contrôle de l’activité, ses notes pouvant déboucher sur la désactivation des chauffeurs. Outre la notation, les normes imposées par Uber aux chauffeurs pourtant indépendants sont multiples : fixation des tarifs, définition de l’activité de travail, détermination de l’outil de travail et de normes comportementales, pouvoir de sanction. Par ailleurs, les chauffeurs québécois se trouvent dans une situation de forte dépendance économique à l’égard de l’application, unique sur le marché.
Dans le cas du Mexique en général, et dans la ville de Mexico en particulier, c’est aussi un contrat commercial qui unit Uber et le partenaire, qui est le propriétaire du véhicule par lequel le service est fourni. Parfois, c’est le partenaire qui conduit ; mais souvent, il loue le véhicule à un tiers qui en sera le conducteur. Dans ce cas, le conducteur doit s’inscrire auprès de la société comme opérateur, mais, comme dans le cas des partenaires, il n´y a pas de relation d´emploi formelle. Cependant, comme au Québec, l’absence de relation d’emploi du point de vue contractuel n’empêche pas Uber d’effectuer la plupart des fonctions propres aux employeurs, avec un degré élevé de contrôle sur les processus de travail.
In fine, au-delà de l’absence formelle de reconnaissance d'une relation d’emploi entre Uber-et ses partenaires-chauffeurs, cette communication cherchera à montrer de manière comparative ce qui se joue, dans les deux pays, derrière la façade de la relation commerciale.