48 - Formation des chercheurs francophones en éducation : enjeux et défis

La production scientifique québécoise en sciences humaines et sociales a augmenté d'environ 50% en 10 ans, témoignant de la vitalité de l'activité scientifique dans ce domaine, dont celui de l'éducation. Cette production est destinée à des chercheurs, mais aussi à des intervenants. Dans une telle perspective, les programmes de doctorat en éducation doivent, entre autres, développer des compétences en recherche quantitative chez les étudiants diplômés pour qu'ils puissent mener, à leur tour, des recherches innovantes, mais aussi transformer les données de cette recherche et les critiquer. Ces compétences à développer chez les étudiants au doctorat seront abordées dans cette présentation.

Pour introduire cette présentation, nous commencerons par rappeler brièvement les exigences spécifiques à la recherche qualitative, ce qui nous permettra dans un deuxième temps d'identifier quelques éléments de réflexion relatifs à la formation à la recherche qualitative. La recherche qualitative évolue de façon dynamique et comprend une pluralité de méthodes et d'outils technologiques à chaque étape de son déroulement. À partir de ces caractéristiques principales, nous déduirons des éléments de compétences qui nous semblent incontournables pour former les étudiants de doctorat par à méthodologie.

La recherche mixte a de plus en plus la cote en éducation. Toutefois, son utilisation est malheureusement peu appuyée comme s'il s'agissait d'une mode ou d'une nécessité. Or, il n'en est rien. Les méthodologies mixtes, car il y en a plusieurs, ont leur propre raison d'être, ainsi que leurs propres critères de validité. La présente conférence a donc pour objectif de bien circonscrire les connaissances essentielles pour un étudiant au terme de ses études doctorales en ce qui a trait aux méthodes mixtes, soit de comprendre les origines et les fondements de ces méthodes, de connaître les différentes formes de méthodes mixtes ainsi que les conditions d'utilisation et de qualité.

La recherche-action qualifiée d'émancipatrice s'inscrit dans une démarche collaborative avec les acteurs praticiens afin de répondre à une situation professionnelle, et ce, tout en produisant un savoir théorique, praxéologique ou expérientiel. La personne chercheuse occupe alors deux postures : accompagnatrice-formatrice et accompagnatrice-chercheuse. Dans une telle perspective de recherche, le chercheur est appelé à développer un savoir agir nécessitant le développement d'une dynamique relationnelle, qui suppose une certaine subjectivité, ainsi qu'une dynamique rationnelle qui assure l'objectivation des résultats. Nous discuterons donc des éléments clés à apprendre en formation doctorale.

Face à l'obligation d'une recherche d'amélioration des résultats, les milieux scolaires souhaitent appuyer leurs choix pédagogiques sur des pratiques éprouvées par la recherche. Le milieu scolaire est prêt à collaborer afin de développer et de mettre en œuvre des projets de recherches répondant aux besoins. Pour ce faire, les chercheurs devront être en mesure de maitriser le pilotage de projets et de développer des liens favorisant la collaboration entre tous les acteurs impliqués, d'où l'importance d'une formation adéquate des futurs chercheurs dans le cadre de leurs études doctorales. La mise en place de relations adéquates et fortes sera un facteur gagnant et permettra des avancés fructueuses pour favoriser la réussite des élèves.

Dans le cadre de ma tâche de professeure rattachée à PEFORMA, qui est une structure partenariale entre l'Université de Sherbrooke et 61 collèges du Québec (St-Pierre, 2009), la recherche-action (Guay et Prud'homme, 2011; Savoie-Zajc, 2011) et la recherche-action-formation (Couture, Bernardz et Barry, 2007) sont jugées particulièrement pertinentes pour provoquer des changements dans les pratiques et pour soutenir le développement professionnel. M'appuyant sur ma pratique de chercheuse et des artefacts de la recherche, notamment dans le cadre d'une recherche-action-formation visant l'amélioration continue du processus d'évaluation des compétences dans une approche collaborative, la présente communication souhaite faire fait état des compétences interpellées et mises en jeu lors de la conduite d'un projet de recherche-action-formation (RAF) avec le milieu de la pratique. Quelles sont les compétences d'un professeur chercheur en éducation afin de conduire un tel projet de recherche en collaboration avec le milieu de la pratique ? En nous référant à des référentiels de compétences d'un enseignant universitaire (Brassard, 2012; IPM, 2005) et des compétences ciblées par l'Association canadienne des études supérieures (ACÉS, 2014; Rose, 2012), nous tenterons de cibler les compétences complémentaires et transférables liées à la gestion d'un projet de recherche collaborative que doivent développer de futurs chercheurs en éducation.

La recherche en éducation fait preuve d'un dynamisme remarquable. Malgré tout, il apparait que les connaissances issues de la recherche sont encore relativement peu utilisées par les enseignants (Williams et Coles, 2007; Burns et Ysseldyke, 2009; Kretlow et Blatz, 2011). Cette situation est préoccupante puisque l'utilisation des données probantes afin d'améliorer les pratiques enseignantes est considérée comme étant un des facteurs déterminants de la réussite scolaire (Coalition for Evidence-Based Policy, 2003; Dagenais, 2007). Pourtant, la question du transfert de connaissances issues de la recherche dans les milieux de pratique est quasi absente de la formation actuelle des étudiants aux cycles supérieurs en éducation. Cette présentation vise donc à exposer les connaissances et compétences qu'il serait souhaitable de développer chez les futurs chercheurs afin d'accroitre les retombées de leurs projets de recherche. Des moyens concrets seront également suggérés afin de faciliter l'intégration de ce domaine en émergence dans la formation des étudiants aux cycles supérieurs en éducation.

Dans la foulée des grands questionnements sur l'avenir des doctorants et leur contribution à la société québécoise, des étudiantes se sont lancées dans l'aventure « Thèsez-vous? ». Ce projet, porté et mené par des étudiantes entourées d'une équipe solide et interdisciplinaire, ont réussi à faire le pont entre engagements académiques et entrepreneuriat social. Plusieurs leçons peuvent être tirées de cette expérience, dont l'importance accordée à la cohérence de la démarche, à l'établissement de partenariats ciblés, ainsi qu'à l'acquisition d'une reconnaissance de la part d'institutions établies. Alors que la carrière académique n'est plus la seule option possible de façon générale pour les doctorants, les alternatives méritent d'être discutées. Il importe de reconnaitre que ces diplômés peuvent devenir des vecteurs importants d'innovation, voire des entrepreneurs prolifiques.



En 2006, dans son rapport annuel, le Conseil supérieur de l'éducation proposait une vision où « la recherche et la pratique pourront s'éclairer et s'enrichir mutuellement » pour assurer  l'évolution du système d'éducation et l'amélioration des pratiques éducatives (CSÉ, 2006). Les programmes de formation doctorale dans les facultés d'éducation s'investissent beaucoup dans la formation à la recherche et dans la formation par la recherche. Quelle est la place de la pratique et quel est le rôle du chercheur dans cette triade ?

Plusieurs rapports récents remettent en question la formation doctorale en sciences humaines (White Paper on the Future…2013) ou encore suggèrent un élargissement des compétences (ADESAQ, 2015) à développer aux cycles supérieurs tous domaines confondus.  Ailleurs, on s'interroge aussi sur le nombre grandissant de chercheurs que l'on forme en éducation et leur insertion dans le marché du travail. Avec en toile de fond ces réflexions, notre présentation abordera les enjeux d'une reconfiguration nécessaire (?) de la formation à la recherche en éducation et abordera les questions suivantes : Faut-il revoir les contenus de formation et les profils de sortie ? De quelle manière se repositionner ?

Dans la perspective d'une recherche scientifique et éthique capable d'intéresser les praticiens de première ligne, d'inspirer et de fonder leur action, se pose la question d'identifier clairement les sources des problématiques, les méthodes pertinentes (il n'est pas vrai que l'on peut faire n'importe quoi à propos de n'importe quoi) et les modes de formation à la recherche. Ce qui implique que les facultés et les départements investissent dans la sélection ou la formation de professeurs, issus de la pratique éducative et spécialisés dans les méthodes de recherche. Celles-ci sont un objet d'étude et de recherche spécifique (leur pertinence, leurs forces et leurs faiblesses) et non pas le complément à une tâche d'enseignement incomplète pour un spécialiste d'une discipline ressource à l'éducation.

La promotion de l'éducation en langue française en milieu minoritaire a été entravée par la pénurie de travaux de recherche pertinents en matière de politiques et de programmes, l'insuffisance des données de qualité, le manque d'efficacité dans la communication et la diffusion de données factuelles.  Pour accroître le rayonnement de cette éducation, les facultés d'éducation devront mettre en place diverses stratégies relatives à la formation des chercheurs.  Et, la première stratégie passe par le personnel enseignant de l'école en milieu minoritaire : « un outil  de survivance, de production identitaire, de reproduction sociale, d'appartenance, d'acculturation, de maintien de la communauté. » (Faucher 2001).  Cet enseignant qui aura acquis des compétences en recherche par sa formation initiale et son perfectionnement professionnel  pourra  contribuer à l'avancement de l'espace francophone minoritaire et par la suite considérer un diplôme de troisième cycle pour une carrière de chercheur.

La Haute école pédagogique du canton de Vaud (HEP Vaud) a mis en place une politique volontariste en matière d'amélioration continue de la qualité de ses recherches. Parmi les mesures structurelles on peut citer les pourcentages de « temps recherche » ainsi que le perfectionnement aux méthodes R&D et outils de la recherche. Dans ce contexte, un référentiel de compétence serait aidant pour les chercheurs lors d'actions de formation ciblées et de bilans personnalisés. Il faciliterait également l'évaluation de l'impact des mesures structurelles mises en place dans le cadre de la « transformation intégrée et réfléchie de la HEP conduisant à une universitarisation de son fonctionnement. »