540 - L'accompagnement : une piste prometteuse pour contrer le mal-être et favoriser un développement professionnel plus serein au travail ou en formation

Comme maints professionnels, les ergothérapeutes aspirent à exercer une profession qui incarne les valeurs qu'ils chérissent. En pratique cependant, ils rencontrent des barrières les empêchant d'agir en conformité avec celles-ci. Ce faisant, certains vivent de la détresse éthique, laquelle correspond à une situation où un professionnel sait ce qu'il doit faire pour agir éthiquement, mais rencontre des barrières l'empêchant d'agir selon sa conscience, ce qui lui occasionne une détresse psychologique. Une étude a été menée pour recueillir les perceptions d'ergothérapeutes des barrières à l'actualisation de leurs valeurs. À cette fin, un devis phénoménologique a été choisi et 26 ergothérapeutes ont été rencontrés dans le cadre d'entrevues individuelles semi structurées. Les participants affirment rencontrer des obstacles, de nature systémique, interpersonnelle ou personnelle, limitant une pratique respectueuse de leurs valeurs. Alors que certains participants rapportent avoir vécu ou vivre de la détresse éthique, d'autres expriment leur préférence pour un terme moins chargé émotionnellement. Aussi, plusieurs participants mentionnent que l'accompagnement éthique serait un moyen à privilégier pour les aider à surmonter ces barrières et à se prémunir contre la détresse éthique. Bien que les résultats soient, en général, conformes à ceux rapportés dans les écrits en nursing, ils documentent des aspects de la pratique ergothérapique peu documentés à ce jour.

En tant que ars cooperativa naturae, la relation d'aide du professionnel de la santé avec un usager table sur la coopération avec la nature puisque la réussite de l'intervention est tributaire de caractéristiques et dispositions de la personne aidée. Lorsque certains comportements de l'usager perpétuent ou amplifient ses problèmes, le professionnel peut se questionner sur sa compétence et son habileté à maintenir la relation de confiance, par exemple, quand il estime que le patient est dangereux pour lui-même. L'inquiétude génère des sentiments qui le déstabilisent et le font souffrir aux plans professionnel et personnel. Un accompagnement approprié du professionnel se révèle alors d'une grande utilité, en raison du soutien psychologique, de la distanciation de la situation et des connaissances susceptibles d'orienter sa conduite. Diverses ressources existent : les autres membres de l'équipe et les collègues de l'établissement, ainsi que les normes juridiques et l'inspiration de l'éthique. En matière de relation d'aide, la loi énonce les droits des personnes concernées, identifie les interlocuteurs et précise les obligations des différents acteurs. L'éthique vise le bien total de l'usager, pas seulement la dimension clinique de sa condition. Elle fournit des valeurs et principes pour éclairer les enjeux des situations complexes. Ces ressources d'accompagnement aident le professionnel à redevenir un acteur efficace, à être un peu plus qu'un accompagnateur impuissant du tragique.

Le système éducatif français est entré dans une démarche de refondation depuis 2012. L'amélioration du climat scolaire est ainsi devenue l'un des enjeux majeurs de sa politique publique en matière d'éducation (Debarbieux, 2015). La question du bien-être à l'école est traitée selon une approche qui vise à prévenir les problèmes plutôt qu'à les éviter. Parallèlement, la Loi de la refondation de l'Ecole promeut une Ecole tout à la fois "exigeante et bienveillante" (MEN, 2013). Les textes qui lui sont reliés demandent aux enseignants de développer des pratiques d'accompagnement de leurs élèves afin de permettre à tous de développer pleinement leur potentialité. Partant de la contextualisation des orientations ministérielles, l'objectif sera de clarifier et de caractériser la bienveillance comme orientation éthique de la relation des enseignants, dans le cadre de l'accompagnement de leurs élèves. Au travers de ses différentes dimensions (intentionnelle, relationnelle, affective et attentionnelle), nous définirons la posture bienveillante en accompagnement en l'inscrivant dans la perspective de l'éthique professionnelle et nous préciserons en quoi elle peut être génératrice de bien-être tant pour les élèves que pour les enseignants.

Accompagner, c'est initier une rencontre, cheminer avec un autre plus fragile, plus vulnérable. C'est être du côté de ceux qui invitent et se faire passeur et soutenir autrui dans un passage important de sa vie. Nous espérons que la confiance que nous lui témoignons lui permettra de se faire confiance, d'acquérir plus de liberté morale, de développer son sens des responsabilités, d'accéder à une plus grande maturité. Les questions qui touchent à la confiance sont centrales lorsqu'on accompagne des personnes qui n'ont pas toujours connu le bonheur de rencontrer des personnes fiables. Ces personnes ont la méfiance facile. Et même la défiance facile : elles vont défier le responsable en position d'autorité pour savoir si on peut lui faire confiance. Beaucoup de problèmes relationnels proviennent d'un bris de confiance. Une confiance hésitante freine les élans vers demain. Une confiance angoissée ruine la liberté. En effet, comment se sentir libre avec des personnes dont les comportements sont imprévisibles ? Lorsque les liens de confiance sont établis, il devient plus facile d'exercer son libre-arbitre, de prendre des décisions responsables et éclairées. Toutefois, un accompagnement peut être porteur de conflictualité inconsciente, d'écueils, de tensions. Lorsqu'un lien de confiance est brisé, il n'est pas toujours facile de le rétablir. Les multiples facettes des liens de confiance dans une relation d'accompagnement doivent être clarifiés.

L'accompagnement du développement professionnel dans des cadres formels, informels et non formels vise à soutenir le développement de la personne du professionnel et en particulier le développement de son savoir-être et de son savoir-devenir. Selon Paul (2009), l'accompagnement fournit un cadre souple mais structurant au plan psychologique et social face au stress, à l'anxiété, au mal-être, au manque d'efficacité de la personne en contexte de formation ou de travail. L'accompagnement peut aussi être  considéré comme un filet de sécurité dans des contextes difficiles et complexes. Les démarches d'accompagnement favorisent l'intégration par la personne du professionnel des différents savoirs nécessaires à l'exercice de son travail par la création d'un espace transitionnel. Il s'agit d'un espace dans lequel des narrations, des dialogues et des analyses d'expériences sont exprimées, examinées et comprises autrement, sans entrer toutefois dans une forme qui s'apparenterait à une thérapie. Il importe également de rendre compte de cette démarche à la lumière du cycle de la vie professionnelle : entrée dans la carrière, stabilisation, maintien, second souffle, désengagement. Une modélisation des pratiques possibles d'accompagnement en fonction de ces phases, des besoins et des retombées de l'accompagnement sur les partenaires de la relation sera mise en relief afin de rendre compte de certaines particularités propres à chacune des phases.