En 1988, en pleine crise du sida, Douglas Crimp édite un collectif intitulé AIDS: Cultural Analysis/Cultural Activism. Dans ce collectif paraît l’article « Is the Rectum a Grave? », écrit par Leo Bersani. Cet article s’inscrit, d’une part, dans la tradition des études gaies et lesbiennes telles qu’elles ont été développées au cours des années 1970 — dans son étude Bersani s’appuie sur un cadre théorique freudien. D’autre part, « Is the Rectum a Grave? » a eu une très grande influence sur le développement de la théorie allosexuelle (queer) dans les années 1990. Dans son texte, Bersani propose de penser la sexualité comme étant « anticommunal, antiegalitarian, antinurturing, antiloving ». Il situe ainsi l’expérience et les pratiques sexuelles dans un contexte antisocial et antirelationnel. Les théories de Bersani seront reprises notamment par Lee Edelman qui, dans son livre No Future: Queer Theory and the Death Drive (2004), poussera la logique de la thèse de l’antisocialité vers ses extrêmes limites en l’inscrivant cette fois-ci dans le cadre de la psychanalyse lacanienne. Edelman dirige ses attaques contre une idéologie basée sur un futurisme reproductible ou du reproductible, donc une idée du futur centrée sur une valorisation exagérée et une obsession de la reproduction. Ce futurisme du reproductible est symbolisé par la figure de l’enfant. Cette figure contribue à produire, à rendre intelligible et à légitimer, par exemple, des politiques conservatrices qui défendent le patriarcat, la famille, l’hétéronormativité et donc l’immobilisme social. L’attaque contre l’enfant est ainsi une attaque contre un système conservateur de reproduction humaine, sociale, politique, culturelle et historique. Dans le cadre de ce colloque, nous invitons des chercheurs en littérature, en cinéma, en art, en études culturelles et en théorie à réfléchir sur les théories de Bersani et d’Edelman dans le cadre des études allosexuelles (queer).
Du mercredi 11 au vendredi 13 mai 2016