406 - Les pratiques dérogatoires : conflits, indisciplines et représentations des idéaux de l'intervention dans les milieux professionnels
- Mercredi 7 mai 2025
Responsables
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Pierre Pariseau-Legault
UQO - Université du Québec en Outaouais
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Lisandre Labrecque-Lebeau
CREMIS
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Audrey Bujold
UQO - Université du Québec en Outaouais
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Sandrine Vallée-Ouimet
UQO - Université du Québec en Outaouais
L'effritement du tissu social, la précarité des services publics et les appels managériaux à la conformité confrontent bon nombre d’intervenant·es à des situations qui les placent aux frontières de leurs idéaux de pratique. Dans ce contexte, plusieurs d’entre elleux sont appelé·es à prendre des décisions qui entraînent un acte ou un sentiment de transgression envers les normes établies. Ces pratiques que nous qualifions de dérogatoires caractérisent le quotidien de plusieurs domaines d’intervention, par exemple de l’éducation, de la santé, ou de l’intervention sociale et communautaire.
Les pratiques dérogatoires soulèvent des enjeux éthiques, légaux et professionnels complexes. D'une part, elles permettent une réponse plus flexible à des situations inclassifiables, mais d'autre part, elles remettent en question l'autorité des normes établies et la légitimité même de l’intervention. Parallèlement, au cours des dernières décennies les acteurs sociaux et sanitaires se sont vu conférer un important pouvoir discrétionnaire pour la mise en œuvre des politiques publiques (Lipsky, 2010). Un tel pouvoir place ces acteurs dans des contextes où une « pluralité de moralités » (Massé, 2017, p. 125) coexistent et se heurtent, entrainant une reconfiguration et parfois même une remise en question du sens et des registres d’action.
En pratique, plusieurs questions sont susceptibles d’émerger de ce constat, illustrant la pertinence d’une étude plus approfondie de la fonction, des risques et des conséquences associés aux pratiques dérogatoires : Comment les pratiques dérogatoires sont-elles justifiées ou contestées, sur le plan fonctionnel et symbolique ? Pourquoi ces pratiques parfois essentielles au fonctionnement des institutions sont-elles réprimées par celles-ci, malgré des idéaux partagés ? Comment préserver l’idéal de l’intervention en l’absence de conditions de travail adéquates ? C’est à ces questions et à tant d’autres que ce colloque tentera d’apporter différentes réponses.
Appel à communications
En raison de leur nature transgressive, les pratiques dérogatoires sont souvent informelles, dissimulées et parfois même étouffées tout en étant très peu reconnues et étudiées. Elles constituent pourtant une réalité avec laquelle doivent composer un grand nombre d’intervenant·es qui se heurtent à des contextes de pratique moralement exigeants, à une faible accessibilité des services pour la population et à des ressources limitées. Plusieurs exemples de ces pratiques peuvent être cités : les pratiques et contextes multiples du non-recours aux services, la divulgation ou la non-divulgation d'informations sensibles (qu'il s'agisse, par exemple, des pratiques de signalement, des usages de la confidentialité ou de l'alerte éthique), le refus d'obéir, d'appliquer des directives, le contournement et la négociation de certaines procédures jugées contraires au meilleur intérêt des usager·ères, le sentiment de ne pouvoir pas agir conformément à l'éthique ou la déontologie, etc.
Un évènement scientifique consacré à ces pratiques est donc essentiel afin de documenter leurs usages sociaux, c'est-à-dire leurs fonctions, finalités, risques, conséquences et autres caractéristiques. Le colloque portera sur la thématique générale des pratiques dérogatoires au sein de différents milieux professionnels. Le but de ce colloque sera de discuter des enjeux cliniques, éthiques et légaux associés à la transgression, en particulier de sa fonction, de ses effets, ainsi que des risques qu'elle pose pour les intervenant·es et les institutions. Les objectifs de ce colloque seront les suivants :
- Partager les résultats de recherche et différentes expériences ou initiatives susceptibles de favoriser une meilleure compréhension de ce qui caractérise les pratiques dérogatoires ;
- Analyser collectivement les facteurs individuels, interpersonnels, structurels, sociaux et autres éléments associés aux pratiques dérogatoires ;
- Discuter des enjeux intersectoriels et interprofessionnels, ainsi que cliniques, éthiques et légaux, associés aux pratiques dérogatoires au sein de différents milieux professionnels ;
- Élaborer un projet d'ouvrage collectif, à partir des propositions qui auront été retenues pour ce colloque.
Ce colloque (no. 406) se tiendra en présentiel et en ligne toute la journée du 7 mai 2025. Les propositions doivent être soumises au comité scientifique d'ici au 14 février via l'adresse courriel suivante : colloque406@gmail.com - Les propositions soumises doivent respecter les critères suivants :
- Comprendre un titre d'au maximum 180 caractères, espaces comprises ;
- Comprendre un résumé d'au maximum 1500 caractères, espaces comprises ;
- Indiquer le nom, le prénom et l'affiliation de tous les auteur·trices ;
- Être rédigées en français ;
- Aborder la thématique du colloque, selon différents angles.
Puisque les pratiques dérogatoires impliquent une contestation des normes établies et bien souvent la crainte de réprobation, nous encourageons les auteur·trices à discuter de l’agentivité et de l'imputabilité des acteur·trices sociaux·les et sanitaires, ainsi que de celle des personnes premières concernées, que cela concerne leurs motivations, leur raisonnement ou les effets de ces pratiques à différents niveaux. Les propositions retenues permettront de mieux comprendre les contours et les frontières des pratiques dérogatoires, en s'intéressant à leur mise en discours et aux subjectivités qu’elles évoquent. Il sera ainsi possible d’explorer les dimensions factuelles, symboliques et perçues de la transgression, de la situer vis-à-vis ce à quoi elle cherche à s’opposer, en plus de la comprendre à partir de son rapport intime aux idéaux de l’intervention et à l'identité professionnelle ou personnelle.
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