S’inscrivant dans le courant d’un renouveau des études sur la sophistique amorcé depuis les années 1950, cette présentation propose une interprétation possible de la pensée de Gorgias de Léontinoi (480-375 av. J.-C.) à partir d’une comparaison avec la pensée du philosophe contemporain Willard van Orman Quine (1908-2000). Traditionnellement considéré comme un auteur mineur dont on peut douter du sérieux de la pensée et dont la seule valeur historique est d’incarner la figure par excellence du sophiste, en raison notamment du discrédit jeté sur lui par Platon, Gorgias est l’auteur d’un traité sur le non-être composé de trois thèses qui, prises au pied de la lettre, tendent à confirmer cette opinion défavorable : 1) rien n’est; 2) si quelque chose était, ce serait inconnaissable; 3) si quelque chose était et que c’était connaissable, nous ne pourrions le communiquer à autrui. Or si ces thèses ne peuvent en effet que laisser perplexe au premier abord, une comparaison attentive avec trois thèses parallèles formulées par Quine dans les années 1950 et 1960 (la relativité ontologique, la sous-détermination empirique des théories et l’inscrutabilité de la référence) permettra de jeter une nouvelle lumière sur la pensée du rhéteur de Léontinoi et de démontrer qu’il est possible d’y déceler une conception ontologique, épistémologique et langagière complexe et subtile, n’ayant en vérité rien à envier aux théories contemporaines les plus abouties.
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