L’amour romantique moderne entre personnes représente socialement un idéal de vie heureuse et comporte nombre de traits d’une ‘vertu’, une disposition morale à bien agir inscrite dans des pratiques et possédant une dimension affective. Admettons ainsi que l’amour est une vertu : que devient-elle dans des conditions adverses d’inégalité voire d’oppression entre les sexes? Nombre de sociologue (Illouz) et de féministes de la 2e vague (Firestone) ont souligné tantôt son potentiel de reproduction de cette inégalité, tantôt la possibilité qu’au contraire il le contourne ou le subvertisse. Ainsi Lisa Tessman, dans Burdened Virtues (2005), souligne-t-elle que des vertus comme la bienveillance ou l’humilité se dissocient, dans ces contextes d’inégalités de genres, de la possibilité de vie bonne : elles deviennent des ‘vertus-fardeau’, conduisant à l’effacement de soi et l’éloignement du bonheur. Tessman ne traite cependant pas spécifiquement de l’amour, et c’est à la prolongation de son travail que nous voudrions nous livrer ici, d’abord en examinant l’amour à l’état natif (l’énamoration), puis son inscription dans la durée (la relation amoureuse), enfin le moment de son déclin (le désamour). Notre idée est que l’amour vertu-fardeau est une pratique normée, qui produit aussi bien les sujets que les objets d’amour, mais n’y parvient jamais complètement, laissant à la partie dominée une marge pour (re)devenir Soi, et à la partie dominante une opportunité d’admettre sa vulnérabilité.
Connexion requise
Pour ajouter un commentaire, vous devez être connecté.