Les possibilités de certains projets de la galaxie Wikimédia vont bien plus loin que la seule diffusion libre de connaissances, car tous les projets ne sont pas de type encyclopédique comme le plus connu d’entre eux : Wikipédia. De fait, tous ne se réduisent pas au seul savoir connu. Bien au contraire, plusieurs projets permettent l’innovation et la facilitation du travail scientifique, comme outil ou objet de recherche.
La Wikimedia Foundation, qui œuvre à la promotion et au développement des projets de la galaxie Wikimédia, est pleinement consciente des possibilités offertes par et pour la recherche scientifique dans le principe d’un cercle vertueux. Soutenue par un groupe de travail de la fondation, l’entrée Research:Index est dédiée aux échanges et à la valorisation de la recherche scientifique en relation avec la galaxie. Par cette entrée, vous accédez, par exemple, à la page Wiki Research Bibliography qui liste les travaux académiques existants. Cette page, comme les sous-pages de l’entrée Research:Index, met également en évidence l’absence d’un certain nombre de disciplines. Si les recherches en informatique, statistique, sociologie et sciences de l’éducation y ont la part belle, force est de constater que les recherches en archéologie et dans bien d’autres disciplines font défaut, de la zoologie à la chimie, en passant par la biologie, la géologie, la mécanique, la médecine, l’astronomie, la linguistique et la physique. Cet espace ne demande qu'à être investi.
Wikimedia Commons : partager des images, sons, médias audiovisuels et données JSON
En tant qu’objet de recherche, il est aisément compréhensible que le projet Wikipédia ait été largement exploré. Outre les données primaires qu’il apporte sur la construction du savoir pour les sociologues, il est également le projet le plus connu et donc le plus plébiscité. Pourtant, il n’est pas le seul projet de la galaxie Wikimédia à offrir des données. Le projet Wikimedia Commons pour sa part, est une médiathèque rassemblant l’ensemble des illustrations de la galaxie Wikimédia. Images, sons, médias audiovisuels et données JSON y sont stockés en licence libre en vue d’une utilisation sur les autres projets ou tout simplement pour un partage multilingue à l'échelle mondiale.
Si les recherches en informatique, statistique, sociologie et sciences de l’éducation y ont la part belle, force est de constater que les recherches en archéologie et dans bien d’autres disciplines y font défaut, de la zoologie à la chimie, en passant par la biologie, la géologie, la mécanique, la médecine, l’astronomie, la linguistique et la physique. Cet espace ne demande qu'à être investi.
Cette impressionnante base de données de médias est alimentée régulièrement et librement par qui le souhaite, notamment à l’occasion de concours. Celui de Wiki Loves Monuments a fait et fait encore l’objet d’études par des data scientists. À titre d'exemples, ces scientifiques examinent les données d'une étude espagnole de 2012 sur la diffusion du patrimoine culturel espagnol, et d'une étude italienne en cours en 2022 sur ce que dit le concours Wiki Loves Monuments au sujet des similarités entre pays à l’échelle internationale.
Au-delà de ce qu’il véhicule, le concours offre également l’occasion de bénéficier de données utiles à des disciplines scientifiques travaillant sur le patrimoine culturel comme l’archéologie, l’histoire de l’art, l’iconologie, etc. En effet, le téléversement des 173 039 clichés de l’édition 2021 en haute définition et mis à disposition en licence libre CC BY-SA facilite, par exemple, l’étude des bâtiments concernés tout comme leur reconstitution. Ces photographies représentent une matière première précieuse à propos des monuments, qu’ils soient disparus ou encore en place. Des start-up spécialisées en numérisation 3D de sites patrimoniaux l’ont bien compris, et emploient déjà ces bases de données pour améliorer leurs restitutions qui seront ensuite utilisées par les archéologues.
Sans en être l’objectif, ce concours est également l’occasion de rencontres entre scientifiques. C’est ainsi que l’édition 2017 de l’édition française de Wiki Loves Monuments a permis la rencontre entre un des pionniers de l’archéologie aérienne, Jacques Dassié, et l’association ArkéoTopia. De cette rencontre est né le projet de téléversement de son fonds photographique en matière d’archéologie aérienne. Autre exemple de la dimension « réseau social » à des fins académiques : la rencontre entre Jeannette Patterson et Xavier-Laurent Salvador. Maître de Conférences à l’Université Paris 13 en Humanités numériques et Linguistique médiévale, Xavier-Laurent Salvador crée le 27 décembre 2007 l'entrée « Bible historiale » sur Wikipédia. C’est cette création, mémorisée par l’onglet Historique de l’entrée, qui permettra à Jeannette Patterson de l’identifier. De cette rencontre naîtront le colloque Merleac : ut pictura Genesis en 2017 et la publication des actes en 2019.
Au-delà de ce qu’il véhicule, le concours [Wiki Loves Monuments] offre également l’occasion de bénéficier de données utiles à des disciplines scientifiques travaillant sur le patrimoine culturel comme l’archéologie, l’histoire de l’art, l’iconologie, etc. [...] Des start-up spécialisées en numérisation 3D de sites patrimoniaux l’ont bien compris, et emploient déjà ces bases de données pour améliorer leurs restitutions qui seront ensuite utilisées par les archéologues.
L'onglet Historique, la mémoire des contributions : Présent dans toutes les pages de tous les projets et souvent peu utilisé en dehors des habitués, l’onglet Historique est un outil fondamental. En effet, le système d’horodatage permet de suivre l’histoire de l’entrée dans ses moindres modifications. C’est grâce à lui que les rencontres citées précédemment ont pu se faire. Tout en assurant d’office la paternité de vos actions sur la galaxie Wikimédia, il vous permettra peut-être de rencontrer vos prochains collaborateur-rice-s sous condition que votre profil soit clairement identifiable. Au même titre que d’autres réseaux sociaux académiques plus connus, cette dimension encourage des échanges directs à un niveau international, permettant de sortir des murs de son laboratoire sans avoir à se déplacer.
WikiSource : moissonner des textes en profondeur
Ce qui précède explique le choix de la galaxie Wikimédia pour le programme WikiTopia Archives d’ArkéoTopia. Ce programme s'intéresse à l’étude d’un corpus d’archives épistolaires de plusieurs centaines de lettres échangées entre des savants du 19e siècle. L’analyse nécessitait le partage des documents sur un système ouvert afin de faciliter leur transcription et le traitement de leur contenu. Les projets Wikimedia Commons et WikiSource sont les outils parfaits pour ce programme de recherche sur l’histoire de l’archéologie en France. Ces projets offrent de nombreuses possibilités :
- l'identification du projet même par d’autres scientifiques, des propriétaires de lettres ou des passionnés souhaitant participer;
- l’horodatage entérinant la paternité de la mise en ligne;
- la solidité des contenus du fait de la forte communauté;
- l’internationalisation des données;
- la conservation de l’anonymat des propriétaires tout en rendant possible une mise en contact.
Bibliothèque numérique permettant l’édition de textes, le projet WikiSource permet la transcription d’archives et leur analyse en faisant usage d'interfaces de programmation dites API (Application Programming Interface). Cela permet la moisson et le traitement du contenu des textes en profondeur. Outre faciliter l’étude sur les origines de l’archéologie en France, ces projets-outils facilitent également des opérations de science participative. Les chercheurs amateurs n'ont pas à se déplacer dans un laboratoire, et ils peuvent travailler aux heures qui leur conviennent. Une erreur ou une idée pertinente? L’onglet Historique permet de revenir vers la personne concernée et l’onglet Discussion permet de lancer un échange.
Autre intérêt de cette pratique : les documents inédits mis à disposition peuvent être consultés et utilisés par toute la communauté. Ainsi, paléographes, historiens spécialistes du milieu du 19e siècle, archéologues spécialisés sur les encres et tout autres scientifiques, peuvent repérer des données d'intérêt pour les traiter de leur côté ou pour prendre contact avec l’association pour accéder au propriétaire. Cet accès aisé, la dimension multilingue et les autres avantages facilitent ainsi le transfert de connaissances, que ce soit entre les projets ou au-delà. Les universités de Berlin et de Leipzig l’ont bien compris et ont mis en place le projet DBpedia dont l’une des applications enrichit la récupération d’informations et de bibliographies sur le patrimoine culturel relatifs au projet JocondeLab.
Bibliothèque numérique permettant l’édition de textes, le projet WikiSource permet la transcription d’archives et leur analyse en faisant usage d'interfaces de programmation dites API (Application Programming Interface). Cela permet la moisson et le traitement du contenu des textes en profondeur.
En conclusion
Utilisant les licences libres les moins contraignantes, les projets de la galaxie Wikimédia qui intègrent déjà des outils statistiques comme stats.wikimedia.org et d’autres via WikiTech, permettent en plus l’adjonction d’API rendant la manipulation des données extrêmement précises, notamment depuis l’arrivée du projet Wikidata. Ce dernier offre une structuration des données qui étend encore un peu plus les possibilités de la galaxie. Un bel exemple de ces nouvelles possibilités est donné par le Projet Environnement et Changement climatique Canada, 100 ans de données météorologiques en accès libre. À présent que les 26 millions de données météorologiques gouvernementales ont été importées dans Wikimedia Commons, le traitement des données par l'usage de Wikidata et le requêtage SPARQL permet à tous les météorologues de questionner ce patrimoine météorologique.
Ajoutons en mot de la fin, qu'en tant qu’outils de recherche tout autant qu’objets de recherche, les projets de la galaxie Wikimédia représentent également un support pédagogique de première qualité pour la communauté étudiante. De fait, que vous soyez géographe, historien, archéologue, zoologue, sociologue, physicienne, astronome ou de toute autre discipline scientifique, les projets de la galaxie Wikimédia ont de quoi vous surprendre et vous ouvrir des possibilités insoupçonnées. À l’ère de la science ouverte, ils représentent un nouveau modèle pour la collaboration scientifique.
Ajoutons en mot de la fin, qu'en tant qu’outils de recherche tout autant qu’objets de recherche, les projets de la galaxie Wikimédia représentent également un support pédagogique de première qualité pour la communauté étudiante. De fait, que vous soyez géographe, historien, archéologue, zoologue, sociologue, physicienne, astronome ou de toute autre discipline scientifique, les projets de la galaxie Wikimédia ont de quoi vous surprendre et vous ouvrir des possibilités insoupçonnées. À l’ère de la science ouverte, ils représentent un nouveau modèle pour la collaboration scientifique.
Bibibliographie
- Barbe, Lionel, Louise Merzeau, et Valérie Schafer, éd. Wikipédia, objet scientifique non identifié. Sciences humaines et sociales. Nanterre: Presses universitaires de Paris Nanterre, 2015. http://books.openedition.org/pupo/4079.
- D. M. Lowe, N. M. O'Boyle, R. A. Sayle: Efficient chemical-disease identification and relationship extraction using Wikipedia to improve recall. In: Database : the journal of biological databases and curation. Band 2016, 2016, S. , DOI:10.1093/database/baw039.
- Posada, Emilio José Rodríguez, Ángel González Berdasco, Jorge A. Sierra Canduela, Santiago Navarro Sanz, and Tomás Saorín. "Wiki Loves Monuments 2011: The Experience in Spain and Reflections Regarding the Diffusion of Cultural Heritage", Digithum 14, 2012, p. 94 104.
- D. Butler, “Publish in Wikipedia or perish”, Nature, 2008, DOI:10.1038/news.2008.1312
- Bibliographie des études académiques publiées sur les projets de la galaxie Wikimédia : https://meta.wikimedia.org/wiki/Wiki_Research_Bibliography
- Jean-Olivier Gransard-Desmond
ArkéoTopia
Jean-Olivier Gransard-Desmond est directeur de recherche chez ArkéoTopia, association française d’archéologie, et chercheur associé au laboratoire CNRS Archéologie et Archéométrie (UMR 5138) de Lyon. Icono-archéologue, ses principaux travaux sur la relation homme-animal se sont tournés vers l’Égypte préhistorique et la Syrie antique. Il est également très actif dans le domaine de la médiation scientifique, de l'éducation et de la défense de la recherche archéologique.
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