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Louis Bélanger, Université Laval

L’un des plus grands services qu’un directeur ou directrice de recherche peut rendre à son étudiant-e est de l’aider à renforcer sa confiance en soi. C’est une façon de l’outiller pour faire face au stress lié à la critique et aux évaluations, car c'est là la nature même de la démarche scientifique, notamment avec la formule de l’évaluation par les pairs. Apprendre à vivre avec la critique est fondamental pour trouver une certaine sérénité dans le travail de recherche.

Louis Bélanger
Source : Université Laval

Manon Blécourt : Comment percevez-vous l’évolution dans l’initiation des étudiants au métier de chercheur? Quels sont, par exemple, les éléments qui se sont modifiés entre le moment où vous étiez étudiant-e et l’enseignement à la recherche valorisée aujourd’hui?

Louis Bélanger : En écologie et en foresterie, le contexte de la recherche s’est profondément modifié depuis trente ans avec l’acuité de la crise environnementale et l’ampleur du débat social sur l’aménagement des écosystèmes naturels. Le transfert des nouvelles connaissances vers les gestionnaires et les décideurs représente un enjeu de taille, notamment lorsque notre société s'engage dans l’élaboration de nouvelles politiques et stratégies d’aménagement durable du territoire. Les dossiers de la foresterie autochtone, des milieux humides et des aires protégées en sont des exemples récents. Dans ce contexte d’urgence, le ou la jeune chercheur-e est directement interpellé-e par la société afin de contribuer aux solutions. De ce fait, il ou elle apprécie être conforté-e quant à l’intérêt et à l’utilité de sa contribution scientifique quant à la problématique environnementale à laquelle il ou elle contribue.

Comme aménagiste, j’en suis venu à fortement apprécier la formule de la recherche-action pour encadrer l’initiation des étudiant-e-s gradué-e-s à la recherche dans des situations d’innovation institutionnelle en matière de développement durable. Cette approche se fonde sur un dialogue constructif entre les gestionnaires, les groupes sociaux et les scientifiques dans le but de bâtir une représentation commune du problème et de là expérimenter des solutions face aux enjeux ciblés. C’est ce qu’on appelle l’apprentissage collaboratif. Le processus pose toutefois des défis pour l’étudiant-e lorsqu’il se retrouve à œuvrer dans des conditions de résistance au changement chez certains intervenants ou décideurs. Mon but est d’assurer une formation scientifique rigoureuse tout en valorisant leur autonomie intellectuelle et leur leadership dans un contexte de diversité des valeurs et des aspirations.

Manon Blécourt : Comment abordez-vous avec vos étudiants-es les évaluations, les concours et les différentes épreuves et exigences auxquelles ils ou elles doivent faire face?

Louis Bélanger : L’un des plus grands services qu’un directeur ou directrice de recherche peut rendre à son étudiant-e est de l’aider à renforcer sa confiance en soi. C’est une façon de l’outiller pour faire face au stress lié à la critique et aux évaluations, car c'est là la nature même de la démarche scientifique, notamment avec la formule de l’évaluation par les pairs. Apprendre à vivre avec la critique est fondamental pour trouver une certaine sérénité dans le travail de recherche.

Pour y arriver, j’aime bien la formule suivant laquelle il faut toujours travailler sérieusement, mais sans jamais se prendre au sérieux. Pour bâtir sa confiance, une personne doit faire ses devoirs pour acquérir l’expertise propre à son domaine scientifique. Ceci exige temps et travail. À ce niveau il n’y a pas de raccourci. Mais cette phase est plus emballante lorsqu’on peut la réaliser en groupe avec le support de ses collègues et dans le cadre d’une vie de lab conviviale. Cette atmosphère de débat amical favorise une résilience à la critique. Il s’agit de comprendre, cognitivement et émotivement, que le débat d’idées n’implique pas une critique de la personne. Il faut apprendre à ne pas se sentir visé par la critique scientifique. À ce niveau, l’entraide est plus motivante que la compétition. Dans le contexte des grands enjeux environnementaux où le débat social est souvent acerbe, j’aime bien rappeler qu’il est sage de ne pas tomber dans le piège de la double ignorance, soit de ne pas savoir que l’on ne sait pas. Ceci permet me mettre les choses en perspective.

Manon Blécourt : Est-ce que vous voyez des différences entre l’initiation à la recherche des étudiants de maîtrise comparativement à celle des doctorant-es? Si oui lesquelles? Les enjeux sont-ils les mêmes?

Louis Bélanger : La maîtrise de recherche en sciences naturelles est généralement une grande aventure qui ouvre à l’étudiant-e un tout un nouveau monde. Il s’agit pour le directeur d’accompagner l’étudiant-e dans son exploration de cet univers et à l’introduire aux gens qui y œuvrent. J’ai l’impression que la maîtrise représente souvent la période la plus enchantée de la carrière d’un chercheur. Le moment critique de celle-ci est la rédaction du mémoire. C’est souvent là que l’aventure devient un dur labeur et une leçon d’humilité intellectuelle. C’est aussi de ce fait un moment très riche où l’échange d'idées entre le directeur et l’étudiant-e est à son paroxysme. C’est à ce moment que la notion de mentor prend toute sa signification.

Au doctorat, l’aventure devient une course à l’exploit pour la plupart des étudiant-es, une course qui exige la persévérance du marathonien. L’investissement intellectuel, émotif et financier que doit faire l’étudiant-e au cours de son parcours doctoral est hors du commun. En sciences naturelles, le défi est amplifié par les exigences du travail sur le terrain. Maintenir cet effort sur une période de 4-5 ans suppose généralement une grande passion. Soutenir cet enthousiasme et trouver les ressources nécessaires pour le ou la doctorant-e atteigne la ligne d'arrivée sont des rôles critiques pour le directeur. Ici, le moment critique est souvent en fin de parcours, lorsque la plupart des bourses arrivent à terme et que la rédaction n’est pas complétée. C’est un moment où l’appui du directeur doit être à son meilleur.

Dans le cas du doctorat, le moment critique est souvent en fin de parcours, lorsque la plupart des bourses arrivent à leur terme et que la rédaction n’est pas complétée. C’est un moment où l’appui du directeur doit être à son meilleur.


  • Louis Bélanger
    Université Laval

    « Évoluant au sein de l’Université Laval depuis 1986, le professeur et ingénieur forestier Louis Bélanger a pour principaux champs d’expertise l’aménagement intégré des forêts, l’aménagement des aires protégées et des parcs nationaux ainsi que la sylviculture.  Depuis le début de sa carrière, il enseigne dans les programmes du Département des sciences du bois et de la forêt de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, et ce, à tous les cycles de la formation. Grandement impliqué dans l’instauration du modèle d’aménagement durable des forêts, il s’est investi notamment à titre de directeur du Comité scientifique et d’aménagement du laboratoire naturel d’enseignement et de recherche qu’est la Forêt Montmorency de l’Université Laval. » Source : Université Laval.

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