Malheureusement, les critères de réussite d’un postdoctorat ne reposent pas que sur les notions acquises, mais également sur le nombre de publications de fort impact et l’intérêt que suscite notre recherche auprès de la communauté scientifique.
Quelles étaient vos attentes quant au postdoctorat?
Je termine présentement ma 5e et dernière année de recherches postdoctorales sur le cancer à l’hôpital Princess Margaret de Toronto. Ce projet fait suite à mon doctorat obtenu à l’Université McGill en 2014, qui, pour sa part, avait été entamé à la suite d’une pause universitaire de 8 ans à la suite de ma maîtrise et ce, afin de me consacrer à ma famille.
Désirant tenter ma chance en recherche académique, le postdoctorat s’est imposé comme une suite logique. Par ailleurs, en tant que mère de deux enfants, cette décision, bien que mûrement réfléchie, comportait nécessairement plusieurs sacrifices, tant personnel que professionnel. Sachant l’importance d’acquérir une expérience extérieure au lieu de la formation doctorale, j’ai entrepris un postdoctorat à Toronto. Or, désirant ne pas modifier mon implication familiale ni le milieu de vie et les horaires des enfants, j’ai aussi établi une collaboration postdoctorale avec un laboratoire à l’Université McGill. Cet arrangement permettait de revenir à Montréal toutes les semaines pour être avec mes enfants, tout en acquérant une expérience hors Québec. Limitée dans mes choix vu ma situation familiale, j’ai pris soin de sélectionner un laboratoire et des directeurs de recherche qui appuyaient totalement cette démarche. Je savais que ces années seraient difficiles, mais qu’il s’agissait d’une excellente opportunité pouvant m’ouvrir les portes pour la recherche en milieu académique, et j’étais donc prête à faire ces sacrifices.
Quels constats faites-vous aujourd’hui quant à votre parcours de postdoctorat?
L’accomplissement de ce postdoctorat a contribué à forger mon indépendance scientifique et m'a apporté l’expertise requise pour entamer l’étape suivante de ma vie professionnelle. Cependant, dès les premiers mois, j’ai rapidement senti l’urgence de performance, principalement quant à la rareté et la forte compétition pour les postes de chercheur en milieu académique. Malheureusement, les critères de réussite d’un postdoctorat ne reposent pas que sur les notions acquises, mais également sur le nombre de publications de fort impact et l’intérêt que suscite notre recherche auprès de la communauté scientifique. De plus, les très longues heures de travail au laboratoire, couplées aux voyages constants entre Montréal et Toronto, ont aussi contribué à m'épuiser. Nombreux furent les moments où j’ai remis en doute la pertinence de tous ces sacrifices qui affectaient ma vie personnelle. Heureusement, j’ai eu la chance de bénéficier d’importantes ressources financières de mon laboratoire pour faciliter mes recherches et diminuer ma charge de travail, et de la confiance et du support continus de la part de mes directeurs de recherche à Toronto et Montréal, durant mon postdoctorat mais aussi lors de mes démarches de recherche d’emploi; ainsi que d’un soutien indéfectible de ma famille, sans qui ce postdoctorat n’aurait pu être complété.
Quels conseils donneriez-vous à des doctorants envisageant d'entreprendre un postdoctorat?
Évidemment, comme le postdoctorat représente une situation transitoire entre doctorat et carrière indépendante, la première question à se poser serait : quels sont mes objectifs de carrière. Est-il nécessaire pour accéder aux postes désirés et dans quelle mesure ces postes sont-ils accessibles? De plus, le succès d’un postdoctorat demandant énormément d’investissement personnel, il se doit d’être motivé par une très grande passion. Or, bien qu’essentielles, la passion et la volonté ne sont souvent pas suffisantes. Le choix d’un milieu d’accueil engageant et d’un directeur ayant la capacité morale et financière de vous appuyer en toute confiance afin de favoriser votre indépendance professionnelle sont à mon avis des éléments tout aussi importants à considérer.
Comment envisagez-vous l’après-postdoctorat?
Alors que je fournis les derniers efforts pour terminer mon postdoctorat, je sais que les années à venir ne seront pas de tout repos. Heureusement, je possède toujours la passion pour ce que je fais sans quoi je ne pourrais voir cet avenir comme un beau défi. Par ailleurs, je suis persuadée que les leçons tirées de ces cinq dernières années, soit l’importance de s’entourer de collègues stimulants et de maintenir un équilibre entre santé, vie familiale et vie professionnelle, me permettront d’aborder mes prochaines années professionnelles avec plus d’aisance.
Le succès d’un postdoctorat demandant énormément d’investissement personnel, il se doit d’être motivé par une très grande passion. Or, bien qu’essentielles, la passion et la volonté ne sont souvent pas suffisantes. Le choix d’un milieu d’accueil engageant et d’un directeur ayant la capacité morale et financière de vous appuyer en toute confiance afin de favoriser votre indépendance professionnelle sont à mon avis des éléments tout aussi importants à considérer.
- Geneviève Deblois
Centre de recherche sur le cancer de l’hôpital Princess Margaret, Toronto
Geneviève Deblois est titulaire d’un doctorat en biochimie de l’Université McGill à Montréal. En 2014 elle entreprend un postdoctorat au Centre de recherche sur le cancer de l’hôpital Princess Margaret à Toronto. Ses recherches portent sur l’étude des mécanismes épigénétiques et métaboliques contribuant au développement de la résistance thérapeutique dans le cancer du sein.
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