Dans quelle mesure les « conduites à risques » (Le Breton, 2011) des usagers du travail social viennent-ils questionner l’idéal de co-construction (Dubasque, 2017) qui sous-tend l’évolution récente des politiques publiques et des pratiques professionnelles ? L’essor du modèle de la co-construction et la montée en puissance de la figure de l’« accompagnement » en travail social (Boulayoune, 2012) supposent engagement, réciprocité, et temporalité dans la relation d’aide (De Robertis, 2005). Pourtant, l’évolution du travail social en France, qui voit le développement des logiques de responsabilisation individuelle (Jaeger, 2009), de conditionnalité des aides (Avanzo, 2017), et la fragmentation du système de prises en charge (Ravon et al, op. Cit., 2018), semble mettre à mal cet idéal de co-construction.
Les conduites à risque des usagers du travail social, modalité d’expression de la non-demande (Warin, 2018 ; Marques, 2015 et 2018), apparaissent comme l’expression d’un échec des logiques de co-construction du travail social, et l’occasion d’une mise à l’épreuve de ces dernières. Elles interrogent les seuils de tolérance et posent la question de l’aide contrainte . Ces conduites appellent au développement de nouvelles pratiques permettant de rétablir les conditions d’un libre-choix réel de la personne accompagnée. Les modèles de réduction des risques et de « bas seuil » (Portillo Clapasson, 2005 ; Trémintin, 2016 ; FAP, 2013 ; ANSA, 2016) s’inscrivent dans cette logique.