518 - La voix du jeune à l'école : fondements et méthodes de la prise en compte du point de vue de l'élève dans les recherches en contexte scolaire

Inspirée de l'approche historico-culturelle, cette communication portera sur le questionnement critique autour de la présentation des jeunes et leur voix dans la recherche et la pratique en éducation (Daniels, Cole & Wertsch, 2007). La présentation proposera un survol des concepts clés théoriques. Une des idées centrales de l'approche est que l'apprentissage et le développement identitaire des jeunes, toujours en co-construction, se réalisent à travers l'action et la médiation d'outils culturels et/ou d'autrui. Dans cette optique, la recherche et l'interaction pédagogique avec les jeunes se font toujours en collaboration en portant une attention particulière au dialogue entre le chercheur ou l'enseignant et le jeune. Ainsi, la voix du jeune fait partie de la réalité dans lequel se trouve tant le chercheur que l'enseignant (Vadeboncoeur & Stevens, 2005). Une telle symétrie dans ce rapport encourage aussi un certain regard critique face au rôle primordial du jeune et aux défis d'interprétation de sa voix et de ses actions (Ares, 2010). Pour illustrer les défis que pose un tel cadre théorique, des exemples seront tirés de recherches impliquant des jeunes dans des programmes communautaires. Le recours à cette approche soulève plusieurs questions, notamment quant à l'interprétation des actions et du projet identitaire des jeunes, la représentation de leurs actions et prise en compte de la voix des jeunes en éducation (Best, 2007; Kincheloe & hayes, 2007).

En français, la recherche en éducation a, jusqu'à présent, accordé peu d'attention aux problématiques socio-éducatives liées à la race. Le concept de «race », considéré comme un imposteur, est invalidé dès la construction des cadres de référence d'un projet de recherche. Lorsque la terminologie raciale est utilisée pour identifier les participants d'une étude (ex: les jeunes Noirs), l'on n'aborde pas la race ou les problématiques raciales, encore moins les théories raciales, et d'autant moins les théories critiques de la race (Critical Race Theory). Cela donne lieu à un vacuum théorique en français. Or, les mots, le monde et les maux des jeunes Noirs en contextes scolaires « racialisés » ne peuvent être «lus» dans ce vacuum. Le concept de « racialisation » se présente comme un subterfuge terminologique nécessaire pour contourner l'invalidation de la « race ». Pourquoi et comment la recherche en éducation doit-elle donner voix aux jeunes Noirs en contextes de racialisation? La pédagogie critique propose des cadres de références théoriques et méthodologiques ancrées dans les théories critiques (Critical Theory) et ouvertes sur les théories critiques de la race (Critical Race Theory, CRT). La conjugaison de ces deux courants permet de comprendre pourquoi en Amérique du Nord la recherche en éducation doit considérer les contextes de racialisation (Racing Research), et comment elle pourrait le faire pour mieux donner voix aux jeunes Noirs (Researching Race).

Dans un premier temps, cette conférence entend faire un court bilan de nos recherches, menées depuis le début des années 1990, avec des jeunes de différents groupes d'âge issus de l'immigration (de 1^ère et de 2^e générations), utilisant la méthode de «l'intervention sociologique», une démarche d'analyse réflexive, sociologique et transformative menée par les jeunes et qui puise ses fondements théoriques dans la «sociologie de l'action» (Touraine, 1978) et la « sociologie de l'expérience » (Dubet, 1994), que nous mettrons en perspective. Dans un second temps, nous ouvrirons une réflexion prospective à partir de l'approche utilisée dans un projet-pilote en démarrage (Potvin et al., 2012-2013), portant sur « la voix et le regard » (Touraine, 1978) des jeunes dans une école secondaire à Montréal, dont la perspective transformative et critique vise l'implication des jeunes comme co-chercheurs et agents actifs, l'empowerment et la transformation des pratiques institutionnelles à des fins de justice sociale, rejoignant ainsi les fondements de l'éducation populaire, démocratique et antiraciste (Freire, 1972; Dei, 1996 ; Apple et Beane, 1993; Potvin et al., 2006), ainsi que de la Youth Participatory Action Research Methodology (Camarotta et Fine, 2008; Checkoway et Schuster, 2003; Delgado, 2006 ; Sutton, 2007) et de l'approche compréhensive (Weber, 1971).

Cette communication se propose d'enrichir la toile de fond théorique du colloque en explorant le point de vue des jeunes selon un angle aussi inusité qu'inattendu : le point d'écoute. En s'appuyant sur les plus récentes théories de l'écoute (M. Dolar, J.-L. Nancy), sur les travaux de l'anthropologue de l'éducation C. Wulf ainsi que sur la définition de point d'écoute originellement élaborée par M. Chion, je montrerai comment le concept d'écoute peut être utile à une exploration du point de vue des jeunes et des leurs interactions avec le monde adulte et éducatif. La communication s'appuiera cependant sur cinq situations d'apprentissage et d'évaluation élaborées dans le cadre de l'Alliance de recherche universités-communautés (ARUC) « Histoires de vie de Montréalais déplacés par la guerre, le génocide et autres violations aux droits de la personne ». Le matériel engage les élèves de secondaire 2ème cycle dans l'écoute approfondie d'histoires de vie, puis dans une activité cartographique de représentation des mots sur une carte de Montréal, une narration numérique, la réalisation d'un audioguide, etc. Il s'agit de développer chez les élèves un point d'écoute critique, noeud et passage de leur relation à l'autre. Par l'écoute, l'élève sort de soi, revient à soi en portant la voix de l'autre en soi (n'est-ce pas là d'ailleurs l'exacte définition de l'éducation ?)... Pour entendre la voix des jeunes, ne faudrait-il pas d'abord leur apprendre à écouter la voix des autres ?

Récemment, les chercheurs se sont tournés vers l'utilisation des technologies numériques pour impliquer les jeunes dans l'apprentissage des sciences (à l'école et dans des contextes parascolaires). Ces outils agissent comme espace d'expression et permettent de prendre connaissance d'autres récits que ceux dominant le domaine (Furman & Calabrese Barton, 2006; Calabrese Barton & O'Neill, 2008). Ces chercheurs ont démontré que la manipulation de la caméra par les jeunes offre des occasions de raconter leurs propres histoires et leur permet également d'utiliser diverses formes d'expression pour les représenter. Inspirées par ce moyen, nous avons conduit un projet parascolairede récit numérique et de création de courts documentaires scientifiques. Cette présentation relatera nos expériences avec sept jeunes d'un groupe de jeunes filles de de programme, un Boys and Girls Club, situé dans un quartier ouvrier d'un grand centre urbain de l'Est du Canada. Nous allons discuter des possibilités qu'offrent les médias numériques pour engager les jeunes dans l'exploration de questions liées à l'adolescence et à la culture des jeunes ainsi qu'aux nouvelles façons d'examiner le rôle de la science dans leur vie. D'autre part, nous allons explorer les limites que posent l'utilisation des médias numériques à la fois dans la participation des jeunes dans les programmes parascolaires liés aux sciences et comme méthode de collecte de données dans la recherche ethnographique.

L'ethnographie visuelle est une approche de recherche de terrain assistée par l'utilisation de la vidéo. Outre la création de films ethnographiques (Heider, 2006), l'ethnographie visuelle englobe également l'étude des aspects visuels d'une culture donnée (Wright, 2008), ainsi que l'utilisation de la vidéo comme méthodologie de recherche (Pink, 2001; Shrum, Duque & Brown, 2005). Dans cette dernière acception, l'emploi de la vidéo vise à se rapprocher de l'idéal ethnographique, qui consiste à rendre compte de ce que vivent les acteurs, selon leur propre point de vue (Pepin, 2011). Dans cette optique, l'ethnographe n'est plus le seul habilité à diriger la caméra, les participants étant également invités à filmer. La volonté est alors d'impliquer les acteurs, de faire « entendre leur voix » (Schultz, 2011), en vue de proposer des descriptions visuelles plus respectueuses de leurs multiples manières de voir les choses (Goldman-Segall, 1998). Mais dès lors qu'elle prend place en milieu scolaire, une telle démarche d'anthropologie visuelle partagée (Pink, 2007) pose un certain nombre de questions, d'ordres pratiques et éthiques. Au-delà des promesses théoriques de l'approche dans la prise en compte du point de vue des élèves, les écueils de sa mise en pratique apparaissent avec insistance. C'est ce que cette communication cherchera à illustrer, à travers le récit de problèmes de terrain rencontrés au cours d'une mise à l'essai en contexte d'entrepreneuriat scolaire.

Cette communication présente le discours d'élèves d'origine haïtienne sur leur expérience scolaire depuis la maternelle. La collecte de données, réalisée dans le cadre d'un projet doctoral, visait à documenter leur rapport à l'école et aux savoirs scolaires. La perspective du rapport aux savoirs considère que l'élève «a une histoire, traverse des expériences, interprète cette histoire et cette expérience, fait sens du monde, des autres et de lui-même» (Charlot 2003).

La méthodologie de recherche repose sur des entretiens approfondis à caractère biographique avec les participants. Il s'agit d'une biographie à plusieurs voix (Desmet et Pourtois, 1993), croisant le discours du jeune sur sa trajectoire à celui de personnes significatives de son environnement familial, scolaire et communautaire. Le discours du jeune demeure toutefois au centre de la démarche et les personnes significatives sont référées par lui et sollicitées avec son accord. Les jeunes ont également été invités compléter un bilan de savoirs sur ce qu'ils ont appris d'important (dans la famille, à l'école, avec les amis, dans leur quartier et ailleurs) à partir d'un support privilégié (texte narratif ou poétique, illustration commentée).

L'élève est acteur de son histoire, mais un acteur qui se construit dans un double processus d'identisation et identification (Tap, 1988). La communication discutera de la part de l'autre (famille, enseignants, pairs, médias, etc.) dans la voix et la trajectoire des jeunes.