L’avant-garde a-t-elle un sexe? Si nous pensons qu’il dépasse en théorie les catégories de genre, le concept d’avant-garde reste le plus souvent associé à un imaginaire masculin dans la culture visuelle et littéraire. Centrée sur la figuration, métaphorique ou non, d’une posture empruntant beaucoup aux origines militaires du concept, l’écriture de l’histoire des pratiques culturelles et de l’offensive intellectuelle de l’avant-garde reste entachée d’une « virilité originelle », tandis que l’on investit la posture féminine d’une dimension exploratoire sentimentale et intime, même lorsqu’elle se positionne volontairement dans l’espace public. Ceci n’est pas sans reproduire des clichés en vogue depuis le 19e siècle qui voudraient cantonner le féminin à l’affectif et le masculin au politique. En outre, dans le discours historique en littérature, en arts ou en cinéma, les productions féminines se situent dans un champ para-artistique : les femmes « ouvrent la voie », elles montrent un « domaine nouveau », mais semblent ne pas remettre en question, comme c’est le cas pour les hommes, les conventions esthétiques et les idéologies du champ culturel − exception faite des productions à saveur féministe qui, elles aussi, sont considérées « à part ».
Réunissant des chercheurs émergents et établis, ce colloque propose d’interroger l’avant-garde de manière théorique et méthodologique en ce qu’elle constitue un système de représentations des genres sexués. Au-delà d’études monographiques, ce sera l’occasion de poser un regard critique sur l’état du discours universitaire sur les pratiques culturelles des mouvements sociaux et politiques, tant historiques que contemporains. Comment se construit un mouvement avant-gardiste dans sa réception critique? Quelle place cette réception fait-elle à la différence sexuelle? L’histoire doit-elle réinterpréter les « mouvements féminins » isolés, non plus comme des productions féministes mais comme parties prenantes d’une avant-garde mixte?