La protection et surtout la valorisation de notre patrimoine écologique constituent un pilier du développement durable. Cet aspect est ici négligé, et c’est une occasion manquée.
Nul n’est contre la vertu et il va de soi que l’énoncé de politique scientifique du Québec en matière d’innovation et de développement durable ne peut que réjouir les scientifiques qui œuvrent dans le secteur des sciences environnementales. Mais avons-nous la pleine mesure de ce qui pourrait ou devrait être fait?
Bravo pour l’électrification des transports
L’essentiel du texte porte sur l’utilisation de l’hydro-électricité, abondante et peu chère au Québec, pour réduire notre bilan de carbone notamment par l’électrification des transports publics. Ça semble tellement évident en 2013 qu’on se demande comment un gouvernement responsable n’a-t-il pas formulé ce type d’énoncé politique il y a 10 ou 15 ans. Il y a donc là une piste importante à suivre et un défi urgent en matière d’innovation technologique que les ingénieurs du Québec peuvent relever. On trouvera là aussi des défis importants en matière de gestion des réseaux de transport urbain et de planification de l’approvisionnement en électricité partout où on en aura besoin.
La PNRI vise donc un secteur particulier et certainement prometteur du développement durable en prévision du déclin des énergies fossiles et en utilisant une richesse évidente du Québec. De plus, le Québec possède une puissante société d’État qui aura tout intérêt à mettre la main à la pâte et à engager d’importantes sommes d’argent en R ET D et en collaboration avec les universités et collèges. Bravo!
Innover et créer de l’emploi en valorisant le patrimoine écologique
Mais la notion de développement durable dépasse largement le cadre de l’électrification des transports et touche une foule d’autres secteurs économiques et sociétaux où le soutien à l’innovation devrait trouver sa place. Le Québec possède sa propre Loi sur le développement durable, adoptée en avril 2006, et où il est défini comme une réponse aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. On trouve dans cette loi 16 de grands principes directeurs qui doivent guider les actions du gouvernement. La réduction de notre bilan de carbone répond sûrement à certains de ces principes, mais la protection et surtout la valorisation de notre patrimoine écologique constituent un autre pilier du développement durable. Cet aspect est ici négligé, et c’est une occasion manquée.
«Toute cette innovation "durable" pourrait se faire aisément avec les PME québécoises et parce qu’elle demanderait de faire appel à de la main-d’oeuvre de toutes compétences, on rejoindrait ainsi la "priorité emploi" dont est qualifiée la nouvelle PNRI en couverture».
De fait, il y a en matière de valorisation de nos ressources un énorme espace pour l’innovation, non seulement technologique (nouveaux outils, nouveaux procédés), mais aussi au niveau conceptuel et organisationnel. Par exemple, nous avons de pressants besoins de R&D en gestion et traitement des matières recyclables provenant des industries de transformation, en traitement et élimination de matières dangereuses, en gestion des risques environnementaux, en protection des milieux menacés par les changements climatiques (érosion des berges du Saint-Laurent, prolifération des algues nuisibles, etc.), en aménagement des territoires agricoles et forestiers (capacité support des écosystèmes surexploités), et encore bien d’autres… Toute cette innovation pourrait se faire aisément avec les PME québécoises et parce qu’elle demanderait de faire appel à de la main-d’oeuvre de toutes compétences, on rejoindrait ainsi la « priorité emploi » dont est qualifiée la nouvelle PNRI en couverture.
Ce n’est pas pleinement le développement durable
Il ne semble pas que la PNRI en matière de développement durable puisse couvrir la majorité de ces sujets qui nous apparaissent pourtant directement associés à un développement socio-économique que l’on voudra durable. Évidemment, on ne peut pas tout faire en même temps, mais restreindre l’ensemble du volet Développement durable à l’électrification des transports et à la filière des hydrocarbures nous semble pour le moins réducteur. C’est pourtant le choix que le gouvernement a fait. Peut-être que l’environnement n’est plus rentable politiquement.
Il est certain qu’un bon nombre de chercheurs universitaires québécois vont se sentir exclus des axes prioritaires de la PNRI et verront difficilement comment ils pourront y contribuer de façon constructive. Plusieurs n’y trouveront pas leur compte et ne pourront pas compter sur les Fonds de recherche du Québec pour développer leur créneau d’excellence! C’est dommage.
- Émilien Pelletier
Université du Québec à RimouskiPrésentation de l’auteurÉmilien Pelletier est professeur titulaire à l’Université du Québec à Rimouski. Spécialiste en océanographie chimique, il dirige la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie marine. [Pour une présentation détaillée de l’auteur, nous vous invitons à consulter cette page]
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