Précurseur au Canada en matière d’aide médicale à mourir (AMM), le Québec se distingue aujourd’hui comme l’une des sociétés affichant les taux de décès par AMM les plus élevés à l’échelle mondiale. Chaque année, et plus encore depuis l’invalidation de la disposition législative du Code criminel canadien relative à la mort raisonnablement prévisible en 2021, un nombre croissant de personnes recourent à cette pratique, qui a été conceptualisée au Canada comme un « soin ».
Dans une société démocratique et pluraliste comme la nôtre, où coexistent une pluralité de croyances, de valeurs et de convictions, les conceptions de ce qui constitue une « bonne mort » sont cependant aussi diverses que celles définissant une « bonne vie ». Ainsi, bien que l’AMM bénéficie aujourd’hui d’un large appui social et que la loi permet désormais aux personnes souffrantes qui en font la demande de s’en prévaloir même si elles ne sont pas encore en fin de vie (à la condition qu’elles répondent à un ensemble d’autres critères), les avis des personnes chercheuses, praticiennes, cliniciennes et militantes divergent lorsqu’il s’agit de penser cet élargissement. Parmi les nombreux enjeux sociaux, éthiques, juridiques et cliniques soulevés par la question de l’élargissement de l’AMM aux personnes qui ne sont pas en fin de vie, ceux relatifs à l’admissibilité des personnes en situation de handicap et de celles qui souffrent d’un trouble mental grave récalcitrant aux traitements figurent parmi les plus complexes et les plus délicats.
D’un côté, il ne fait aucun doute que les décisions concernant ses propres soins de fin de vie revêtent un caractère profondément intime et que les choix qui sont posés en la matière doivent être respectés. Mais d’un autre côté, il est tout aussi impératif de prendre en considération le contexte social plus large dans lequel s’inscrivent les demandes d’AMM, en particulier celles qui sont formulées par des personnes dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible et qui, parce qu’elles vivent avec un handicap ou un trouble mental grave, sont aussi victimes de formes persistantes de discrimination directe, systémique et institutionnelle qui briment ce que des personnes militantes et chercheuses ont appelé le « droit de vivre dans la dignité ». Comment s’assurer de tenir compte de cette vulnérabilisation structurelle accrue des groupes de personnes les plus stigmatisées et marginalisées de nos sociétés, tout en reconnaissant leur droit le plus fondamental à vivre une fin de vie qui soit la plus fidèle possible à leurs valeurs profondes? Comment tenir compte des phénomènes insidieux d’internalisation de l’oppression et de « préférences adaptatives », sans pour autant brimer l’agentivité des personnes concernées ? Comment penser « l’agentivité opprimée » et le libre choix, non pas l’un contre l’autre, mais ensemble?
Ce colloque consacré aux enjeux soulevés par l’élargissement de l’aide médicale à mourir au Canada depuis 2021 cherche avant tout à créer un
Remerciements
Nous tenons à remercier, pour son soutien financier, le Centre de recherche en éthique, la Chaire de recherche du Canada en éthique féministe sur la vulnérabilité et les injustices structurelles, le CRSH et le McGill Institute for Health and Social Policy.