305 - Langues et langages

Plusieurs études en métalexicographie portent sur l’idéologie dans le dictionnaire; peu s’attardent à la mise en place de ces idéologies, se contentant de mentionner au passage l’anonymat de l’énonciation. En m’appuyant sur les travaux de Rabatel (2004), ma communication analysera l’effacement énonciatif et les postures d’énonciation dans le discours des dictionnaires du XVIII^e au XX^e siècle. Je mènerai cette démonstration sur un corpus diachronique de définitions du mot nègre, mot chargé sémantiquement et symboliquement, afin de constater la progression du discours vers un effacement énonciatif total et d’illustrer le passage des lexicographes d’une posture de surénonciation (prise en charge) à une de sous-énonciation (mise à distance). Je présenterai la façon dont le lexicographe s’efface du discours par l’absence d’embrayage et de modalisation des énoncés (Maingueneau 2007), pour se donner une apparence objective. Je montrerai que les rares instances déictiques de ces discours sont en réalité semi-déictiques. En reprenant la distinction entre locuteur et énonciateur (Ducrot 1984), je porterai ensuite attention à la posture que le lexicographe prend face à son discours, qui peut en être une de sur- ou de sous-énonciation, tant au niveau de la macrostructure que de la microstructure. L’étude du mode d’énonciation des dictionnaires permet d’informer la façon dont ils participent à un discours normé et idéologique sur la langue qui, lui, influence nos représentations du monde.

Au Canada, les langues des signes (LS) coexistent dans un rapport diglossique avec les langues officielles (Dubuisson & Nadeau, 1993). Les politiques canadiennes d’accès à l’information (p. ex. : LC 2019; LC 2023; OPHQ 2007, 2019) s’inscrivent dans le champ du handicap et reconnaissent les langues des signes comme des moyens d’adaptation. Nous présentons dans cette communication une analyse de la perception des sourds canadiens sur l’accès à l’information (7 groupes de discussion, 13 entrevues, sondage mené auprès de 168 citoyens sourds) et plus particulièrement sur la formation des langagiers de langues des signes qui facilitent l’accès à l’information. Les résultats qualitatifs de l’analyse phénoménologique (van Manen, 2023), confirmés par l’analyse statistique des réponses au sondage, montrent que les politiques actuelles sont incompatibles avec les demandes des sourds, qui déplorent l’absence de reconnaissance de leur spécificité culturelle et linguistique, de leur autonomie et de leur expertise concernant leur langue, leur culture et les questions d’accès à l’information. Dans cet esprit, nous proposons un modèle de formation des langagiers des LS qui considère l’expertise et le vécu des sourds et qui place en son centre la personne sourde comme enseignante, comme étudiante et comme cliente. Le modèle vise la valorisation de l’expertise sourde, de la culture sourde et des LS et permet de satisfaire les exigences de qualification des langagiers formulées par les sourds.

Il existe plusieurs outils de correction pour le français, tels qu'Antidote et Le Bon Patron, pour ne citer que ces deux-là. Cependant, ces systèmes, basés sur des règles, peinent à saisir les spécificités des écrits en langue seconde, souvent déviants des normes (Affes et al., 2023), ce qui provoque un échec d'analyse. Cette approche rend difficile la détection d'erreurs pour les apprenants de français langue seconde. Une solution plus adaptée serait d’utiliser des modèles linguistiques de grande envergure (LLM), qui nécessitent cependant d'importantes quantités de données parallèles, souvent rares pour le français. Les systèmes commerciaux ont tendance à surcorriger, dépassant parfois la correction grammaticale traditionnelle et interprétant mal certaines phrases. Les corpus publics, comme Lang-8, sont inadéquats sans adaptation, et d'autres corpus générés artificiellement produisent des erreurs non représentatives de la compétence réelle des apprenants. Notre projet vise à créer un corpus de 25 000 exemples, corrigés et annotés, ainsi qu'un modèle logiciel ouvert (open source), basé sur Llama 3.1, nommé Le Grammairien, surpassant les correcteurs actuels dans les tâches de correction automatique des productions écrites des apprenants du français langue seconde.

Le français comme toute autre langue n’a pas un usage unique, c’est-à-dire le même accent pour tous locuteurs, peu importe leur origine sociale, les lieux et les conditions d’acquisition de cette langue. De plus, il n’y a pas toujours de l’intercompréhension entre les locuteurs francophones. Cette pluralité intéresse les chercheurs en sociolinguistique depuis la genèse même de cette discipline avec la variationnisme de William Labov. Ce dernier a mis la table à nombres chercheur·ses dont Annette Boudreau qui a consacré la majeure partie de sa vie de chercheuse à réfléchir sur la situation des francophones du Canada, notamment en Acadie. Quelle image renvoie l’œuvre de Boudreau du locuteur francophone canadien? Dans cette communication, il s'agit d'illustrer la représentation du francophone canadien dans l’œuvre de Boudreau. Par le biais de Parler comme du monde (2024), Insécurité linguistique dans la francophonie (2023), Dire le silence. Insécurité linguistique en Acadie 1867-1970 (2021) et À l’ombre de la langue légitime. L’Acadie dans la francophonie (2016), la communication présentera le français comme une arme d’oppression sociale contre le francophone canadien. Force est de constater que dans ses travaux, Boudreau illustre diverses problématiques auxquelles les francophones du Canada font l’objet, notamment la glottophobie et l’insécurité linguistique. Dans son œuvre, la langue française est illustrée pour le locuteur comme un lieu d’inclusion, d’exclusion et de discrimination. 

Dans cette recherche, comme Puupponen et al. (2022), nous nous intéressons à la représentation corporelle (RC) chez les signeurs aînés de 60 ans et plus, natifs de la langue des signes québécoise (LSQ). Plusieurs études portent sur cette particularité de la langue des signes, mais très peu abordent ce sujet dans une analyse sociolinguistique. Nous pouvons retrouver, entre autres, des études sur la variation lexicale (Stamp et al., 2014), phonologique (Stamp et al., 2015) en langue des signes britannique (British Sign Language, BSL), mais très peu sur la LSQ. Luna (2015) et Luna et Parisot (2016) montrent dans leur étude sociolinguistique une différence syntaxique auprès des signeurs aînés de la LSQ âgés de 60 ans et plus. Dans un premier temps, notre étude vérifiera la fréquence et la présence de la RC ainsi que les marqueurs, les formes et la nature de la RC. Nous y ajoutons aussi la variable sociale nommée méthode d'enseignement (oraliste ou signant). Nous utiliserons le corpus QADA qui contient 24 signeurs aînés, dont 48 narrations élicitées provenant de saynète muette. Pour notre analyse, le test ANOVA permettra de vérifier la présence et la fréquence de la RC ainsi que des marqueurs, les formes et la nature de la RC. Nous vérifierons à l'aide du test statistique Whitney Mann U si la méthode d'enseignement influence nos variables. Nos résultats montrent que les signeurs aînés produisent davantage de RC complètes et que la méthode d'éducation influence la présence de la RC.