Informations générales
Événement : 91e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :La mobilisation de diagnostics médicaux visant la compréhension et la présentation de soi ou d’autrui est omniprésente dans de nombreux cadres d’interaction. Ayant différentes fonctions sociales, les diagnostics permettraient de justifier, de comprendre et d’anticiper certaines difficultés ou comportements hors normes qui pourraient survenir dans ces interactions.
De leur côté, les institutions répondant aux politiques d’équité, diversité et inclusion (EDI) tentent par divers moyens de favoriser l’intégration des individus marginalisés ou diagnostiqués. Que ce soit pour justifier un accommodement scolaire, l’accès à un service de soin particulier ou pour réfléchir sur la flexibilité d’un emploi, les institutions occidentales accueillent les individus marginalisés dans la mesure où ces derniers fournissent une preuve médicale de leur « condition » légitimant un « traitement particulier ». Cette formalisation des accommodements transforme inévitablement les interactions quotidiennes, mais comment ? De quelle inclusion parle-t-on ? Une inclusion à quoi et une reconnaissance de quoi ? Quels espaces sont réellement disponibles et offerts à ces personnes, et selon quels critères, besoins et normes ?
Plus spécifiquement, la réflexion portera sur l’incidence de la mobilisation des diagnostics de santé mentale et physique sur les relations interpersonnelles et les interactions institutionnelles; sur les conditions institutionnelles des usages sociaux des catégories diagnostiques ainsi que sur ce qu’on entend et pratique selon des termes tels que « inclusion » et « intégration socioprofessionnelle ».
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Isabelle Jacques (Collège Rosemont)
- Patrick Dubé (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Olivier Corbin-Charland (Collège Rosemont)
Programme
Les fonctions de sens du diagnostic
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Communication orale
La fatigue d'être au monde : discours de la neurodiversité et grammaires de l'individu.Patrick Dubé (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans le monde occidental, on observe une augmentation de la mobilisation des diagnostics de TDAH et d'autisme dans l'ensemble des institutions (éducation, santé et services sociaux, travail, etc.). En plus d'être utilisés pour l'orientation des interventions et des suivis, ceux-ci sont de plus en plus mobilisés par les professionnel.les au sein des institutions scolaires et dans le traitement de demandes d'accommodements institutionnels (académiques, aménagement du travail et des congés).
Au-delà de ces fonctions, la mobilisation des diagnostics est de plus en plus présente à titre de ressource identitaire permettant aux individus de se comprendre et de se définir. Si hier on diagnostiquait autistes des individus plus jeunes et présentant, dans une plus forte proportion, une condition épileptique, des comportements d'automutilation ou d'agressions sévères, des achoppements marqués vis-à-vis les attitudes prescrites et les usages langagiers attendus; il appert aujourd'hui qu'on revendique l'étiquette de la neuroatypie ou de la neurodivergence pour parler d'autres choses (surstimulation, interactions relationnelles complexes, etc.).
Si les manières de souffrir des individus nous permettent de comprendre la société dans laquelle on vit, cet engouement pour les discours de la neurodiversité comme grammaires d'un nouveau rapport à soi et au monde mérite d'être étudié sociologiquement.
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Communication orale
« J’ai toujours pensé que mes blessures étaient imaginaires » : Le diagnostic comme élément essentiel pour les femmes atteintes de fibromyalgieAnnie Dumont (Unité d’enseignement de travail social de l’UQAC), Catherine Flynn (Unité d’enseignement de travail social de l’UQAC), Julie Godin (Université d’Ottawa)
La fibromyalgie est caractérisée par des douleurs chroniques difficilement explicables vu l’absence de marqueurs biologiques (Wheeler, 2011). Elle atteint près de 3% de la population canadienne (SQF, S.D.) et touche de 6 à 9 fois plus les femmes. Ces femmes voient souvent leurs difficultés banalisées vu le caractère invisible du syndrome (Yaghmaian, 2016). Dans ce contexte, la pose d’un diagnostic devient un élément essentiel symbolisant la compréhension de l’expérience des femmes par le monde médical et légitimisant les difficultés. Ce projet s’intéresse aux femmes atteintes de fibromyalgie de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean (Québec) afin de rendre compte de l’influence des obstacles auxquels elles font face au quotidien. Les résultats reposent sur une douzaine d’entrevues individuelles semi-dirigées, menées dans le cadre d’une maîtrise en travail social, permettant d’entendre ces femmes et mobilisant une analyse féministe intersectionnelle. Cette communication porte spécifiquement sur l’effet du diagnostic de fibromyalgie sur les participantes. Notamment ;1) le processus complexe pour avoir accès à un diagnostic, 2) l’effet de son arrivée sur la compréhension de l’expérience de ces femmes et 3) son influence sur le soutien, les accommodements mis en place et sur les conditions de vie. Il sera également question d’une réflexion critique sur le regard médical de la douleur chronique des femmes dans le contexte d’un syndrome physique invisible.
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Communication orale
« Dire que je suis schizophrène, ça éloigne la vermine » : La catégorie diagnostique comme modulateur des interactions.Lisandre Labrecque-Lebeau (CREMIS)
Si le diagnostic consiste en une catégorie formelle à l’autorité institutionnelle certaine et aux multiples usages, il consiste également en une catégorie de la connaissance du monde. Les catégories diagnostiques sont ainsi mobilisées par les acteurices à de multiples égards : pour mieux se comprendre, se décrire, se présenter, se justifier, se protéger, etc… Ces catégories deviennent alors un outil pour se situer dans le monde, autant qu’un régime, un modulateur, un billet pour voyager dans les mondes institutionnels.
Cette communication présentera les résultats de l’analyse d’une vingtaine d’entretiens avec des personnes s’auto-identifiant à un ou plusieurs spectres : neurodiversité, diversité corporelle et/ou diversité sexuelle et pluralité des genres.
Comment les individus mobilisent-ils (ou dissimulent-ils) les catégories diagnostiques dans leurs interactions et ce, dans les différentes sphères institutionnelles de leur vie quotidienne (famille, travail, école, institutions médicales)? En analysant différents usages des catégories diagnostiques, nous verrons que les récits des participant·es mettent en scène les dimensions affectives de l’inclusion ainsi que des « sentiments sociaux » qui jonchent leurs rapports avec les individus et les groupes.
La place du diagnostic dans nos institutions : entre utilité et surapplication
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Communication orale
Le drame des enfants parfaits. Pour une permaculture de l'enfance.Celine Lamy (UdeM - Université de Montréal)
Dans son récent essai, l’autrice évoque la façon dont nous sommes entrés dans une agriculture intensive de l’enfance. Cette agriculture qui vise à produire des fruits parfaits, calibrés, selon des normes industrielles et sociétales de plus en plus étriquées, tyranniques. Afin de satisfaire à cette productivité de masse, il s’agit de fournir tuteurs, engrais, et user de pesticides pour permettre à la petite pousse de croitre de façon disciplinée et « normale ». Le mot est dit : normal. On doit donc rapidement repérer l’anormal, le dissident de la croissance, pour le dresser et le redresser. Et dans cette tâche, tous les systèmes dans lesquels baignent la pousse, vont participer à cadrer et recadrer : système de santé, système scolaire, système parental. Chaque pousse sera étiquetée (diagnostiquée) après sa sortie de rail et rapidement « traitée » afin de ne pas risquer de la perdre. Mais que perd-on finalement, dans tout ce cirque ?
Et si l’on revenait à une permaculture de l’enfance?
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Communication orale
Surreprésentation carcérale des personnes diagnostiquées TDAH: les effets reliés au diagnosticGuillaume Beaulieu (UdeM - Université de Montréal)
Le TDAH est un des diagnostics de santé mentale les plus fréquents chez les jeunes du Québec. Ce diagnostic est fréquemment représenté par le champ médical comme l’expression d’une différence neurobiologique limitant la capacité d’attention autonome. Selon cette vision, les symptômes sont donc permanents, amenant des travaux sur la surreprésentation carcérale des personnes diagnostiquées TDAH à expliquer leurs arrestations et incarcérations par un symptôme, le manque de contrôle de soi. Toutefois, les symptômes du TDAH s’estompent fréquemment à l’adolescence: seul un tiers des personnes diagnostiquées conserve des symptômes significatifs à l’âge adulte. De plus, une forte proportion des personnes diagnostiquées utilisent des médicaments pour réduire ces symptômes. Il semble donc peu plausible que la surreprésentation carcérale s’explique uniquement par les aspects neurobiologiques. L’objectif de cette proposition est de présenter la littérature touchant trois éléments sociaux qui pourraient expliquer des parties de la surreprésentation carcérale des personnes diagnostiquées TDAH. Premièrement, le diagnostic est en partie lié à la maltraitance parentale, suggérant que les arrestations ultérieures peuvent être liées aux conséquences de ces situations difficiles. Deuxièmement, le diagnostic facilite l’inclusion dans des filières scolaires limitantes. Finalement, la gestion de la violence dans le milieu scolaire risque d’affecter négativement les personnes diagnostiquées.
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Communication orale
Diagnostic de troubles neurodéveloppementaux : impact sur la parentalité et dans la relation des parents avec l’écoleMarie-Christine Brault (Université Laval)
La prévalence des troubles neurodéveloppementaux et des médicaments associés s’accroit depuis une vingtaine d’année chez les enfants québécois. Plusieurs indices dévoilent un surdiagnostic et une surprescription, qui seraient des conséquences du processus de médicalisation durant l’enfance. L’école agit comme un catalyseur de ce phénomène : dans une relation de pouvoir asymétrique en leur faveur, les membres du personnel scolaire tentent de faire accepter aux parents leur point de vue principalement biomédical des problèmes des élèves et des solutions à privilégier. Les parents ne sont pas tous en accord avec ces demandes. Notre étude montre que certains parents résistent au processus de médicalisation ciblant leur enfant. Toutefois, la résistance au diagnostic est moins prégnante que celle liée à la médication. Ainsi, les parents ont moins d’hésitation à aller consulter un professionnel de la santé en vue d’identifier une condition pathologique et le diagnostic est perçu positivement chez la majorité. À partir des récits longitudinaux d’une vingtaine de parents québécois, notre présentation visera à discuter de l’impact du diagnostic de trouble neurodéveloppementaux sur la parentalité et la relation des parents avec l’école. L’exigence de coéducation comme norme de bonne parentalité met une pression sur les parents pour initier le processus de médicalisation. Alors que plusieurs parents s’opposent au départ, la résistance devient plus ténue au fil du temps.
Pause dîner, libre
Les grammaires « psy » dans les interactions institutionnelles : une réduction complexe
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Communication orale
« Vous n’avez rien de grave, c’est dans votre tête » : Enjeux et état des connaissances sur le phénomène de l’ombrage diagnostique.Magaly Brodeur (Faculté de médecine et des sciences de la santé, Département de médecine de famille, Université de Sherbrooke), Marie-Claude Jacques (UdeS - Université de Sherbrooke), Pierre Pariseau-Legault (Département des sciences infirmières, Université du Québec en Outaouais)
L’accès difficile aux services de santé est un déterminant majeur de la morbidité et de l’espérance de vie plus faible des personnes aux prises avec un problème de santé mentale. Ces difficultés peuvent s’expliquer par le maintien de pratiques institutionnelles qui, intentionnellement ou non, sont contributives aux inégalités de santé touchant ces personnes. Certaines de ces pratiques peuvent réduire ces personnes à l’étiquette du diagnostic psychiatrique, ce qui active des préjugés de la part des professionnels de la santé quant à leur crédibilité et la validité de leurs demandes lorsqu'elles consultent. Nous proposons de discuter de ces enjeux à partir des résultats d’une revue de la portée faisant état de la recherche actuelle à ce sujet. Notre recherche s’inscrit dans une démarche participative au service du Collectif la santé sans préjugés, groupe militant porté par et pour les personnes ayant un diagnostic de trouble de santé mentale. Il sera plus spécifiquement question des injustices épistémiques qui participent au phénomène de l’ombrage (ou masquage) diagnostique. Ce concept désigne le phénomène vécu par les personnes aux prises avec un problème de santé mentale, qui ne sont pas prises au sérieux lorsqu’elles consultent pour des maux physiques. Ces personnes se retrouvent alors exclues des services de santé auxquels ils ont droit et s’exposées à de graves conséquences, tant en ce qui concerne leur santé que de leur dignité.
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Communication orale
Mobilisation du diagnostic et pair-aidance rémunéréeMathieu Bouchard (Université d’Ottawa)
Les diagnostics médicaux sont la porte d’entrée vers un nombre croissant de ressources et d’accommodements qui peuvent s’avérer bénéfiques. Par ailleurs, le diagnostic est aussi souvent associé à la stigmatisation et à l’exclusion. L’exemple de la pair-aidance en santé mentale illustre bien les impacts sociaux contradictoires de l’affichage du diagnostic. Un pair-aidant rémunéré est une personne qui reçoit ou a reçu des soins de santé mentale et qui suit une formation spécialisée pour utiliser son vécu dans l’accompagnement de personnes qui reçoivent des soins de santé mentale (ses « pairs ») en échange d’un salaire. Avoir un diagnostic, ou du moins un récit de vie pour justifier son statut de « pair », est donc la porte d’entrée pour devenir pair-aidant rémunéré. Dans les affichages de postes, vivre une période de « rétablissement » d’au moins un ou deux ans fait aussi souvent partie des critères d’embauche, ce que le psychiatre de la personne candidate peut avoir à attester. Afficher son diagnostic facilite donc l’insertion professionnelle du pair-aidant. Parallèlement, le diagnostic est aussi une source de préjugé et de marginalisation bien documentée dans les équipes multidisciplinaires de soins de santé mentale. Bref, l’affichage du diagnostic est à la fois bénéfique et dommageable pour les pairs-aidants rémunérés. Ma communication vise à ouvrir un espace de réflexion sur la mobilisation du diagnostic en lien avec l'insertion professionnelle et l'institution du travail.
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Communication orale
Prévenir le traumatisme : microagression, oppression et campagnes contre les violences sexistes et racistesStéphanie Pache (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication propose de réfléchir à l’impact de l’usage du langage psychologique dans les discours de prévention contre les violences sexistes et racistes. Mes recherches portent sur l’articulation de la psychologie à des revendications politiques en Amérique du Nord depuis les années 1960. Après une étude sur les psychologues féministes, j’ai examiné leur rôle dans les politiques contre les violences fondées sur le genre (Pache 2019, 2021). J’analyse actuellement la généalogie de l’usage du concept de micro-agression, développé à la fin des années 1960 par le psychiatre afro-américain Chester M. Pierce. Ma communication se base sur ces deux lignes de recherche pour penser le contexte sociohistorique dans lequel le langage psychologique est mobilisé pour des causes politiques et en particulier rendre compte de l’expérience d’oppression.
À partir de mon analyse de ces matériaux historiques et psychologiques, j’interrogerai les usages du concept de microagression, imaginé pour visibiliser les mécanismes et les effets psychiques du racisme, qui s’est cependant diffusé dans d’autres situations de pouvoir, notamment les rapports sociaux de sexe. Surtout, la notion fait maintenant partie du langage de la prévention des violences dans les institutions, y compris des campagnes syndicales contre différents types de violences sur les lieux de travail. Cette communication discutera les effets de cette conception psycho-préventive de l’oppression pour les personnes marginalisées.
Le jeu comme dispositif d’appropriation d’un regard critique envers le diagnostic de santé mentale
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Communication orale
Notre rapport aux diagnostics de santé mentale : un jeu de société.Dominic Dubois (RRASMQ), Mathilde Lauzier (RRASMQ)
Cet atelier propose de réfléchir en s'amusant à un jeu d'éducation populaire "Les diagnostics en santé mentale : Quoi en faire ? Quoi en penser ?", développé par le comité Pratiques du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ). Deux co-responsables de l'organisme présenteront le processus collectif ayant mené à sa co-construction. Enfin, vous serez invité.e à participer au jeu qui nous permettra de faire des liens avec le thème de la journée en abordant les différents rapports que nous entretenons avec les diagnostics en santé mentale.
*Le jeu sera animé simultanément en ligne et en présentiel.
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Communication orale
Les diagnostics en santé mentale : Ce que j'en fais! Ce que j'en pense!Carole Lévis (RRASMQ)
Carole Lévis nous présente un témoignage de son expérience à titre de personne concernée impliquée dans la co-construction et dans l'animation du jeu "Les diagnostics en santé mentale: Quoi en faire? Quoi en penser?". En plus de nous partager son expérience personnelle sur l'impact d'un diagnostic de santé mentale et de l'action collective dans sa vie, elle nous présente les défis et les succès de ses animations du jeu faites auprès d'un centre pour femmes, de groupe d'étudiant.es en soins infirmiers de l'Université du Québec en Outaouais (UQO) et auprès de membres d'une ressource alternative en santé mentale.