Si l’écoféminisme gagne en popularité au sein des sciences sociales, peu de recherches en études urbaines présentent une telle perspective. Pourtant les propositions théoriques et analytiques des écoféminismes offrent des clés de lecture pertinentes afin de se pencher sur les enjeux urbains de notre siècle.
Plus qu’un simple mouvement de protection environnemental porté par des femmes, les écoféminismes recoupent une série de luttes, concepts, théories, éthiques et pratiques favorisant l’émancipation conjointe des femmes et de la nature de la domination masculine. Dans l’imaginaire collectif, l’écoféminisme est généralement associé à des mouvements de luttes socioterritoriales portées par des femmes racisées ou autochtones dans des zones d’extraction de ressources naturelles et où les violations de la Terre-Mère vont de pair avec des violences genrées. Peu d’attention est portée aux multiples manières dont les citadines ont des affiliations avec ces luttes et se mobilisent quotidiennement autour de revendications ou pratiques écoféministes.
Les écologies politiques urbaines ne se sont, quant à elles, que peu intéressées au genre. Insistant sur la ville comme espaces d’inégalités, elles ont laissé dans l’ombre l’agentivité des groupes marginalisés à s’approprier l’espace et à créer les leurs, ainsi que tout un pan des activités humaines relatif à la reproduction sociale, aux émotions et à la corporalité.
En valorisant une compréhension relationnelle de l’espace et encourageant l’adoption d’une approche intersectionnelle et multiscalaire, une perspective écoféministe des urbanités éclaire ces angles morts et ouvre la voie à l’enrichissement tant des théories que des recherches empiriques en milieu urbain. Se pencher sur les manières dont les écoféminismes nous révèlent et nous racontent une autre histoire de la ville, et de la toile de relations multiples et complexes qui s’y tissent au quotidien, s’avère dès lors non seulement intéressant, mais nécessaire.