Informations générales
Événement : 90e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Si l’écoféminisme gagne en popularité au sein des sciences sociales, peu de recherches en études urbaines présentent une telle perspective. Pourtant les propositions théoriques et analytiques des écoféminismes offrent des clés de lecture pertinentes afin de se pencher sur les enjeux urbains de notre siècle.
Plus qu’un simple mouvement de protection environnemental porté par des femmes, les écoféminismes recoupent une série de luttes, concepts, théories, éthiques et pratiques favorisant l’émancipation conjointe des femmes et de la nature de la domination masculine. Dans l’imaginaire collectif, l’écoféminisme est généralement associé à des mouvements de luttes socioterritoriales portées par des femmes racisées ou autochtones dans des zones d’extraction de ressources naturelles et où les violations de la Terre-Mère vont de pair avec des violences genrées. Peu d’attention est portée aux multiples manières dont les citadines ont des affiliations avec ces luttes et se mobilisent quotidiennement autour de revendications ou pratiques écoféministes.
Les écologies politiques urbaines ne se sont, quant à elles, que peu intéressées au genre. Insistant sur la ville comme espaces d’inégalités, elles ont laissé dans l’ombre l’agentivité des groupes marginalisés à s’approprier l’espace et à créer les leurs, ainsi que tout un pan des activités humaines relatif à la reproduction sociale, aux émotions et à la corporalité.
En valorisant une compréhension relationnelle de l’espace et encourageant l’adoption d’une approche intersectionnelle et multiscalaire, une perspective écoféministe des urbanités éclaire ces angles morts et ouvre la voie à l’enrichissement tant des théories que des recherches empiriques en milieu urbain. Se pencher sur les manières dont les écoféminismes nous révèlent et nous racontent une autre histoire de la ville, et de la toile de relations multiples et complexes qui s’y tissent au quotidien, s’avère dès lors non seulement intéressant, mais nécessaire.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Stéphane Guimont Marceau (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
- Naomie Léonard (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
- Hélène Madénian (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
- Gabrielle Perras St-Jean (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
Programme
Écoféminismes et urbanités
Présentation et introduction à la journée de colloque. Si les écoféminismes gagnent en popularité, peu de recherches en sciences sociales optent pour l’adoption d’une telle perspective. Pourtant les ancrages théoriques et analytiques des écoféminismes offrent des clefs de lecture pertinentes afin de faire face aux enjeux de notre siècle. Peu d’attention est portée aux multiples manières dont des citadines ont des affiliations avec ces luttes et se mobilisent quotidiennement autour de revendications ou pratiques écoféministes. Il est alors intéressant de se pencher sur les manières dont les écoféminismes nous révèlent et nous racontent une autre histoire de la ville et de la toile de relations multiples et complexes qui s’y tissent au quotidien, tant dans nos interactions banales que dans les coups d’éclat. En bref, ce colloque sera l’occasion de se demander « que signifie penser les réalités et enjeux urbains à partir des perspectives et pratiques écoféministes ? » Cette journée est constituée de quatre séances dont les frontières sont poreuses et où chaque conférencière aura 20 minutes pour nous présenter son propos. Chaque séance se termine par 20 minutes d'échange entre les conférencières, avec la discutante et avec le public.
Inégalités
La séance Inégalités sera l’occasion de s’intéresser aux différentes formes que prennent les inégalités socio environnementales en ville, aux effets et solutions envisagées face à la crise climatique en fonction de divers facteurs d’inégalités, ainsi que sur l’apport des écoféminismes sur ces questions. Les présentations nous amèneront à questionner nos rapports au milieu urbain à partir des perspectives, réalités et pratiques des femmes et des personnes autochtones. Nous nous questionnons tout d’abord sur les impacts des changements climatiques sur les femmes en Inde et sur l’importance de considérer leur rôle pour aborder les solutions face aux changements climatiques. Puis, à partir des favelas de Rio de Janeiro, nous explorerons les adéquations entre les concepts d’écoféminismes et de féminismes populaires tout en soulignant la nécessité de l’adoption d’une perspective intersectionnelle afin de bien saisir la manière dont les questions environnementales s’insèrent dans une variété de luttes quotidiennes. Finalement, nous reviendrons à Tioh’tià :ke-Mooniyang-Montréal pour mettre en lumière les manières dont le colonialisme de peuplement a forcé un développement territorial qui dépossède et efface les présences et héritages autochtones. Il sera aussi question de partager les perspectives d’aménagistes autochtones afin de mieux saisir les impacts positifs que leur inclusion pourrait avoir sur la qualité de vie de tous et toutes en milieu urbain.
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Communication orale
Le savoir des femmes indiennes comme expertise empirique à la lutte contre les changements climatiquesMarianne-Sarah Saulnier (Université McGill)
Ancrée dans une approche écoféministe, cette conférence vise à mettre de l’avant des actions concrètes proposées par des intervenantes issues de milieux communautaires en Inde afin de rendre compte des actions de solidarité entre femmes indiennes pour une justice climatique.
Après un court portrait démontrant en quoi les inégalités déjà existantes entre les genres en Inde font en sorte que les femmes subissent les conséquences du réchauffement climatique de manière disproportionnée, cette présentation fera un portrait à jour du rôle et de la présence des femmes dans les décisions environnementales en Inde pour ensuite présenter certaines initiatives issues d’organisations communautaires féministes. Cette analyse, arrimée à une revue de la littérature indienne (dont les axes sont le travail reproductif (Chacko, 2020; Saikia, 2019), les dynamiques de genre et l’organisation familiale (Sen 2005, Agarwal 1994)), est issue d’entretiens semi-dirigées de récits de vie réalisés au courant du printemps 2023. À terme, l’objectif sera d’évaluer comment ces contributions peuvent se refléter dans les politiques et cadres d’action de niveaux national et local afin non seulement d’améliorer la résilience des femmes face aux changements climatiques, mais aussi mettre en lumière les connaissances qui rendent incontournable leur contribution au développement de stratégies de réduction et d’adaptation climatique.
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Communication orale
Explorer les liens entre écoféminismes et féminisme populaire à partir du cas des favelas de Rio de JaneiroAnne-Marie Veillette (University of Pennsylvania)
Dans cette présentation, je me questionne sur l’adéquation entre les concepts d’écoféminisme et de féminisme populaire. Pour ce faire, je m’appuie sur les données issues d’une recherche pilotée par la professeure Nilza Rogéria Nunes (service social, PUC-Rio) pour laquelle nous sommes parvenues à cartographier plus de 200 leaders féminines dans les favelas de la région de Rio de Janeiro. Je cherche ainsi à établir si la militance reliée aux questions environnementales chez les femmes des favelas peut être incluse dans la définition que Prof. Nunes et moi-même avons donné du féminisme populaire dans les favelas (Nunes et Veillette, 2021). Les résultats de notre analyse préliminaire montrent que les questions environnementales s’insèrent dans une variété de luttes qui témoignent non seulement d’une perspective intersectionnelle, mais aussi des quatre caractéristiques du féminisme populaire dans les favelas, qui sont les suivantes: (1) forte relation entre les aspects conscients et inconscients de la formation de leur subjectivité politique ; (2) développement de la militance dans la vie quotidienne et articulée à leur rôle de leader communautaire; (3) engagement radical envers la favela ; (4) déploiement selon une temporalité différenciée du reste de la ville. Les résultats indiquent que l’écoféminisme fait partie d’une pratique déjà existante chez les femmes activistes des favelas et qu’elle s’insère dans un engagement politique plus large, soit le féminisme populaire.
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Communication orale
Semer les graines de la réconciliation : une exploration de l’impact de l’aménagement sur les réalités autochtones en milieux urbainsCarling Sioui (Figurr Collectif d’Architectes)
Tioh’tià :ke-Mooniyang-Montréal a été pendant des millénaires un paysage culturel développé et gardé par des Premières Nations, dont les Anishinaabe, les Wendats et les Kanien’kéhà :ka, reconnues encore aujourd’hui comme les gardiens de ce territoire. Le gouvernement Canadien a permis aux territoires occupés par les non-autochtones de développer des grands centres construits et totalement différents des environnements qui existaient avant leur arrivée, avec une exclusion totale des voix autochtones dans ces décisions de transformations majeures. 50% des individus autochtones du Canada vivent maintenant en milieu urbain, dans des lieux souvent non-cédés qui ne reflètent pas leurs identités et valeurs. La présentation explore dans un premier temps les réalités et valeurs de certains membres de la communauté urbaine de l’île, dans des ateliers participatifs visant à créer une charte de valeurs d’aménagement. Ensuite elle teste la compatibilité de l’aménagement urbain avec leurs propos, à travers un spectre développé avec les résultats des ateliers. Enfin, dans un effort de valider le spectre avec un plus grand groupe, elle explore la compatibilité des designs par des aménagistes autochtones avec ce dernier. L’objectif de cette exploration est de prendre conscience de l’impact de l’exclusion des voix autochtones en aménagement, ainsi que de comprendre l’impact positif que leur inclusion pourrait avoir sur les réalités et la qualité de vie de tous en milieux urbains.
Écocitoyenneté
La séance Écocitoyenneté invite à se pencher sur les militances et pratiques du quotidien qui proposent des transformations radicales et/ou à petites échelles afin de favoriser la justice sociale et environnementale. Nous aborderons plus spécifiquement les luttes et résistances de femmes entourant la sécurité alimentaire au Mexique, à Haïti et au Paraguay, pour nous rendre compte de la réalité poreuse des frontières entre la ville et les zones rurales et des manières dont les violences genrées influencent les contextes d’insécurité alimentaire. Une étude du potager urbain à Tlatelolco (Mexique) illustre comment les femmes, à travers leurs engagements écologiques, deviennent leaders dans la lutte contre la crise climatique et construisent des espaces libres de violence en ville. Puis, nous visiterons les engagements des femmes dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle en Haïti, dans un contexte où les femmes sont particulièrement victimes de la guerre des gangs dont les activités font entrave au marché urbain agricole. Finalement, nous nous intéresserons, à partir de deux organisations féministes paraguayennes campesinas et autochtones basées à Asunción, à l’importance de préserver les savoirs de l’agriculture à petite échelle, permettant une souveraineté alimentaire et une sauvegarde des cultures.
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Communication orale
Pratiques éco féministes en contexte urbain : Comment les projets d’agricultures urbaines participent au processus de reconfiguration des expériences urbaines féminines à Mexico?Julia Islas (UdeM - Université de Montréal)
Les théories écoféministes dénoncent un système capitaliste informé par des idéologies patriarcales et extractives qui ne cessent d’opprimer les femmes et d’exploiter la nature. Cela ce fait davantage ressentir dans nos centres urbains qui empiètent sur la nature et constituent des espaces hostiles pour les femmes et autres minorités. De par mon origine mexicaine et mon grand attachement auprès de ce pays, j’ai voulu orienter ma recherche au contexte mexicain, où les 10 000 km de routes et de rues de la capitale dans lesquelles circulent chaque jour plusieurs millions de véhicules menacent la ville d’asphyxie et où les enquêtes traitant sur les violences de genre au sein de l’espace public mettent à jour une vulnérabilité urbaine typiquement féminine. Dans le but d’urbaniser les théories écoféministes qui sont encore largement mobilisées dans des recherches qui portent une attention particulière aux contextes ruraux, je me suis concentrée sur les projets d’agriculture urbaine qui s’avèrent être un engagement typiquement féminin. Ma recherche essaye de mettre en lumière à travers l’étude de cas du potager urbain Tlatelolco à Mexico comment les femmes à travers leur engagement écologique, deviennent d’une part leaders dans la lutte contre la crise climatique et d’autre part comment elles sont en mesure de construire des espaces libres de violence constituant ainsi de véritables outils de construction de la ville, dans lesquels les femmes semblent avoir toute leur place.
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Communication orale
Sécurité alimentaire : L’implication des femmes mise à l’épreuve par la guerre des gangs en HaïtiKatia Bazile (Université de Versailles Paris Saclay ( UVSQ ))
L’implication des femmes dans le secteur agroéconomique national est importante en Haïti. La participation des femmes à l’effort national pour lutter contre l’insécurité alimentaire est décliné sur la sphère productive (production des denrées et de bien, transformation, commercialisation) et reproductive non monétaire (soin aux membres de la famille). Cependant, rendre visible les engagements féminins dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle est un réel défi. De surcroît, elles sont principalement victimes de la guerre des gangs qui constitue un véritable frein à l’accès au marché urbain agricole car rien n’indique en apparence que les politiques publiques mettent en œuvre des pratiques de différenciation sexuée vecteur de discriminations par contre un espace urbain véhicule les normes dominantes, dont celle du genre. Pour mieux accompagner les initiatives communautaires, une vingtaine d’associations de femmes qui luttent à face à l'insécurité alimentaire, ont été consultées. Les résultats partiels ont déjà permis d’engager des réflexions qui tiennent compte des savoirs et pratiques des communautés locales dans l’agriculture et le commerce. Un nouveau programme assez révolutionnaire est en perspective : L’Ecoféminisme qui relie la question du rapport à la nature qu’on compte modifier, renverser, changer, arrêter même pour une meilleure sécurité alimentaire en Haïti avec l’implication des femmes.
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Communication orale
La lucha es un poema colectivo : une étude des mouvements campesinas et autochtones paraguayen pour la sauvegarde des semences en zones urbaines et ruralesAndréanne Brunet-Bélanger (UdeM - Université de Montréal)
Pour cette communication, je m’intéresse à l’imbrication des actions en contexte urbain et rural de deux organisations féministes paraguayennes campesinas et autochtones. Ces organisations ont la particularité d’être situées à Asuncion, en zone urbaine, et de s’intéresser aux conditions de vies des femmes campesinas et autochtones vivant en zone rurale. Je m’intéresserai plus particulièrement à deux programmes : celui de la souveraineté alimentaire, et celui de la sauvegarde des semences traditionnels, en m’intéressant aux interactions entre les villes et les campagnes. La perspective d'analyse adoptée sera à la fois interactionnelle (en s’intéressant aux relations entre ville et campagne) et inspirée des approches de la citoyenneté (en étudiant les outils et les pratiques mises en place par ces groupes de femmes).
Dans cette optique, la souveraineté alimentaire, mise de l’avant par ces organisations, dépasse maintenant le cadre des campagnes et devient une question importante à l’échelle nationale, particulièrement pour les femmes. En effet, les femmes de ces mouvements féministes se présentent comme les gardiennes des semences face aux avancements de l’agriculture de masse. Plus particulièrement, ces mouvements mettent de l’avant l’importance de préserver les savoirs de l’agriculture à petite échelle, permettant une souveraineté alimentaire et une sauvegarde des cultures.
Bon appétit !
Dîner non-fourni
Relations
La séance Relations suivra et permettra aux conférencières d’aborder la vaste toile des relations et des interdépendances qui existe en ville, rendant visible des mécanismes et dynamiques qui restent bien souvent dans l’ombre. Nous réfléchirons tout d’abord, a l’aide des théories queer et décoloniale, aux relations au sein des mouvements écologistes à Montréal face aux risques d’effacer les inégalités propres aux personnes socialement marginalisées face aux enjeux écologiques. Puis, nous nous pencherons sur les processus de création de programmes de logements sociaux pour femmes cheffes de familles monoparentales à Montréal, Toronto et Vancouver afin de voir comment ces initiatives parviennent à valoriser une approche de care au logement, transformant les conditions locales d’exercice du care. Finalement, nous explorerons les relations interespèces à Montréal à travers le cas des initiatives citoyennes de soins aux animaux urbains. Les résultats préliminaires présentés exposeront les caractéristiques de ces relations et viseront à montrer en quoi les perspectives écoféministes permettent d’enrichir les interprétations que l’on en fait, notamment en remettant en question les stéréotypes de genre associés aux pratiques de soins aux animaux.
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Communication orale
Quel « nous » dans le contexte de la lutte face à la crise écologique ?Laurie Gagnon-Bouchard (Université d’Ottawa)
Partant du nous apparaissant dans la rue de Montréal lors des manifestations en marge de la COP15, je souhaite montrer que le nous souvent mobilisé face à la crise climatique mérite d’être interrogé à la lumière des différences internes qui le composent en raison des injustices environnementales et sociales. Comme les auteur·e·s de l’écoféminisme, de l’écologie décoloniale et de l’écologie queer le dénoncent, les usages discursifs du nous ont parfois le risque d’effacer les inégalités propres aux personnes socialement marginalisées face aux enjeux écologiques. Bien que les critiques du nous doivent être rappelées, la création d’un nous alternatif capable de mener le changement collectif nécessaire pour la suite du monde ne doit pas être abandonné. Les stratégies coalitionnelles permettraient possiblement d’affronter la crise collectivement sans reconduire les écueils de la politique des identités (vouloir incarner la victime parfaite ou totaliser une catégorie) (Sandilands, 1999; Haraway, 1991), sans invisibiliser le différentiel de précarité (par une politique des corps) (Butler, 2016; Ferdinand, 2019), sans reproduire des schèmes de domination (par une confrontation aux logiques de maîtrise et aux schèmes de domination qui s’insèrent en nous)(Gilson, 2011; Starhawk, 2015; Singh, 2018), et en tentant de faire advenir une éthique de la cohabitation (Butler, 2016; Ferdinand; 2019).
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Communication orale
Le logement social pour amplifier les capacités de care des individus et des collectivitésMarie-Ève Desroches (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
Le contexte actuel de marchandisation du logement alimente la vulnérabilisation de certaines femmes puisqu’il affecte leur accès à un logement sain, sécuritaire et abordable. Cette recherche compare les processus associés à la création de programmes de logements sociaux pour femmes cheffes de familles monoparentales à Montréal, Toronto et Vancouver. Nous nous sommes appuyées sur des entretiens avec des personnes-clés (n=52) complété par une analyse documentaire. Cette communication souligne comment ces initiatives parviennent à prendre soin avec les logements et ainsi transforment les conditions locales d’exercice du care. Ceux-ci s’inscrivent dans un contexte où certaines organisations reconnaissent que la pénurie de logements abordables affecte particulièrement les femmes cheffes de familles monoparentales. Ces organismes se sont engagés dans la création de programmes résidentiels, notamment pour transformer les conditions sociomatérielles, temporelles et spatiales afin de mieux soutenir les capacités de care des organisations communautaires et des femmes elles-mêmes. Notre analyse indique que ces processus ont évité de cantonner le care à la sphère privée en engageant une pluralité d’espaces et d’intervenantes ou d'intervenants situés le long d’un continuum public-privé. La lentille du care permet de combler le manque de connaissance sur le développement de logements sociaux au Canada et d’explorer des pratiques et valeurs généralement négligées.
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Communication orale
Relations interespèces à MontréalGabrielle Perras St-Jean (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
Les épistémologies écoféministes permettent de penser différemment les relations entre les humain.e.s et les autres animaux. En se détachant de la perspective strictement anthropocentrée héritée de la philosophie moderne, elles permettent de s’extraire de rapports fondés sur la domination et de discerner d’autres manières de coexister. De plus, contrairement aux postures antispécistes utilitaristes ou abolitionnistes (centrées sur les droits des animaux), les éthiques écoféministes tiennent généralement compte de la dimension émotionnelle et des affects impliqués dans les relations humain.e.s-animaux.
À travers le cas des initiatives citoyennes de soins aux animaux urbains à Montréal, cette communication s’attèle à exposer comment les théories écoféministes du care interespèces fournissent un regard éclairant sur des formes de relations méconnues et dévalorisées. Basés sur une recherche doctorale en cours, les résultats préliminaires présentés exposeront les caractéristiques de ces relations et viseront à montrer en quoi les perspectives écoféministes permettent d’enrichir les interprétations que l’on en fait, notamment en remettant en question les stéréotypes de genre associés aux pratiques de soins aux animaux.
Perspectives
La dernière séance, Perspectives, permettra d’explorer des enjeux et imaginaires écoféministes des réalités urbaines à partir de disciplines artistiques ou littéraires. Nous entamerons cette séance avec une réflexion sur les écosystèmes urbains qui abondent et sont des refuges de biodiversité. En présentant le Chants des possibles, œuvre chorale portée par cinq voix végétales – Aster, Pissenlit, Salicaire, Herbe à poux et Frêne – les plantes tendent un miroir aux humain·es et les invitent à (re)activer le sentiment de kinship, de reconnaître nos relations d'interdépendance pour solliciter la solidarité dans ces temps précaires pour le vivant. Nous investirons ensuite le théâtre à partir de la figure d’Antigone, icône de l’insoumission, de la rébellion ou encore de la colère. Via la pièce Antigone au printemps, il sera question de remettre en cause le pouvoir politique dans un contexte d’effondrements. Nous allons clore le colloque avec l’exploration littéraire de Freshkills. Recycler la terre, Lucie Taïeb qui refuse de détourner le regard sur nos déchets et le désastre écologique qu’ils entraînent. Cet appel à une saine gestion des pratiques urbaines invite à repenser les liens entre les voix féminines souvent reléguées aux marges et les territoires oubliés et méprisés.
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Communication orale
Chants des possibles : écouter les plantes urbaines, retrouver l’empathieNoémie Dubé (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans notre imaginaire, la « nature » est encore bien souvent positionnée à l’extérieur de la ville, une observation attentive de nos environnements urbains dévoile une réalité bien différente. Tantôt invisibles, tantôt mal-aimées, les plantes qui y résident assurent néanmoins de précieux services écologiques. Ce sont elles qui réinvestissent les terres malmenées par l’occupation humaine, elles qui décontaminent les sols, qui stabilisent les berges, qui filtrent l’air de ses polluants. Interpelée par leur résilience obstinée, dans laquelle je vois une brillante actualisation du reclaim écoféministe (Hache 2016), j’ai souhaité recentrer, par l’écriture, les perspectives de ces plantes citadines. Chants des possibles, œuvre chorale portée par cinq voix végétales – Aster, Pissenlit, Salicaire, Herbe à poux et Frêne –, est donc une tentative d’interspecies transcreation (Carretero-González 2021 : 852). La choralité m’est apparue comme une féconde stratégie de recomplexification, permettant de brouiller les dichotomies projetées sur le monde végétal et de (re)donner une tangibilité aux personnages-plantes. Ainsi, le Champ des possibles,un ancien dépôt ferroviaire aujourd’hui friche post-industrielle riche en biodiversité, devient le théâtre d’une re-présentation, du point de vue des plantes, des transformations anthropiques connues par les écosystèmes urbains, transformations qui revêtent une ampleur catastrophique jusqu’alors insoupçonnée.
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Communication orale
Antigone au printemps : dispositifs de résistanceCatherine Cyr (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication s’attachera à la remise en cause du pouvoir politique telle qu’elle se déploie dans la pièce Antigone au printemps de la dramaturge québécoise Nathalie Boisvert (2017). Dans celle-ci, la crise environnementale se situe au cœur d’une dystopie dramatique où les oiseaux tombent du ciel par milliers et où, peu pris en compte par le pouvoir politique en place, qui nie sa propre activité destructrice, l’écosystème se réduit, devient de moins en moins habitable; la pièce oppose soumission au pouvoir et résistance à l’écocide. Alors que des contaminants sont déversés dans les champs qui bordent la ville, celle-ci devient le cœur de la révolte citoyenne : des Antigones, déclinées en une multitude de jeunes gens – surtout des jeunes femmes – bloquent les rues et les ponts, cherchent à résister à la répression et à la violence qui détruit l’environnement et brise les corps. Cette présentation abordera, au prisme des écoféminismes, les intersections des imaginaires de la domination et de la violence faite au corps des femmes et des entités autres-qu’humaines dans un espace fictionnel dystopique. À travers quelques exemples puisés dans la pièce, nous discuterons des formes choisies par l’écrivaine pour énoncer cette résistance au pouvoir et des aspects – éthiques, esthétiques, politiques – que ces dispositifs mettent au jour.
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Communication orale
Pour une (dé)charge poétique écoféministeMarilyne Lamer (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans Freshkills. Recycler la terre, Lucie Taïeb refuse de détourner le regard. Histoire de ruine, de hantise et d’oubli, cet essai est un puissant requiem contre le désastre écologique associé à la notre surconsommation effrénée et un appel à une saine gestion des pratiques urbaines. L’essai de Taïeb montre que ce qui est relégué aux confins, sous le couvert de saleté ou de dangerosité, peut se convertir en attribut de pouvoir et d’affirmation. Ainsi, la communication proposée montrera que l’archéologie urbaine à laquelle se prête Taïeb permet non seulement de faire émerger des ordures ménagères un grand parc récréatif naturel au goût du jour, mais aussi un espace de recueillement qui permet l’émergence d’une voix poétique féministe, elle aussi trop longtemps enclavée ou reléguée en périphérie. C’est dire que cette communication vise à tracer un parallèle entre le sens de nos rituels d’exclusion et l’expression littéraire de voix féminines souvent reléguées aux marges. Quels sont les liens qui unissent un territoire et une parole longtemps oubliés et méprisés ? Recycle la terre de Lucie Taïeb est une expérience sensible et féministe à dimension métaphorique. À terme, la présentation conduira à mieux saisir les rapports qu’entretiennent les sociétés modernes à leurs pratiques urbaines, mais de façon plus spécifique encore, les liens particuliers qui unissent un territoire et des voix ayant longtemps été camouflés, refoulés et aseptisés.