Paru en 1851, mais ignoré pendant près de 70 ans, le Moby Dick d’Herman Melville fait aujourd’hui l’objet de multiples études, notamment pour son caractère profondément allégorique. Afin d’apporter un nouvel éclairage de l’œuvre, nous allons nous demander de quelle manière la baleine blanche devient un symbole métaphysique et l’incarnation de la mort elle-même.
Nous croyons en effet que l’absence physique de Moby Dick dans la majorité du livre l’élève au rang d’Idée, de concept intelligible vers lequel tend Achab. Son ubiquité en fait également un être aux atours divins, omniprésent en tant qu’objectif à atteindre et mystère à percer, mais invisible à qui n’est pas philosophe. La baleine deviendrait l’incarnation de la vérité, une figure des profondeurs qui connaîtrait tous les secrets des sphères mortelles autant que divines, de la vie comme de la mort.
Analyser la mort en tant que concept philosophique, grâce aux ouvrages de Platon, Le Phédon, et de Jankélévitch, La Mort, permettra d’apporter une dimension supplémentaire à l’interprétation de Moby Dick. Il faudra nous attarder à l’étude des termes employés, au jeu sur les sonorités et aux figures de style, puisque selon Michel Picard : « la mort dans la fiction littéraire sera toujours métaphorique[1] ». Moby Dick deviendrait donc cet absolu que recherche tant Achab, symbole de la connaissance qui ne peut être atteinte que dans la mort.
[1] Michel Picard, La littérature et la mort, Paris, PUF (Écritures), 1995, p. 41.