546 - Outils d’accompagnement et d’évaluation des stagiaires en enseignement : place à l’introspection et à la prospection

Les superviseurs doivent conjuguer à la fois leur rôle d’accompagnateur et celui d’évaluateur. De fait, il nécessite d’une part, la mise en place de stratégies de régulation visant l’autorégulation de la part du stagiaire (Maes, 2021) et d’autre part, l’utilisation d’outils pour certifier de la compétence développée (Bélair et Leroux, 2015). Pour éventuellement porter un jugement éclairé sur les compétences développées, des grilles sont utilisées afin de conserver des traces tout au long des stages. Une recherche (Bélair et al, 2017, www.regroupementreeves.ca ) menée auprès d’enseignants associés a permis de dégager que les grilles présentes dans les guides de stage n’offrent pas systématiquement la garantie d’un jugement professionnel éclairé. Pour que ces outils puissent être de véritables piliers dans la fonction de supervision, diverses conditions sont à respecter dès la planification de leur conception. D'abord, il serait intéressant de définir leurs différentes raisons d’être et de les associer aux différentes postures possibles adoptées par les superviseurs (Colognesi et al, 2019). Il serait également souhaitable qu’ils aient été conçus dans un contexte collaboratif (Lebel et Bélair, 2018), à la suite de l’examen des outils existants (Bélair et al, 2017). Cette conférence invite donc à réfléchir sur les diverses étapes de la conception d’outils pertinents dans l’exercice de supervision, tant du point de vue de l’accompagnement que celui de la certification.

Dans le contexte de la formation des enseignants en Belgique francophone, les stages sont un élément incontournable des curricula, comme c'est le cas dans de nombreux autres territoires (Maubant et al., 2011). Afin de les évaluer, plusieurs instituts de formation clôturent la supervision par un temps de bilan sous forme de coévaluation. Mais les superviseurs, engagés comme formateurs sur la base de leur expertise disciplinaire, y ressentent une tension, au moment où ils doivent évaluer les étudiants (Maes et al., 2018, à paraitre). Dans notre contribution, nous apporterons des éléments de réponse à deux questions : (1) comment les superviseurs construisent-ils leur jugement évaluatif final lors de l’entretien de coévaluation ? et (2) Ce jugement rencontre-t-il les caractéristiques d’un jugement professionnel en évaluation ? Il ressort de nos résultats, issus d'une recherche doctorale, que le processus de construction du jugement évaluatif s’inscrit dans une dimension itérative et dynamique (Mottier Lopez et Allal, 2008). Le jugement produit se base sur les quatre caractéristiques suivantes : collecter et mettre en relation des informations, les interpréter, anticiper et apprécier les conséquences de la décision qui va être prise, et enfin, prendre la décision. Il apparait également que la singularité de la situation (Lebel, 2009) est prise en compte par le superviseur pour construire le jugement évaluatif. 

Avec la publication récente du nouveau référentiel des compétences professionnelles des enseignants au Québec (MÉQ, 2020), il incombe aux responsables des stages d’actualiser les outils d’accompagnement et d’évaluation des stagiaires implantés depuis 2001 (MÉQ, 2001). Depuis lors, plusieurs défis et enjeux associés à l’arrimage de l’évaluation des stagiaires à une approche par compétences perdurent et méritent d’être étudiés (Boyer, 2013; Lacasse et al., 2016). Dans le but de réfléchir à la question, le CFIM de l’Université de Montréal a initié en 2020 l’analyse des outils d’évaluation en stages dans différents programmes et universités au Québec. S’appuyant sur le concept d’évaluation des compétences professionnelles, et plus spécifiquement sur ses dimensions interprétative, développementale et formative (Legendre, 2007; Mottier Lopez, 2010; Tardif, 2006, 2017), cette présentation a pour but de dresser un portrait de ces outils et d’exposer certains constats ayant émergé de l’analyse d’outils dans 38 programmes au sein de 11 universités québécoises. Les résultats permettent de constater la diversité des outils, notamment au regard des types d’échelles d’appréciation utilisés, de la conceptualisation de la progression du développement des compétences et de la place accordée aux commentaires pour soutenir la progression des stagiaires. Des pistes pour ajuster les grilles d’évaluation afin qu’elles concordent davantage avec une approche par compétences seront aussi proposées.

Au début des années 2000, le Référentiel des compétences professionnelles (MEQ, 2001) a amené l’équipe du BEPEP de l’UQAC à procéder à une modification majeure de l’instrumentation relative à la formation pratique. Des changements importants ont été apportés aux outils d’accompagnement et d’évaluation. Aussi, un travail d’envergure a permis de définir une progression du niveau de maitrise attendu pour les douze compétences à travers les quatre années de formation. Récemment, à la suite de la modification institutionnelle du programme, le modèle d’accompagnement des stagiaires a été révisé. À la lumière des orientations ministérielles, l’équipe s’est dotée d’un modèle s’appuyant sur les réalités de la classe et sur la complémentarité des expertises des enseignants et des professeurs responsables des activités d’enseignement universitaires. Celui-ci met de l’avant certains principes issus de l’analyse de l’activité (Clot, 2007) et repose sur les éléments suivants : la réflexion sur l’action (Schneuwly et Thévenaz-C., 2006), la contextualisation des savoirs théoriques, didactiques et pédagogiques (Portelance, 2008) et différents types d’intervention pour mieux accompagner (Paul, 2009). Cette communication présentera le modèle de la progression des compétences sur les quatre années de formation, le type d’accompagnement préconisé, incluant les fondements qui le sous-tendent, et quelques exemples d’outils récemment modifiés.

Après deux décennies d’implantation dans les universités québécoises, l’évaluation des compétences professionnelles rencontre encore de nombreux défis (Lacasse et al., 2014). À l’Université Laval, le premier défi est le grand nombre de formateurs intervenant au BES. Ces derniers évoluent dans des milieux physiques différents ce qui freine les possibilités de rencontres afin de définir des attentes communes (Desbiens et al., 2012). Un deuxième défi réside dans le fait que les formateurs, pour rendre compte de la complexité d’une compétence, devraient pouvoir s’appuyer sur des méthodes d’évaluation s’appuyant sur les caractéristiques des compétences. Finalement, la littérature pointe un troisième défi de taille soit la variabilité des niveaux de compétence selon les contextes (ten Cate et Scheele, 2007). Un stagiaire pourrait montrer un certain niveau de compétence en stage III, mais éprouver des difficultés majeures dans un contexte professionnel différent en stage IV. Avec l’arrivée du nouveau référentiel, l’équipe des stages s’est intéressée à ces défis. Elle a mené une consultation auprès des formateurs pour développer une vision partagée des attentes. Pour ce faire, elle a mis sur pied un dispositif de consultation s’appuyant sur la méthode Delphi (Lacasse et al., 2014) qui permet de réunir un grand nombre d’experts. Le dispositif qui s’appuie sur un cadre théorique et méthodologique sera présenté ainsi que les résultats préliminaires de cette consultation.