539 - Sémiotique : jouer avec des signes, créer du sens, appréhender le monde

La sémiotique, en tant que savoir, est, pour l’essentiel, un corps de théories, de méthodes et d’applications. Théories, méthodes et applications présupposent une épistémologie (conçue comme théorie de la connaissance scientifique, du moins rationnelle), laquelle présuppose une gnoséologie (conçue comme théorie de la connaissance en général). Notre communication touchera les trois corps et la gnoséologie. Prolongeant nos livres (sous presse, 2019 et 2007), agissant en « cartographe de la sémiotique », nous comptons présenter dans cette communication une synthèse-avancée sur les principales matières possibles pour la connaissance et l’enseignement de la sémiotique. Nous aborderons principalement les points suivants : définitions du mot « sémiotique », du sémiotique et de la sémiotique ; situation de la sémiotique dans les savoirs et disciplines ; subdivisions de la sémiotique ; théories, méthodes et applications. La carte qui sera dessinée couvre des territoires méconnus ou inconnus. En ressortira notamment – apport important à une gnoséologie sémiotique – une manière inédite de situer le sémiotique dans les « niveaux anthropiques » (relatifs à l’humain) du « réel ».

Depuis 2004, nous avons développé, en collaboration avec Louis Hébert (UQAR), le projet global de décrire et de caractériser sémantiquement les quelque 2000 œuvres du peintre belge Magritte à partir de la base de données Internet Magritte. Toutes les œuvres, tous les thèmes (Hébert, 2003-2013). Cette base rend accessible et manipulable la quasi-totalité du corpus de l’artiste. Mais l’apport essentiel de la base réside dans l’inventaire exhaustif et fréquentiel du mobilier « ontologique » des images de Magritte : à l’aide de l’analyse sémique (Rastier) et du concept de figure iconique (Groupe Mu), tous les éléments présents dans chaque œuvre (pomme, femme, chapeau, etc.) ont été répertoriés (environ 3 000 éléments types différents se manifestant 43 500 fois environ dans tout le corpus). Cette technométhodologie innovante permet une approche inédite du corpus magrittien, en renouvelant les perspectives et les regards sur celui-ci (v. Hébert, Michelucci et Trudel, 2018), notamment dans la découverte et la compréhension de l’œuvre et dans les analyses sémiotiques des images (v. notamment Chartier et al., 2019). Nous présenterons la base de données et le protocole de l’analyse sémantique des images, et en ferons ressortir l’utilité dans l’apprentissage des œuvres de Magritte et dans celui des œuvres visuelles en général. Nous montrerons enfin que cette approche informatique de l’art contribue à innover en sémiotique visuelle.

Cette communication propose de reconsidérer les tropes de l’ancienne rhétorique et leur fonction dans la création des images, du langage et de l’écriture dans l’Égypte pharaonique. Il ressort de l’étude de la genèse du vocabulaire égyptien que, loin d'être de purs exercices rhétoriques, la synecdoque, la métonymie et la métaphore correspondent aux processus sémio-cognitifs conditionnant, a priori, tout acte de production de sens. Il y a donc un rapprochement notionnel entre les trois grands tropes et la tripartition peircienne définissant les rapports entre objet et 
représentamen, en tant que fonctions sémiotiques générant du sens au moment de son émergence cognitive et antérieurement à la création d’un type phénoménologique.
 Ceci permet de redéfinir les caractères fondamentaux des notions d’icône, d’indice et de symbole, en termes de partialité (opération méréologique), contiguïté (liaison prédicative) et fusion (transfert 
ontologique), plutôt qu’en termes de ressemblance, contiguïté et convention. La “ressemblance” de l’icône est subséquente à la sélection méréologique, tout comme la “convention” qui ancre le transfert de sens d’un objet source à un objet cible dans la formation du symbole. La redéfinition de la trichotomie peircienne à l’aune des caractéristiques tropologiques constitue une avancée théorique qui optimise l’efficacité de mes pratiques pédagogiques en matière  d’art et de sémiotique visuelle, et pourrait s’avérer utile dans d’autres domaines.

La recherche innovation en question développe un partenariat entre des chercheurs suisses et marocains (HEP BeJuNE à Bienne en Suisse et université Chouaib Douhkkali à El Jadida au Maroc), des docteurs et doctorants ( laboratoire LERIC, UCAR 57) et une association caritative primée par l’État pour la qualité de ses projets, Dar Al Amal,  maison de l’espoir qui accueille les Enfants de la rue. Scolarisés, ils ont un toit mais passent une partie conséquente de leur temps non scolaire dans la rue car leur maman est isolée. Le projet subventionné concerne la question de la médiation culturelle et artistique en faveur d’un public très défavorisé d’élèves de primaire: en l’occurrence, Il s’agit de développer un espace de partages culturels autour du conte par un dispositif de tutorat (au centre) et de biblioconte (bibliobus ambulant) permettant à des tuteurs d’une douzaine d’années d’apprendre à lire des contes à haute voix, à les sémiotiser dans un espace interprétatif,  à les offrir à un auditoire (pupilles de 8 ans puis auditoire adulte) et à construire un appareil pédagogique lié (questions, jeux, spectacle, kamishibai). Notre contribution présentera le dispositif du tutorat-conte, le choix du corpus littéraire et leur impact sur le développement des compétences sémiotiques  d’un public très précaire qui doit développer une capacité à comprendre et à interpréter les signes afin de  saisir l’altérité  et faire évoluer son rapport au monde et à soi.

Cette communication reprend des données empiriques d’une thèse en Sciences de l’Éducation qui questionne la mesure de l’impact des contenus d’enseignement sur les adolescents. Elle fait référence à la théorie instrumentale de Vygotski qui précise que langage et concepts sont des instruments de la pensée et qui différencie concepts quotidiens et concepts scientifiques dans la qualité des signes utilisés. Nous supposons que si nous relevons le discours c’est à dire les mots, schémas, dessins et modèles utilisés par les élèves dans la Zone de Plus Proche Développement et que nous déterminons leurs types de pensée alors nous serons capables d’apprécier le niveau de construction du concept considéré pour chacun d’eux. Notre objet d’étude est le concept d’atome. Nous avons analysé 660 questionnaires d’élèves de la classe de 5^ème à la terminale en découpant le discours employé en trois registres : microscopique, mésoscopique et macroscopique. Nous les avons ensuite rapprochés des trois types de pensée de Vygotski: pensée par Tas, par Complexe et par Concept. Nos résultats ont permis d’établir un profil général relatif par niveau de classe sur le concept d’atome. Nous avons pu montrer que la sémiotique, en particulier la qualité des mots employés était liée au sens. L’étude des signes a permis de valider notre hypothèse et de se questionner sur l’apprentissage.

L’évolution et les transformations des représentations d’objets abstraits constituent l’un des moteurs du symbolisme mathématique. Duval souligne d’ailleurs que, au-delà de la communication ou l’évocation d’objets abstraits, le traitement d’informations dans le but de « produire de nouvelles connaissances » (Duval, 2006) constitue la fonction première des représentations en mathématiques. Nous proposons un modèle d’analyse sémiotique qui aide à préciser les représentations et les raisonnements des étudiants au regard de ceux attendus par l'enseignant et l'institution. En nous inspirant de l’identification entre raisonnement mathématique et raisonnement diagrammatique envisagée par Peirce et en nous appuyant sur une mathématisation de sa sémiotique triadique (Marty, 1990), nous construisons et exploitons un diagramme donnant à voir de manière schématique et éclatée ce processus d'une pensée en mouvement à l'aide d'une description de moments isolés d'une production d’un raisonnement mathématique (Lalaude-Labayle, 2016). La construction de ce diagramme s’appuie sur une analyse didactique et mathématique a priori de la situation à laquelle sera confrontée un étudiant. Son utilisation permet d'articuler les cadres (Douady, 1987) et registres sémiotiques (Duval, 2006) envisageables par l'étudiant et, à l’aide du treillis des classes de signe (Marty, 1990), d’identifier différentes sémioses possibles.

En chimie de l’environnement, des auteurs d’ouvrage utilisent souvent la même représentation iconique ou le même langage quotidien pour le macroscopique et le microscopique, sans préciser à chaque fois, les structures praxéologique et théorique en jeu. En éducation environnementale, cela peut être source de difficultés dans la conceptualisation de la chimie. L’objectif de ce travail consiste donc à identifier de tels types de représentations dans l’étude du phénomène d’effet de serre. Nous avons donc procédé à deux types d’analyses d’un ouvrage de chimie de l’environnement de De Boeck Supérieur et à une investigation auprès de 22 élèves-professeurs.

Les résultats de l’analyse sémiotique, au sens de Peirce, montrent l’existence de modèles macroscopiques explicatifs et microscopiques interprétatifs, mais à partir des mêmes types de signes iconique et symbolique. Par contre, l’analyse écologique des savoirs, montre une hiérarchisation des occurrences des trois niveaux de la chimie au sens de Johnstone. Les résultats auprès des élèves-professeurs, montrent la nécessité d’un emboitement de modèles moléculaires

L’enseignement de la chimie est confronté à la construction du savoir sur une structure microscopique de la matière inaccessible à la perception. Notre recherche porte sur la construction de l’atomicité des molécules et la modélisation de leur structure par les élèves de 4^ème. Notre question était de savoir dans quelle mesure le raisonnement par le triptyque SOI (signe-objet-interprétant) de la sémiotique de Peirce permet aux élèves d’interpréter des résultats expérimentaux comme signes indiciels de l’existence d’un objet invisible dont le signe iconique permet la figuration, et donc la modélisation, dont la représentation symbolique.

Nous présentons les premiers résultats d’une étude exploratoire faite avec 31 élèves de 4^ème du Lycée Bilingue d’Etoug-Ebe de Yaoundé. Les résultats mettent en évidence le pouvoir tutélaire du signe iconique dans la construction d’un raisonnement scientifique chez les élèves. Certains signes dans le comportement des élèves nous permettent de dire que ce signe a joué un rôle heuristique sur leur apprentissage en leur permettant de comprendre le concept d’atomicité et par là-même la nature du savoir chimique. Ces résultats ouvrent la voie vers une nouvelle transposition didactique d’autres concepts de la chimie, notamment dans des établissements pauvres, en grands groupes, où l’expérience de pensée remplacerait l’expérience matérielle grâce au raisonnement par la sémiotique de Peirce.

La notion de contexte, négligée par les approches d’inspiration structuraliste, se trouve au centre des préoccupations de la linguistique du discours dans la mesure où le processus de sémiotisation, tant en réception qu’en production,  ne peut faire l’impasse sur le contexte d’énonciation.  L’objet de recherche de la linguistique et de la sémiotique tend à être avec l’avènement des approches énonciative, pragmatique et sémiotique l’étude de la parole dans son rapport au contexte dans lequel elle est mobilisée (Maingueneau, 2007). L’approche communicative considère les actes de langage comme l’unité sémiotique de base de tout enseignement à visée communicative. Les programmes inspirés par les Niveaux Seuils (conseil de l’Europe, 1976) sont centrés sur la notion d’acte de parole (Courtillon, 1985).

La perspective actionnelle, appuyée par l’apport de la linguistique du discours (Richer, 2012), privilégie le texte comme unité de communication. Les actes de langage ne peuvent  rendre compte de la complexité de l’action langagière. Rares sont, en effet, les situations de communication dans lesquelles on peut repérer des actes de langage employés séparément. Le fait de chercher à lier le langage à l’action sociale impose aux linguistes le recours à des unités sémiotiques de niveau supérieur (le texte) : il s’agit de penser à articuler davantage les énoncés à la situation de leur production et à la finalité sociale à laquelle ils sont liés (Conseil de l’Europe, 2001).

L'apprentissage tout au long de la vie et l’éducation des adultes sont aujourd'hui largement reconnus comme facteurs clés pour relever les défis auxquels les individus et les sociétés sont confrontés à l'échelle mondiale. L’objectif de cette communication est de présenter un guide méthodologique pour une approche innovante dans le domaine de la formation des formateurs d’adultes en alphabétisation fonctionnelle. Ce guide  s’appuie sur deux cadres théoriques, la sémiotique et la didactique professionnelle, permettant d’étendre le processus d’alphabétisation aux apprentissages  et à leur évaluation.

Qualifié d’approche sémio-didactique pour la formation des adultes, le guide comporte huit étapes interdépendantes :

• Analyse de besoins de la population.
• Conception d’un sénario de formation : apprentissage des lettres (bien choisir les premières lettres), apprentissage du calcul via l’activité de travail, développement d’une approche socio-culturelle en relation direct avec la nature de l’activité (avant formation).
• Réalisation de la tâche prescrite (pendant la formation).
• Analyse de l’activité de travail (après formation) à travers le récit : reconstruction du tableau des signes (pendant formation), construction et rectification du tableau des tâches.
• Réalisation de la seconde tâche prescrite (après régulation).
• Validation du tableau des signes par les apprenants.
• Evaluation des apprentissages.
• Régulation suite à l’analyse des résultats de l’évaluation.

L’investissement en capital humain et la valorisation des ressources naturelles est une nécessité incontournable pour inciter toute population locale à participer à l’effort du développement de leurs territoires et d’agir en tant qu’acteur économiques actifs pour l’amélioration de leurs conditions de vie socio-économique. Notre étude se focalise sur le développement des savoir et savoir-faire à partir d’une activité de distillation et valorisation des Plantes Aromatiques et Médicinales  (PAM) pour un groupe des femmes rurales faiblement scolarisées  ou pas du tout, habitant une zone rurale au nord-ouest de la Tunisie. Pour cela, la formatrice a conçu des séances de formations en mobilisant des outils de la théorie sémiotique de C.S. Peirce.

Nous présenterons des résultats de ce travail sémio-didactique professionnel d’alphabétisation fonctionnelle où les apprenantes mobilisent leurs connaissances et savoir-faire de tous les jours pour construire un nouveau système de signes, base de modélisation scientifique, leur permettant de comprendre et de s’approprier au fur et à mesure la technique de distillation selon le standard qualitatif international ISO 9001 (objets, actions sur les objets, effets produits et leur maitrise à bon escient, représentations symboliques). Nous montrerons comment cette approche sémio-didactique peut être transposée à d’autres domaines de formation professionnelle et en améliorer l’efficience.

Face aux enjeux complexes auxquels nous sommes confrontés, les scientifiques peuvent jouer le rôle d’innovateurs. Cependant, la résolution de problèmes complexes requiert une multitude de points de vue alors que la pratique scientifique actuelle est limitée à l’utilisation d’un seul point de vue par texte. Notre recherche explore donc la sémiologie graphique (Bertin, 2013) pour adapter notre pratique scientifique afin d’intégrer plusieurs points de vue dans un même texte.

Pour ce faire, nous explorons les projections qu’utilisent les chercheurs dans leur texte. Nos résultats montrent que trois projections sont utilisées par les chercheurs et qu’elles modifient la représentation du sujet, la forme d’écriture ainsi que le sens des mots. Elles servent de point commun à partir desquels les chercheurs peuvent concilier plus facilement leurs travaux en considérant un texte comme une expérience d’éducation (Dewey, 1938; Kolb, 1984). L’intégration de plusieurs points de vue dans un texte produit une iconographie dynamique du sujet d’étude, soit des données holographiques.

Bref, cette recherche permet de mieux comprendre l’usage des concepts et outils d’analyse sémiotique que sont les projections, surtout pour les étudiants et les chercheurs. De plus, elle permet de mieux comprendre le processus de co-construction d’un système de signes et son sens. L’utilisation simultanée de plusieurs projections produit des représentations en 3D qui facilitent la résolution de problèmes complexes.

Les échecs scolaires en français et en mathématiques indiquent parmi plusieurs problèmes des difficultés reliées à la lecture et au raisonnement (Dumortier, 2014). Entre autres, elles sont liées à la résolution de problèmes (Jeanotte (2015) et à l’application des connaissances (Duval, 2013). Au-delà du calcul, il importe de comprendre les relations reliant les différents éléments du texte. (Barrouillet, Catherine Thevenot, 2009). Un défi conceptuel s’ajoute à celui de la lecture : la transformation du langage naturel en langage formel (Sáenz-Ludlow, 2006). L’hypothèse soulevée propose l’utilisation de romans d’enquête et de jeux de logique pour favoriser la résolution de problèmes.

Les théories du signe (Peirce, 1992), de la découverte (Robert, 1992) et de la pensée incarnée (Lakoff et Nunez, 2000) peuvent nous renseigner sur l’appréhension du monde et de ses problèmes. Ainsi, nos pensées ancrées sur nos expériences journalières utilisent la métaphore pour effectuer un processus permettant la pensée abstraite.Par exemple, les classes sont conceptualisées en terme de schéma de contenants qui structure et catégorise l’espace (Lakoff et Nunez, 2000).

Le but de la recherche est d’analyser, de manière sémiotique et métaphorique, les représentations d’enquête et de raisonnement dans des romans, des jeux et des manuels, pour modéliser ultérieurement cette dimension chez des élèves du premier cycle du secondaire.

Se situant dans l’axe 1, notre proposition veut justifier la capacité de la sémiotique à recentrer l’enseignement sur l’activité personnelle des sujets apprenants dans leur propre démarche d’appropriation et de construction de connaissances scientifiques (Lautesse, 2019). Dans ce contexte nous utiliserons la théorie sémiotique des textes narratifs de U. Eco (Eco, 1985) pour caractériser l’activité cognitive, mais aussi l’engagement affectif des sujets-étudiants dans leur construction d’une encyclopédie épistémologique de « Lecteur Modèle » élaborée sur la base de leur « encyclopédie personnelle » initiale. Dans un second temps nous testerons l’applicabilité de ce cadre théorique pour analyser les enjeux d’une production vidéo conçue et réalisée par un groupe d’étudiants (Tuaillon, 2019). Prenant appui sur la lecture narrative et épistémologique préalable d’un récit de fiction de G. Egan Isolation (Egan, 2000), mettant au centre de l’intrigue la question de la réduction du paquet d’ondes, un groupe d’étudiants a choisi de mettre en scène le conflit d’interprétation qui se joue autour de la question controversée de l’observation en Mécanique Quantique (MQ). Un entretien postérieur avec un groupe d’étudiants amènera à interroger la pertinence et la validité d’une telle activité, au regard de la compétence épistémologique que les enseignants souhaitent introduire auprès des étudiants, à savoir un discours réflexif critique sur les concepts et principes de la MQ.

Jeux de signes au cœur de l’album Et si on inventait des nombres ?. Jeux de langage avec les expressions, mots et sons des nombres. Jeux graphiques avec les chiffres pour construire des personnages, objets ou attitudes.

Pour l’interpréter j’utilise les rapports entre symbolisme, réel et imaginaire, développés par la sémioticienne Nicole Everaert-Desmedt en appui sur les concepts de Peirce. Je m’appuie également sur la conception sémiotique de la transposition didactique développée par le didacticien François Conne. Dans cette perspective l’imagination constitue une ouverture dans le mouvement interprétatif, une telle ouverture est un effet du signe, et en particulier d’un signe iconique. Si l’imagination est une ouverture, la compréhension est une fermeture sur une habitude à penser-agir-sentir d’une certaine manière. Et les idées que l’explication évoque, explicitement ou non, sont le joint entre imagination et compréhension, sur lequel pourront s'effectuer des réinterprétations (Conne, 2006, 2008).

Ma lecture de l’album contribue ainsi à expliciter comment les jeux de signes font écho à des principes historiques de construction des nombres et au processus d’invention en mathématiques. Elle montre comment la rencontre de l’imaginaire et des codes « conduit à une nouvelle appréhension du réel, […] une nouvelle connaissance, une modification de la façon de penser, d’agir, de sentir […] » l’initiation aux nombres des jeunes enfants (Everaert-Desmedt, 1990, 2006).

Cette communication propose d’expliquer le cadre théorique et les concepts phénoménologiques dans lequel s‘inscrit la sémiotique autochtone depuis des temps immémoriaux, grâce au symbole primordial du Cercle de Vie. Ensuite, d’explorer ensemble le langage des signes et de pictogrammes en faisant vivre aux congressistes un atelier d’immersion par la création d’un nouveau symbole, porteur de message. Un retour sur l’expérience vécue et les apprentissages de co-construction nous permettront par une formule d’herméneutique instaurative, de résumer les subtilités méthodologiques de la « pédagogie par symboles » et d’entrevoir par son approche perceptivo-sensorielle inspirée de la cosmovision autochtone comment s’enclenche le processus créatif d’apprentissage qui sous-tend la pratique. Grâce à une éthique communicationnelle issue d’une coutume autochtone, les congressistes pourront « se passer le bâton de la Parole » afin de théoriser des connaissances et des savoir-faire expérientiels dans le but de consolider leurs apparentements existentiels. Ce dialogue transdisciplinaire et transculturel entre l’art vivant et l’éducation, la formation et la psychosociologie pourrait devenir une démarche d’accompagnement, de transmission et de transformation. Dans ce cas, la « pédagogie par symboles » pourrait servir de modèle adaptable dans divers milieux et environnements afin de contribuer à une autonomisation de la pensée et à un nouveau rapport à soi et au monde.