Michel Serres (2013), dans son ouvrage Petite poucette, parle du numérique comme d’une nouvelle révolution culturelle. Pourtant, en lisant avec attention ses écrits, il décrit les conséquences de l’utilisation du numérique à l’école comme la fin d’une tête bien faite et comme l’apogée du vide (Lipovetski, 1983). Selon lui, les individus n’auraient plus besoin d’apprendre pour transmettre, mais seulement de stocker le savoir dans un ordinateur et, au besoin, n’auraient qu’à chercher ce savoir sur le disque dur. Entrons-nous réellement dans l’ère du vide culturel ou devenons-nous éduquer les élèves au numérique et aux supports numériques? Au lieu d’entrer à l’école de manière maîtrisée, le numérique est considéré par les enseignants comme un outil indomptable et anarchique devant les remplacer dans l’avenir. Les résistances sont nombreuses. Mais les angoisses liées au numérique sont différentes, car elles touchent à l’activité et à la pratique de l’enseignant. Les enseignants, les formateurs, se sentent dépossédés de leur outil de travail, à savoir la connaissance. Désormais, pour apprendre, l’élève a tout à portée de main dans son ordinateur, sur sa tablette ou son téléphone. En effet, jusqu’à présent, les enseignants étaient dépositaires du savoir. Aujourd’hui, ils imaginent que faire travailler des élèves avec des outils numériques les en dépossède. Certes, les élèves peuvent accéder à la connaissance par d’autres truchements que celui de l’école. Toutefois, il ne faudrait pas confondre information, connaissance et savoir. L’acquisition du savoir oblige l’élève à faire un effort intrinsèque pour transformer les informations réticulaires en savoirs, pour se les approprier singulièrement. L’hominisation du savoir passe par la médiatisation de l’enseignant. Il est donc intéressant de comprendre la place de l’enseignant dans la triangulation élève-savoir-numérique.
Le lundi 27 mai 2019