Informations générales
Événement : 87e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Les phénomènes pathologiques, de marge, d’exclusion, de déviance et de transgression ont été étudiés par la sociologie en tant que révélateurs des normes sociales. La délinquance, la folie et la pauvreté se sont érigées en objets privilégiés de ce que l’on a nommé la « sociologie de la déviance ». Ce type d’analyse du social a constitué une grande stratégie pour soulever la normativité : la considérer par son « envers ».
Bien que cette stratégie conserve sa pertinence, différents défis lui sont posés, tant sur le plan de la réalité des phénomènes concrets à saisir que devant l’affinement des cadres conceptuels qui cherchent à lire la normativité. La diminution de la référence aux interdits et la multiplication de repères « positifs » comme l’autonomie, la responsabilité, la performance, l’adaptation, la santé mentale composent aujourd’hui le climat normatif dans lequel évoluent les individus. Ces injonctions de conduite tendent à modifier les grilles de lecture de la normativité sociale et nous poussent à repenser différemment les formes d’action au quotidien.
Ce colloque propose de réfléchir à la normativité sociale dans son « endroit », et ce, à partir d’une diversité d’objets. Il s’agit ainsi d’une invitation à faire le pas vers une analyse sur le plan de la conformité en soulevant les différentes problématiques contemporaines qu’elle évoque : qu’est-ce qu’un « bon » patient? Qu’est-ce qu’une sexualité « épanouie »? Comment se conduit un jeune adolescent « exemplaire »? À « quoi performe » un individu performant? Qu’est-ce qu’une masculinité « saine »? De manière plus large, que peut nous apporter la sociologie des problèmes sociaux afin d’éclairer les conformités contemporaines? Plus encore, comment analyser la normativité sociale dans les phénomènes de normalité, c’est-à-dire en ajoutant l’étude de la conformité à l’étude de la marge ou de la transgression?
Date :- Lisandre Labrecque-Lebeau (CREMIS)
- Pierre Pariseau-Legault (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Programme
Introduction et conférence d’ouverture de l’avant-midi
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Communication orale
Mot de bienvenueLisandre Labrecque-Lebeau (CREMIS)
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Communication orale
Conférence d'ouverture: Le sociologue et sa licorneMarcelo Otero (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Comment peut-on distinguer les singularités légitimes (différences, dissemblances, raretés, etc.) des figures du désordre (déviances, pathologies, anomies, etc.) qui activent la « main invisible de l’intervention » des sociologues aussi bien conservateurs que critiques ? Quelles sont les conditions normatives actuelles de l’inquiétude, l’étonnement et l’indignation des sociologues ? Comment bascule-t-on de la série « observer, comprendre et laisser être » à celle « s’inquiéter, analyser et intervenir » ? Comment penser le contexte normatif actuel en termes de fonctions liminaires (possible-impossible, pensable-impensable, etc.) et d’interfaces (humain-non humain, social-psychologique, conforme, déviant, etc.) ? Comment peut-on « lire » notre manière de lire le social ? Nous ferons appel à Borges et Foucault pour aborder ces questions.
Socialiser les membres : les âges de la vie
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Communication orale
«Qu’est-ce qu’une bonne mère? Une réflexion sur l’apport des approches féministes pour l’étude des injonctions sociales relatives à la maternité»Sandrine Vallée-Ouimet (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Le modèle de la maternité idéale est une conception évolutive retrouvée dans toutes les cultures et toutes les femmes se positionnent, de façon consciente ou non, par rapport à ce modèle. Actuellement, le modèle idéal de la maternité propose que l’enfant soit central à la vie de la mère. Cette conception de la maternité cherche à éliminer toutes formes de risque entourant la santé de l’enfant. En contexte postnatal, l’alimentation, plus spécifiquement l’allaitement, serait au centre du discours portant sur les comportements de santé de la « bonne mère ». La littérature scientifique suggère ainsi qu’il existe une forte association entre l’image de la bonne mère et l’allaitement. À travers ces représentations de la « bonne maternité », de surcroît appuyée par de nombreuses recommandations officielles, qu’advient-il des mères qui optent pour des alternatives à l’allaitement maternel? Cette discussion est inspirée des résultats préliminaires d’une recherche portant sur le parcours de mères qui choisissent des alternatives à l’allaitement maternel exclusif dans un contexte culturel favorable à l’allaitement. Une discussion théorique à partir d’une posture féministe sera appuyée d’exemples empiriques issus de cette recherche. En somme, cette réflexion vise à exposer la culture dominante de l’allaitement, le concept de la maternité intensive et la négociation à la norme sociale de l’exclusivité de l’allaitement chez les mères qui optent pour des alternatives.
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Communication orale
«Négligence : Qu’entend-on par supervision (in)adéquate?»Emilia Gonzalez (Département de psychiatrie, McGill), Carl Lacharité (Département de psychologie, UQTR), Vicky Lafantaisie (Université du Québec en Outaouais), Mónica Ruiz-Casares (Département de psychiatrie, McGill)
Le manque de supervision est le type de négligence le plus fréquent en protection de la jeunesse au Canada (Ruiz-Casares et al., 2012). Il n’est cependant pas simple de définir ce qu’est une supervision adéquate, particulièrement en contexte de diversité culturelle. Qu’est-ce qu’un parent doit faire (ou ne pas faire) pour que l'on considère que sa conduite est acceptable au Québec ? Comment négocier cette norme en considérant les différents repères socioculturels ? La présente étude a exploré, à partir de 22 focus group, comment des adolescent.e.s et des parents (des Québécois appartenant à la culture dominante – francophone –, des Autochtones, des immigrants de 1re et de 2e génération issus des communautés afro-caribéennes, sud asiatiques, et latino-américaines) et des intervenant.e.s de différentes organisations (milieu scolaire, services sociaux, services de santé et services de police) se représentent la négligence de supervision. À la fin de chaque focus group, les participant.e.s devaient déterminer si, dans les courtes mises en situation présentées, il y avait présence de négligence. Une réponse fréquente était : « ça dépend ». Ils et elles ont relevé de nombreux éléments personnels et contextuels à considérer pour pouvoir déterminer si la situation nuit à la sécurité et au développement de l’enfant. La présente communication décrira ces éléments et en explorera les implications pour le travail d’évaluation de la négligence en protection de le jeunesse.
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Communication orale
«Tomber amoureux dans la soixantaine, une expérience de conformité?Chloé Dauphinais (Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations)
Dans la seconde moitié du 20e siècle, les transformations survenues dans la sphère conjugale ont mené à un éclatement des normes et des cadres jusque-là établis. Cette libéralisation des mœurs a eu pour effet de légitimer de nouvelles façons de « faire couple ».
Ces changements ont été étudiés chez les plus jeunes, alors même que la diversification des trajectoires conjugale s’étend aux différents âges de la vie. Qu’en est-il des expériences vécues plus tardivement dans le parcours de vie? Que peuvent-elles nous apprendre sur les normes sociales entourant la vie amoureuse et conjugale? Une nouvelle relation conjugale vécue plus tard dans la vie est-elle nécessairement libérée d’une certaine pression de devoir construire son avenir? L’instabilité conjugale et la complexification des vies amoureuses observées dans les dernières décennies sont-elles l’expression d’une moins grande importance du couple ou, au contraire, l’expression d’exigences accrues?
Cette présentation sera l’occasion d’explorer ces questions, je me baserai notamment sur les résultats de mon mémoire portant sur la (re)mise en couple vécue lorsqu’âgé∙e dans la soixantaine. Les attentes et représentations sociales entourant le couple seront donc aussi abordées au croisement des nouvelles injonctions entourant l’âge de la retraite. S’intéresser aux expériences et parcours de Baby-boomers permet de saisir un regard tant rétrospectif qu’actuel sur les normes conjugales.
Faire corps, faire couple
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Communication orale
«Du superfood movement au Fat Activism. Obésité, promotion d'un poids-santé et biosocialités»Anouck Alary (UdeM - Université de Montréal)
Visant à produire des comportements sains en matière de consommation alimentaire et d’activité physique, les stratégies de santé publique entourant l’obésité déploient une logique de responsabilisation des citoyens dans la surveillance de leurs risques de surpoids. Face à des injonctions faisant de la gestion de son poids un enjeu d’inclusion sociale, ont émergés de nouvelles biosocialités constituant diverses manières pour les individus de négocier leur rapport aux normes instituées. Celles-ci vont de l’adhésion aux normativités portées par la santé publique (les foodies rejoignant certains discours santéistes) à une résistance à celles-ci (le Fat Activism se réappropriant le stigmate associé à la corpulence pour la revaloriser), en passant par le recours à la chirurgie bariatrique afin de réduire la distance entre le corps réel et le corps normal. Si ces stratégies sont contradictoires, elles ont pour point commun de faire de la catégorie médicale du surpoids l’enjeu d’une redéfinition du rapport à soi et aux autres. En interrogeant les injonctions de conduite portées par la santé publique, cette présentation visera à saisir le contenu du cadre normatif de référence dans lequel ces biosocialités se manifestent. Il s’agira de montrer comment l’individualisation des interventions de santé publique, en définissant le « bon citoyen » comme responsable, autonome et proactif dans la gestion de son poids, favorise l’émergence de nouvelles formes de biocitoyenneté (Rose, 2007).
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Communication orale
«La « bonne » victime de violences sexuelles : les impacts de ses représentations en contexte d’intervention médico-socio-légale»Marie-Ève Brunet (Université Laval)
Les dernières années ont été marquées par de nombreux dévoilements en lien avec les différentes formes de violences sexuelles. Qui sont ses victimes qui se sont dévoilées ? Comment sont-elles perçues aux lendemains du mouvement #metoo? Surtout, comment sont-elles reçues par les autorités (médicales, sociales et policières) à la suite d’une agression ? Cette communication sera l’occasion d’effectuer un bref retour sociohistorique sur la construction du concept de victime (de violences sexuelles) et, ainsi, relever les sources de tensions morales particulièrement dans le contexte de l’intervention médico-socio-légale qui conjugue à la fois le travail des forces policières, du monde médical et de l’intervention sociale. Explorer les représentations de la « bonne » victime – ou de la victime « normale » – de violences sexuelles au sein de chacun de ces groupes d’intervention permet d’effectuer un premier pas vers une compréhension des enjeux spécifiques à cette forme de travail concerté.
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Communication orale
«Les ententes d’exclusivité sexuelle chez les couples d’hommes : entre l’émancipation du modèle hétéronormatif et les risques de violence»David Guillemette (Université Laval), Valérie Roy (Université Laval), Sylvie Thibault (UQO - Université du Québec en Outaouais), Cécily Tudeau (Université Laval)
Le mariage des conjoints de même sexe est légal au Canada depuis 2005, alors que la filiation est déjà reconnue par législation au Québec depuis 2002 (Lardoux, Boulet & Greenbaum, 2017). Ces changements majeurs marquent l'aboutissement de certaines des revendications pour les droits des personnes LGBTQ. Cette reconnaissance vise la normalisation de ces relations amoureuses dans le contexte d’un modèle hétérosexuel dominant, où le précepte de monogamie s’impose. L’expérience de plusieurs hommes GBT, rencontrés dans le cadre d’une étude sur la violence dans les relations intimes et amoureuses, suggère des tentatives de négociation face à ce modèle, notamment sur le plan des ententes d’exclusivité sexuelle. Les propos recueillis mettent en évidence que plusieurs hommes accordent de l’importance aux ententes d’exclusivité sexuelle, lesquelles peuvent être en cohérence ou non avec la norme sociale dominante. Or, nos résultats démontrent que des négociations et des bris d'ententes d’exclusivité sexuelle entre les partenaires peuvent être associés à des épisodes de violence (Hoff et Beougher, 2010). Les résultats de l’étude seront discutés afin d’apporter un éclairage sur la complexité du phénomène de la violence chez les couples d’hommes, et de soulever certains des enjeux concernant la résistance ou l’adhésion aux normes sociales.
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Communication orale
«Des normativités sexuelles genrées : Analyse comparée des magazines féminins et masculins»Laurence Morin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La sexualité contemporaine serait marquée par la diversification des repères normatifs, la multiplication d’injonctions positives et l’individualisation des normes, signalant une nouvelle normativité sexuelle où la sexualité épanouie serait signe et instrument d’épanouissement. La sexualité est un thème central des magazines grands publics, espace de circulation des normes sexuelles prédominantes, qui reconduisent une définition du souhaitable sexuel. Ces cadres normatifs, orientant l’action vers une sexualité épanouie-épanouissante (SÉÉ), sont solidifiés par des injonctions visant à forger des savoirs-faires et techniques spécifiques. Ils représentent un espace privilégié pour penser la normativité sexuelle dans son endroit. Si les magazines entérinent des modèles d’actions et de significations sexuelles, ils relaient des normes contradictoires, variant en fonction des lecteurs visés et produisent différentes normativités sexuelles. Je propose de penser la construction différenciée de normativités sexuelles selon le genre des publics cibles pour interroger les définitions du « souhaitable sexuel » (féminin ou masculin) et les pratiques prescrites qu’elles sous-tendent. Si la SÉÉ féminine et masculine commande un engagement individuel, les femmes y sont davantage sollicitées. En plus de questionner les normes sous-jacentes à la SÉÉ, j’invite à repenser les rapports sociaux qui s’y jouent.
Dîner libre
Conférence d’ouverture de l’après-midi
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Communication orale
De la non-conformité à la conformité : comment la connaissance de l’envers nous permet de saisir l’endroit ou vice versaShirley Roy (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Prendre le contre-pied des «Anormaux» de Foucault (1999, Seuil) et penser : «Les normaux pour une sociologie de la conformité» est une perspective intéressante a le mérite de rebrasser les catégories de la pensée et leur ancrage dans le champ d’observation sociologique.
Depuis ses débuts, la sociologie a cherché à saisir le fonctionnement du social, voire la «vie sociale», à partir de ce qui ne va pas. Ce qui apparaît comme rugosités, aspérités, irrégularité, textures (Martucelli, 2012) attire l’œil, interroge le sens, questionne le différend. Et ces recherches (nombreuses et variées) nous ont appris beaucoup sur la construction/ déconstruction des objets, sur la démarche méthodologique et sur les enjeux épistémologiques de tels regards.
Forte de l’expérience de recherches que j’ai menées au cours des décennies sur la non-conformité (Otero et Roy, 2013) et sur l’exclusion sociale, dans le champ des problèmes sociaux (sur la question spécifique de l’itinérance), je tenterai de voir ce que celles-ci ont de pertinent pour l’étude de son envers : la conformité. 3 choses seront explorées :
- Une lecture nécessairement divisive de la notion de conformité entre divers foyers de conformités/ non-conformités
- La porosité des frontières entre conformité et non-conformité qui s’inscrivent dans le temps et dans l’espace
- La normativité ou plutôt les normativités mises en scène dans l’univers de la conformité
Le « bon » déviant
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Communication orale
«De retour à la normale : normativité du bon patient»Guillaume Ouellet (Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales / UQAM)
Les personnes ayant commis un acte délictuel reconnues non criminellement responsables pour
cause de troubles mentaux, sont placées sous la supervision de la Commission d’examen du
tribunal administratif du Québec. Rencontré annuellement en milieu psychiatrique par un banc
de trois juges (un·e avocat·e, un·e psychiatre, un·e intervenant·e psychosocial ou un·e
psychologue), la personne non criminellement responsable qui souhaite être libérée de toutes
conditions doit « performer » le rôle du bon patient (Parsons, 1951) et, par extension, celui du
citoyen idéal. Abnégation, résilience, autonomie, conscientisation, autorégulation, motivation,
activation, etc., les codes de la bonne conduite sont nombreux et dépassent largement les
normes clinico-juridiques. Dans le cadre de cette présentation, à partir d’observations que nous
conduisons à la Commission d’examen, nous proposons de voir de quelle manière, autour de la
figure du « bon patient », se déploie la normativité contemporaine et se dessinent les contours
de la normalité. -
Communication orale
«La triple conformité dans les tribunaux de santé mentale»Audrey-Anne Dumais Michaud (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les tribunaux de santé mentale sont apparus comme une solution novatrice afin de s’attaquer aux causes menant à des accusations pour des personnes ayant un problème de santé mentale. Les données présentées dans le cadre de cette communication émergent d’une thèse de doctorat portant sur les tribunaux de santé mentale où les résultats convergent vers une notion forte : l’adhérence à une triple conformité. En effet, différents cas de figure ont servi d’exemples afin de construire ce thème central à la justice thérapeutique. Le thème de la conformité est dit triple puisqu’il impose aux personnes accusées d’agir selon des normes établies sur les plans social, mental et judiciaire. Cette triple conformité se dégage clairement du discours des acteurs du tribunal qui misent sur des pratiques plurielles afin de transformer l’individu déviant en une figure canonique. Les justiciables sont ainsi poussés à se raconter dans un récit civil dévoilant leurs ressources et leur capacité à se conformer. À chacune des comparutions, ils devaient prouver qu’ils avaient adopté des comportements conformes. Cette transformation de l’individu illustre que ce dernier est considéré comme un sujet autonome, responsable, actif et capable de s’en sortir. Ce nouveau dispositif judiciaire intégrant différentes stratégies d’intervention travaille de manière étonnante les contours de l’individu déviant.
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Communication orale
«La figure du “bon toxicomane” : quand la normativité sociale imprègne la santé»Lise Dassieu (UdeM - Université de Montréal)
À rebours des approches envisageant la consommation de drogues sous l’angle de la transgression, cette présentation s’intéresse aux représentations normatives du bon toxicomane intériorisées par les personnes utilisatrices de drogues (PUD) et véhiculées par les médecins. Notre propos est fondé sur des recherches sociologiques qualitatives menées au Québec et en France (au total 85 entrevues avec des PUD et des professionnel·es de santé, et l’observation de 45 consultations médicales). Nos entrevues auprès de PUD souffrant de douleur chronique mettent en lumière les tentatives de ces personnes pour se distancier des préjugés négatifs associés à la toxicomanie. La résistance à la douleur devient alors une forme de résistance à la stigmatisation. Les personnes s’affirment comme particulièrement “robustes”. Malgré leur état de santé dégradé, elles valorisent l’investissement dans des activités de travail physiquement éprouvantes. Le travail imprègne également la définition du bon toxicomane à l’oeuvre chez les médecins. Dans la prise en charge médicale des PUD, l’injonction à l’insertion socio-professionnelle et à l’effort de contribution à la collectivité s’entremêle avec l’objectif clinique de sortie de la dépendance. Nos recherches montrent que lorsque la figure idéal-typique du bon toxicomane se confond avec celle du bon travailleur, des enjeux normatifs d’ordre moral et social peuvent renforcer les inégalités face à la santé et aux soins pour les personnes marginalisées.
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Communication orale
«Qu’est-ce qu’une injection conforme? Les services d’injection supervisée et l’institutionnalisation des usages de drogues»Romain Paumier (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Avec 4 sites ouverts en 2017 et 15 ans après Insite à Vancouver, Montréal est la 2e ville au Canada à proposer
des services d’injection supervisée pour les usages de drogues (SIS). Prolongeant les missions et méthodes
d’origines de la réduction des méfaits, les SIS offrent le seul espace où la possession et l’injection de drogues
est légalement permise sur le territoire canadien. Entre l’institutionnel et le communautaire, la supervision de
l’injection au quotidien nécessite l’ajustement de différentes visions de l’injection conforme.
Cette communication, se basant sur une recherche ethnographique de 2 ans (dont 9 d’observation
participante en SIS), s’intéressera aux formes de l’acceptable et du conforme dans les pratiques de
consommation en retraçant les grandes lignes des débats et controverses internes aux équipes portant sur
quatre aspects de l’injection en SIS : les techniques et les formes acceptables de consommation (habitudes et
rituels individuels), l’injection comme pratique individuelle ou collective (couples, amis, initiations), les
produits de l’injection (délimitation des produits injectables, distinctions en fonction des effets des produits
consommés), et enfin la régulation des effets de l’injection (buzz, trips, pulsions, somnolences et risques
d’overdoses). Nous proposons ainsi de nous questionner sur le processus et les écueils de
l’institutionnalisation de pratiques qui, depuis des décennies, étaient réservées à la marge, à l’invisible, à
l’inconforme. -
Communication orale
«La négociation des limites imaginaires de la folie : entre problème et maladie»Isabelle Jacques (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Bien que le diagnostic de trouble de santé mentale (TSM) puisse être étudié de nombreuses manières (à travers ses fonctions clinique, administrative, etc.), le diagnostic de TSM peut également être étudié en tant qu’événement qui influence le parcours des individus de manière symbolique. En se basant sur une réflexion portant sur la sociologie et les régimes de réalité de Danilo Martuccelli, opposant les limites effectives et imaginaires de la contrainte sociale (Martuccelli, 2015), cet exposé présente les résultats d’une étude qui porte sur les manières qu’ont les individus de négocier leur rapport au discours dominant sur la folie qui en fixe les limites imaginaires. Dans les sociétés occidentales actuelles, le discours dominant sur la folie la dépeint comme étant une « vraie maladie ». Pourtant, le rapport des individus au diagnostic reçu ou présumé laisse entrevoir différentes formes d’agir qui illustrent une réalité beaucoup plus complexe où les individus ne se définissent pas systématiquement comme « malade ». Dans un contexte où nous sommes submergés de discours visant la reconnaissance des problèmes de santé mentale comme guettant tous et chacun, comment parler de la souffrance humaine si ce n’est qu’à travers le prisme d’un regard biomédical? Quelles formes prennent les discours sur la souffrance quotidienne lorsque le jargon scientifique est récupéré par une humanité complexe tente de se comprendre ?