Si son ancrage est éminemment social, puisque « [n]ulle archive [n’est] sans dehors » (Derrida 1995), le document est forcément soumis à un traitement qui est marqué, à divers degrés et de multiples façons, par la subjectivité de l’auteur qui y a recours. À la lumière d’œuvres produites au cours des trois dernières décennies en France et au Québec, il convient de se demander si la littérature contemporaine bouscule, voire met en doute, ce que l’on pourrait désigner comme le fondement étymologique de l’archive, sachant que l’arkhé grec désigne autant le commencement que le commandement, comme le rappelle Derrida (1995). Par son utilisation de l’archive, la littérature incite à un détournement historique – lequel n’est pas forcément à voir de manière négative, dans la mesure où l’œuvre cherche moins à remplacer l’histoire qu’à la replacer. Par ailleurs, pour restreindre le cadre visé par ce colloque, désirons-nous nous limiter à l’analyse d’œuvres qui s’intéressent à la crise historique – qu’on pense en France bien sûr à la Seconde Guerre mondiale et à l’Occupation, à la guerre d’Algérie et à Mai 68, ou au Québec à la crise d’Octobre. Au demeurant, l’archive envisagée pourra être exprimée sous ses différentes formes (historiques, journalistiques, familiales, personnelles) et sous ses divers supports (scriptural, photographique, vidéo). Nous explorerons les stratégies discursives déployées dans la littérature contemporaine en empruntant les axes d’analyse suivants, sans pour autant exclure d’autres avenues : 1) les stratégies d’écriture, ou les ambiguïtés de la vérité en littérature contemporaine relativement au réel et à l’histoire (incertitude, doute et mensonge, camouflage et détournement); 2) les stratégies génériques, ou comment l’archive en littérature soulève des ambiguïtés quant au statut de l’œuvre produite, mais aussi des discours auxquels l’histoire adhère; 3) les stratégies réflexives, ou la mise en scène du travail d’archive comme caution du travail littéraire.
Remerciements
Les organisateurs tiennent à remercier le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ) et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) pour leur soutien.