518 - Explorer la relation travail-apprentissage-formation à partir de l'analyse de l'activité : regards croisés sur la formation professionnelle

Cette communication examine les relations entre travail, apprentissage et formation, à partir des concepts et méthodes de la didactique professionnelle. Après une première partie qui rappellera les fondements épistémologiques de la didactique professionnelle au regard des trois concepts du tryptique travail apprentissage et formation, on examinera, à partir de cas concrets, les types de relation entre chacun des concepts, et les conséquences qui peuvent en être tirées pour la formation et l'enseignement professionnel.

Cette recherche s'inscrit dans une perspective situationniste de l'activité (Brown, Collins, & Duguid, 1989) et du développement professionnel (Webster-Wright, 2009). Selon cette perspective, l'action humaine est fondamentalement cognitive, c'est-à-dire qu'elle donne lieu à la construction de connaissances, mais elle est également caractérisée par une dimension émotionnelle et physique, et enfin est située dans une situation et une culture toujours singuliers. L'objet de l'étude dont il sera question dans le cadre de ce symposium est l'apprentissage mis en œuvre par une communauté d'apprentissage professionnelle mise en place dans un centre de formation professionnelle (DuFour, 2004; Stoll &al 2006) en vue de développer des stratégies pédagogiques davantage centrées sur l'apprenant et susceptibles de favoriser une meilleure intégration théorie-pratique. La présentation permettra d'exposer les principaux modèles de pratique explorés, d'où viennent ces modèles et comment les enseignants en sont venus à les adopter et enfin comment ceux-ci ont (ou pas) mis en œuvre des actions concrètes liées à ces modèles et, si oui, quelle appréciation ils en ont fait et s'ils ont cherché à formaliser et diffuser ces modèles de manière plus large. Plus largement, elle tentera de mettre en évidence les apports et les limites d'une démarche de développement professionnel collective et basée sur une connaissance fine de l'activité de travail.

Les enseignants de la formation professionnelle au Québec sont des anciens professionnels expérimentés dans les métiers qu'ils enseignent et que certains continuent à exercer à temps partiel. De plus, un tiers des enseignants de la FP poursuivent actuellement leurs études en enseignement, également à temps partiel. Ainsi, le triptyque formation-travail-apprentissage se conjugue pour eux en plusieurs versions, chacun des éléments du triptyque ayant des significations multiples. Le cadre théorique central de cette recherche est celui des représentations fonctionnelles (Leplat, 1985; Ochanine, 1968). Les représentations sont fonctionnelles dans la mesure où celles-ci permet d'agir sur le réel c'est-à-dire, dans le cas des enseignants de la formation professionnelle, de conduire efficacement leur activité quotidienne au fil des situations qui se présentent à eux voire d'anticiper ces situations pour préparer et organiser leur activité à l'avance. Nous nous appuyons pour cela sur des récits d'enseignants recueillis dans le cadre d'entretiens semi-directifs. Nous faisons ici une utilisation secondaire de ces données qui ont servi initialement à définir le métier d'enseignant de la FP. Cette fois, nous examinons à travers ce récit, les représentations qu'ont les enseignants de la formation, du travail et l'apprentissage et les manières dont ces éléments se conjuguent chez eux de manière fonctionnelle.

Dans notre communication, notre premier point d'entrée sera celui de l'aménagement d'un dispositif de formation « tenant » l'alternance en formation professionnelle initiale des enseignants : la supervision de stage en triade (deux tuteurs et un enseignant novice). Nous documenterons plus particulièrement l'usage de la multimodalité numérique en situation d'entretien de conseil et nous apprécierons sa contribution aux apprentissages professionnels d'un enseignant novice en grande difficulté dans la réalisation de son travail avec ses élèves. Notre second point d'entrée sera, dans le cadre d'un suivi longitudinal, l'appréciation de la contribution de cet aménagement au processus de développement du pouvoir d'agir de ce dernier et des enjeux de santé qui s'y trouvent associés. Les cadres conceptuels mobilisés sont issus d'une théorie psychologique de l'activité et d'une approche historico-culturaliste du processus d'apprentissage-développement .La relation formation-apprentissage/développement- travail des enseignants sera discutée à partir des données vidéos et iconographiques issues de l'observation de l'activité professionnelle (d'enseignement et de formation) et des entretiens d'auto-confrontation vidéo simple.

Loin des cadres très pointus de l'analyse de l'activité, nous voudrions aborder ici la relation travail-apprentissage-formation à partir d'un regard qui en change d'abord l'ordre pour travail-formation-apprentissage et l'inscrit ensuite dans la logique des parcours biographiques et professionnels des enseignants de formation professionnelle du Québec. Il s'agit d'un ancrage en psychologie sociale avec un intérêt marqué pour une perspective développementale et interactionniste qui envisage le chemin parcouru par la personne entre une identité enracinée d'abord dans le métier et façonnée ensuite par la nouvelle réalité enseignante. Nos données sont issues de 2 types de travaux. D'abord, sur les compétences de formateur en milieu de travail (Balleux, 2002) à partir d'un cadre en 4 dimensions : technique, opérationnelle, de symbolisation et relationnelle. Ensuite, sur les transformations identitaires à travers des récits de vie portant sur ce passage entre métier et enseignement (Balleux, 2006, 2011, 2013) analysés à partir des marqueurs biographiques (Boutinet), du processus (Perez-Roux, Lipiansky, Mègemont) et des stratégies (Kaddouri).

Cette communication propose une entrée dans le triptyque formation-travail-apprentissage par la formation, prise du point de vue de l'activité de ceux qui apprennent (élèves, étudiants, adultes en formation continue) : ce que produisent sur leur activité les situations de formation qui leurs sont données à vivres par les acteurs de la formation (acteurs des établissements d'enseignement, formateurs et enseignants. La communication s'appuie sur un travail de recherche réalisé auprès d'étudiants engagées dans une formation initiale de Brevet de Technicien Supérieur en Industrie Agro-alimentaire (niveau baccalauréat + 2 ans) par la voie scolaire, dans trois établissements de l'enseignement technique agricole français - travail qui a servi à la réalisation de ma thèse (Métral, 2013). La méthodologie de recueil des données concernant l'activité des acteurs pour les situations de formation est de type ethnographique, basée sur une présence régulière dans les établissements. Y est associé un recueil de textes prescriptifs concernant le diplôme et les situations de formation. Les analyses réalisées sont de type qualitatif et visent la compréhension des processus psychologiques liés aux apprentissages et à leurs conditions. Elles s'appuient sur des catégories issues du cadre théorique de la didactique professionnelle (Pastré, Mayen, Vergnaud, 2006…), associé à d'autres cadres théoriques : théories psychologique de l'activité ; ergonomie de langue française.

À la lumière de nos travaux, il apparaît que le savoir-être est une préoccupation autant des milieux de formation que des milieux de travail et l'apprentissage de ce savoir à une conséquence importante pour un individu qui désire accéder à un emploi ou le conserver. Les recherches ont porté sur la façon d'interpréter et de représenter les savoir-être clés d'un métier ou d'une profession. La suite de ces travaux nous oriente vers la recherche de pratiques d'enseignement, de stratégies et d'environnements didactiques favorisant le développement de ces savoir-être. Les premiers résultats de ces recherches permettent de constater que ces modalités remettent en question, de façon importante, des pratiques d'enseignement déjà en place et qui vont souvent à l'encontre même des savoir-être que l'enseignant veut faire développer.On retrouve ici la nécessité du lien entre la formation, le travail et l'apprentissage. La formation doit se préoccuper de cet objet en le faisant apprendre et non seulement l'évaluer. Le travail permet de retrouver les situations qui justifient la présence de ces savoir-être et indique les circonstances à reproduire pour les faire manifester.

Le contenu de la communication est tiré d'une recherche-intervention en ergonomie réalisée dans le secteur agroalimentaire au cours de laquelle il y a eu une analyse de l'activité de travail à la découpe de viande pour la conception d'un contenu de formation et une analyse de situations de formation pour document les conditions d'apprentissage dans un but de prévention des TMS. La communication rendrait compte uniquement de l'analyse de situations de formation. Ces situations de formation se déroulant en contexte réel de travail, les conditions d'apprentissage étaient très proches des conditions de travail (mais pas complètement les mêmes). La présentation ferait état d'éléments méthodologiques et de résultats montrant comme cette analyse a non seulement permis de fournir des recommandations sur les conditions d'apprentissage, mais également, de soutenir le milieu de travail dans la mise en place de ces recommandations.

Cette communication s'appuie sur des résultats des recherches que nous menons sur l'analyse des niveaux de complexité de situations évaluatives de sanction de compétences utilisées en formation professionnelle. Différents repères théoriques reliés à la pédagogie de l'intégration et développés par Roegiers et différents collaborateurs (Roegiers, 2007, 2010; Roegiers, Dehon, Rampin, Ratziu, et Rosy, 2010) donnent un sens et une direction à ces travaux. Dans ce contexte de recherche dont l'orientation épistémologique est de nature interprétative/qualitative, le sens de la relation triadique formation/apprentissage-évaluation/travail s'enracine à l'intérieur de l'activité enseignante. Les situations évaluatives sont considérées comme des productions réfléchies de l'enseignant puisqu'ayant une structure, une forme, émanant de la réflexion sur l'évaluation des apprentissages. La méthodologie utilisée pour répondre aux questions et aux objectifs de cette recherche se décline en plusieurs moyens: une analyse documentaire (situations évaluatives – référentiel en évaluation où sont fournies les descriptions d'épreuves, programme d'études et guides du formateur et de l'élève); des entretiens avec des enseignants responsables de la passation (et parfois de la conception) de ces épreuves dans leur spécialité; ainsi qu'un journal de bord tenu par la chercheure.