Tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes dont il est à la fois la relecture, l’accentuation, la condensation, le déplacement et la profondeur.[1] Le renouvellement comme survie de l’art concourt à la conception d’œuvres insolites. À cet effet, Michaux exploite toutes les possibilités qui s’offrent à lui dans ses révélations poétiques. Chez lui, le poème est en mutation continuelle. Suivant une fameuse proposition de Jacques Derrida (1986 : 264) d’après laquelle « tout texte littéraire participe d’un ou de plusieurs genres », nous sommes pour notre part conduit à reconnaître la plasticité générique constitutive de certains discours. En effet, Michaux fait partie des poètes qui considèrent que la poésie ne peut pas se réduire à une forme, à une manière d’écrire, ni à un style. Le vers n’a jamais suffi pour faire un poème[3]. La poésie est l’expression d’un parcours émotionnel qui n’existe que par ses propres normes. Pour lui, « les genres doivent être épinglés, mimés, utilisés, traversé, transformés, relativisés »[4]. Au lyrisme propre à la poésie, s’ajoutent la description du romanesque, l’onirique du fantastique, la persuasion de l’argumentatif, l’humour du comique.
[1]Philippe Sollers, Théorie d'ensemble, textes réunis, Paris, Seuil, 1971, p. 75.
[3]ROUMETTE Julien : Les poèmes en prose, Ellipses, Paris, 2001, p.3
[4]BELLOUR Raymond : « Introduction », Henri Michaux, OC, I, Paris, Gallimard, 1998, p. XXV.