526 - La motivation en contexte scolaire : approches théoriques, recherches empiriques et enjeux pour la pratique professionnelle

Au cours des 30 dernières années, la recherche sur la motivation a pris de l'ampleur avec, entre autres, l'avènement de la théorie de l'autodétermination (Deci & Ryan, 1985). Ce modèle théorique a amené les chercheurs à élaborer et adapter de nombreux questionnaires pour mesurer la motivation dans des populations spécifiques (p. ex., étudiants, athlètes, employés), à différents stades de développement (p. ex., enfants, personnes âgées) ainsi que dans des contextes particuliers (p. ex., école, sport, travail). Il faut cependant noter qu'un défi important et souvent peu adressé lors de la création de questionnaires est de s'assurer que le vocabulaire utilisé dans les questions et les items soit adapté pour être compris par les participants cibles. Cet enjeu est particulièrement important pour la recherche en contexte scolaire et ce, tant auprès des étudiants, des parents que des employés. L'objectif de cette étude était donc d'évaluer et d'établir les indices de lisibilité de plus de 100 questionnaires de motivation développés à partir de la théorie de l'autodétermination. Les résultats de cette étude permettront de souligner l'importance d'avoir des questionnaires adaptés au niveau de compréhension des participants, tout en offrant les informations nécessaires pour aider les chercheurs à faire des choix éclairés lors de la sélection d'instruments à utiliser pour un projet de recherche.

Le sentiment d'efficacité parentale (SEP) est un facteur clé dans l'engagement parental envers l'enfant. Aussi, plus le parent est activement engagé avec son enfant, mieux il connait ses capacités et a confiance en lui et plus il tend à adopter un style parental démocratique (SPD). Le sentiment de l'enfant d'être soutenu et l'encouragement parental au partage des prises des décisions sont de nature à alimenter son sentiment de compétence, le déterminant majeur de la qualité de son fonctionnement et rendement scolaires. Mais de quelle façon ces facteurs sont-ils liés ? L'étude a été menée chez 213 élèves (89 garçons) de secondaire 2 et 3 et visait à examiner un modèle des liens directs et indirects entre le SEP, le SPD, la perception de compétence de l'élève et son autorégulation en classe et son rendement scolaire évalués par l'enseignant. Les analyses de régression montrent que le modèle total explique 25.2% de la variance dans l'autorégulation et 30.5% dans le rendement. Les liens entre les variables parentales et les 2 mesures du fonctionnement scolaires de l'élève sont indirects : le SEP prédit le SPD qui à son tour prédit la perception de compétence de l'enfant laquelle est liée significativement à l'autorégulation (? = 0.39, p < 0.01) et au rendement (? = 0.48, p < 0.01). La discussion portera sur les liens indirects entre le sentiment d'efficacité parental et le fonctionnement ainsi que le rendement scolaires de l'enfant.

Une perception d'un soutien parental conditionnel serait associée à des difficultés psychosociales et psychoscolaires (Roth et al., 2009). À ce jour, les corrélats d'une perception d'un soutien parental conditionnel ont été examinés en même temps que cette perception et aucune étude n'a examiné si une telle perception évoluait dans le temps. Le 1er objectif de l'étude longitudinale de menée chez 519 élèves (254 garçons) québécois de 9-10 ans était d'examiner les patrons d'évolution de leur perception d'un soutien parental conditionnel sur une période de 6 ans. Le 2e objectif était d'examiner si ces patrons permettaient de prédire le fonctionnement scolaire (motivation, autorégulation, attitude envers le décrochage et anxiété scolaire) estimé par l'élève à l'an-7 de l'étude. Les analyses de trajectoires ont permis d'identifier 4 patrons d'évolution de la perception de conditionnalité du soutien: stable-faible, croissant, décroissant et stable-élevé. En raison du faible nombre de sujets dans ce dernier patron, il n'a pas été retenu dans les analyses subséquentes. Les résultats des analyses de variance sont semblables pour les quatre variables et indiquent que les élèves du groupe stable-faible se distinguent positivement de ceux des deux autres groupes qui ne se distinguent pas. De plus, les filles se différencient des garçons de manière favorable.  La discussion portera sur l'importance de la perception soutenue d'inconditionnalité du soutien parental. 

La dépression maternelle (DM) a des effets sur le développement cognitif de l'enfant. Quelques études ont montré l'effet positif des services de garde sur le développement cognitif d'enfants de milieux défavorisés. Au-delà des habiletés cognitives, la motivation intrinsèque de l'enfant envers l'école joue aussi un rôle sur la réussite scolaire. Notre étude cherche à évaluer si différentes caractéristiques des services de garde modifient l'association entre la DM et la motivation intrinsèque des enfants de 7 ans. Les participants (n= 1275) ont été suivis dans le cadre de l'Enquête Longitudinale du Développement des Enfants du Québec (ELDEQ). Deux trajectoires des symptômes dépressifs des mères ont été évaluées à partir du CES-D rapporté alors que l'enfant avait 5, 17, 41 et 60 mois. Le type (garderie,non maternelle et maternelle) et le temps passé au service de garde ont été collectés. Les enfants ont répondu à des questions posées par un intervieweur sur leur motivation intrinsèque face à l'école. Parmi les enfants ayant des mères dépressives ceux ayant fréquentés un service de garde à temps plein (M=8,32) ont une motivation intrinsèque plus élevée que ceux l'ayant fréquentés moins de 8h par semaine (M=7,80, p=0,05) ou qui ont augmenté leur fréquentation avec les années (M=7,74, p=0,02). Les services de garde permettent aux enfants de 7 ans de mères dépressives de développer leur motivation pour l'école, ce qui aura peut-être un impact sur leur réussite scolaire.

L'hétérogénéité au sein de la population des décrocheurs a conduit plusieurs chercheurs à étudier les déterminants du décrochage selon une approche typologique. Les typologies qui en résultent identifient un groupe de décrocheurs dont le profil scolaire se distingue peu de celui des diplômés et qui sont par conséquent difficilement identifiés par les milieux scolaires. Pour Janosz et son équipe (2000), ces élèves qu'ils qualifient de «discrets», représentent près de 40% des décrocheurs. Sur la base du suivi longitudinal (5 ans) d'une cohorte de 266 élèves (56% de filles, âge moyen de 13 ans) présentant un profil « discret» en première secondaire,la présente étude vise d'abord à améliorer la sensibilité et la spécificité des outils de dépistage, plus particulièrement pour ce groupe d'élèves, en identifiant, au moyen de régressions logistiques, les variables individuelles, sociales ou familiales qui permettent de mieux prédire s'ils décrocheront avant l'obtention de leur diplôme. Ensuite,considérant que 51% des élèves au profil discret au début du secondaire présentent un profil autre deux ans plus tard (soit désengagé, sous-performant ou inadapté),nous explorons l'hypothèse selon laquelle le profil des futurs décrocheurs varie dans le temps etreflète les étapes de désengagement scolaire, témoignant de l'aggravation du rapport entre l'élève et son expérience scolaire. Les implications pour l'intervention préventive en matière de persévérance scolaire sont discutées.

La profession enseignante exige passion et dévouement (Carbonneau et al., 2008) alors que la majorité des enseignants ressentent du stress dans l'exercice de leur fonction (Jennett et al., 2003). Une meilleure connaissance des exigences de l'emploi et des ressources motivationnelles qu'il requiert des individus est cruciale afin de contrer certains coûts psychologiques, dont l'épuisement professionnel. Deux facteurs du stress, caractéristiques de ce milieu de travail, semblent émerger des études scientifiques: comportement perturbateur des étudiants et surcharge de travail. Bien que les travaux se soient intéressés aux facteurs de stress chez les enseignants des niveaux primaire et secondaire, on en sait peu sur le rôle des processus motivationnels des enseignants de niveau collégial en lien aux facteurs de stress et leur épuisement professionnel. Cette étude porte plus précisément sur l'efficacité personnelle qui réfère à la perception d'un individu quant à sa capacité d'accomplir une tâche en regard d'un objectif à atteindre. Les résultats de l'étude, menée auprès de 436 enseignants, montrent que les trois dimensions de l'efficacité personnelle (gestion de classe, stratégies d'enseignement et engagement envers les étudiants – Tschannen-Moran et Woolfolk Hoy, 2001) agissent comme médiateurs, mais de manière distincte dans la relation entre les facteurs de stress et l'épuisement professionnel. Les implications théoriques et pratiques seront abordées lors de la présentation.

La motivation scolaire et ses conséquences ont été étudiées sous plusieurs angles; cependant, la théorie de l'autodétermination (TAD) est sans équivoque l'un des champs conceptuels les plus utilisés en milieu scolaire. De manière générale, la TAD postule que les individus qui possèdent une motivation intrinsèque (MI) vivront plus de conséquences positives. Ceci étant dit, plusieurs études ont investigué l'association entre la MI et la performance scolaire, mais les résultats d'une méta-analyse révèlent que ce lien est relativement faible (r = .17; Richardson, Abraham, & Bond, 2012). D'un autre côté, être étudiant requiert aussi des habilités cognitives qui sont tout autant importantes que la motivation dans la prédiction de la performance. La mémoire de travail (MT) a été identifiée comme un concept clé pour prédire la performance (Alloway & Alloway, 2010). Afin de démystifier l'association plutôt faible entre la MI et la performance scolaire, nous avons investigué la MT comme modérateur. Des analyses de régressions hiérarchiques ont révélé une interaction significative se décrivant par une relation non-significative entre la motivation et la performance (? = .07) pour les étudiants avec de hauts niveaux de MT mais significative pour les étudiants ayant des bas niveaux de MT (? = .32). Ces résultats seront discutés en démontrant l'importance d'une perspective intégratrice de la motivation et des fonctions exécutives.

De nombreuses études ont montré que les garçons sont généralement plus intéressés en mathématiques que les filles alors que ces dernières rapportent un intérêt accru en langues (Frenzel et al., 2010 ; Graham et al., 2008). Bien que ces différences d'intérêt selon genre soient souvent attribuées aux stéréotypes traditionnels favorisant les garçons en mathématiques et les filles en langues, aucune étude n'a directement mesuré la relation entre les stéréotypes entretenus par les élèves et leur intérêt. Afin de combler ce manque, des analyses de pistes menées auprès de 662 élèves (g = 290; f = 372) ont examiné la validité empirique de deux modèles théoriques. Le modèle centré sur la matière (Durik et al., 2006) suppose que l'adhésion à des stéréotypes dans une matière affecte l'intérêt dans cette même matière. Le modèle centré sur l'individu (Chow et al., 2012) postule plutôt que l'intérêt dans une matière provient du rapport entre les stéréotypes entretenus dans une matière et ceux entretenus dans l'autre matière. En français, les résultats ont révélé que les stéréotypes prédisent significativement l'intérêt, en plus d'expliquer les différences de genre observées, permettant ainsi de confirmer la validité empirique d'un modèle centré sur la matière. En mathématiques, le modèle centré sur l'individu, considérant à la fois les stéréotypes en mathématiques et en français, s'est révélé plus pertinent, en expliquant les différences de genre dans l'intérêt en mathématiques.

L'objectif de l'étude est de déterminer la direction de l'association entre le rendement et la motivation intrinsèque en mathématiques de la 1^ère à la 6^e année de l'école primaire. L'échantillon est issu de l'Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ). Le rendement en mathématiques a été mesuré par deux indicateurs: (1) le rapport des enseignants quant au rendement en mathématiques des enfants, et (2) une mesure standardisée des habiletés en mathématiques. Les enfants ont rapporté leur niveau de motivation intrinsèque en mathématiques. Les modèles par équation structurelle montrent des relations réciproques entre la motivation intrinsèque et le rendement en mathématiques de la 1^ère à la 6^e année. La direction des associations ne diffère pas entre les sexes, bien que les garçons rapportent avoir un niveau de motivation significativement supérieur à celui des filles. Les résultats démontrent également que la force des relations bidirectionnelles augmente avec l'âge, et que les liens de stabilité du rendement tout comme ceux de la motivation intrinsèque en mathématiques fluctuent peu à travers les années scolaires. Les résultats suggèrent que l'association entre la motivation et le rendement en mathématiques devient plus étroite à mesure que l'enfant se développe.

Plusieurs études en génétique du comportement montrent une héritabilité significative pour le rendement en lecture au cours de l'enfance. Il est aussi démontré que la stabilité du rendement en lecture est principalement expliquée par les variations génétiques, les mêmes facteurs génétiques rendant compte de la performance en lecture à travers le temps. Peu d'études ont par contre considéré et départagé le rendement de la motivation en lecture, en relation avec les évaluations des professeurs, dans un devis longitudinal génétiquement informatif. La présente étude utilise 742  jumeaux de l'Étude des jumeaux nouveau-nés du Québec (314 monozygotes) afin d'examiner l'architecture phénotypique et génétique-environnementale des liens entre les autoévaluations du rendement et de la motivation en lecture et le rendement en lecture évalué par les professeurs en 4^ème et 6^ème année. Le rendement des jumeaux en lecture a été autoévalué (3 items) et évalué par les enseignants (2 items) sur une échelle Likert en 5 points. La motivation en lecture (3 items) a été autoévaluée sur une échelle similaire. Les résultats préliminaires montrent que les évaluations du rendement par les professeurs corrèlent davantage avec les autoévaluations du rendement que de la motivation. La variance génétique et l'environnement unique expliquent la majorité des différences interindividuelles des mesures de lecture. Les liens entre les mesures de lecture sont principalement expliqués par les facteurs génétiques.

En quelques années, les tablettes tactiles et notamment l'iPad semblent avoir suscité un engouement sans précédent dans les écoles primaires et secondaires du monde entier. Par exemple, on retrouve plus de cinq millions d'iPads dans les salles de classe aux États-Unis. Cette forte pénétration de la tablette dans les écoles est autant liée à la popularité de l'outil qu'au potentiel que l'on prête souvent aux technologies en milieu scolaire, soit celui de favoriser la motivation des apprenants. Nous avons mené une vaste étude auprès de 6057 élèves du secondaire afin de mesure leur profil motivationnel lié à l'usage de cette tablette tactile à l'école.  Nous avons utilisé l'Échelle de motivation pour les élèves du primaire pour évaluer l'évolution de leur profil motivationnel.  Cette échelle est basée sur la théorie de l'autodétermination de Deci et Ryan qui présente différents types de motivation qui se distinguent par leur degré d'autodétermination.  Ces types de motivation se regroupent en trois grandes classes: l'amotivation, la motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque. Les résultats présentés montreront le profil motivationnel des élèves qui utilisent la tablette tactile de façon quotidienne en salle de classe. On y retrouvera notamment un intéressant mariage de types de motivations fortement autodéterminées, mais aussi de motivations qui le sont moins. Des pistes explicatives, tirées notamment des quelque 35 entrevues de groupe réalisées, seront aussi présentées.

Dans le cadre d'une recherche-action, Guay et al. (2014) ont développé et évalué une formation professionnelle (CASIS) qui amène les enseignants à enrichir leurs pratiques pédagogiques en écriture pour favoriser chez leurs élèves une plus grande motivation. Cette formation repose sur la théorie de l'autodétermination et des recherches récentes. Une première étude évaluative a démontré que les élèves dont les enseignants ont suivi la formation CASIS étaient plus motivés intrinsèquement (plaisir d'écrire) et se sentaient plus compétents en écriture. Dans le cadre de cette recherche, nous avons voulu reproduire les tout premiers résultats obtenus et évaluer l'efficacité de CASIS en fonction du sexe des élèves. 27 nouvelles enseignantes ont reçu la formation et 477 de leurs élèves ont rempli un questionnaire à deux reprise (octobre 2012 et mai 2013). L'échantillon comprend des élèves de la 2^e à la 4^e année (âge moyen = 8,25; 47,9% de garçons). Nos résultats démontrent que la formation permet de limiter la baisse de motivation intrinsèque et identifiée des élèves (surtout chez les garçons) qui se produit généralement entre le début et la fin de l'année scolaire. Par ailleurs, les élèves dont les enseignants ont suivi la formation rapportent une moins grande détérioration de la relation avec leur enseignant entre le début et la fin de l'année. Cette étude souligne l'efficacité de CASIS à la fois pour les filles et les garçons.

Le programme Check & Connect, développé et évalué à la fin des années 1990 aux É.-U. par l'équipe du Pr. Christenson, vise à promouvoir l'engagement scolaire chez les élèves à risque de décrocher. Ce programme se définit comme une intervention intensive de type ciblée qui repose sur l'établissement d'une relation significative entre un élève et un mentor. C&C a été adapté puis évalué au Québec dans 10 écoles secondaires provenant de deux commissions scolaires en ayant recours à un devis expérimental avec répartition aléatoire des élèves ciblés par le dépistage dans les groupes expérimental (n=168) et témoin (n=161). Le devis adopté constitue un test sévère du programme implanté, puisqu'il implique une validation d'efficacité en situation «normale», avec les ressources et l'expertise disponibles au sein des écoles. Des effets positifs de C&C sont entre autres notés en termes de perception de compétence en français (d=.22), d'utilité perçue de l'école (d=.27), de délinquance (d=-.30), de rendement scolaire (d=.15) et d'indice de risque de décrocher (d=-.21), bien que les différences observées en termes de décrochage scolaire soient non-significatives en 2012-2013. Enfin, les résultats sont modulés par la qualité de l'implantation de C&C au sein de la commission scolaire, ce qui souligne l'importance d'implanter adéquatement les composantes de monitorage et de relation significative, en plus de bien apparier les compétences du mentor avec le type de décrocheur potentiel.